Ac
1,1-11 ; Ps 46 ; He 9,24-28 ; 10,19 ; Lc 24,46-53
Chers
frères et sœurs,
L’Ascension
du Seigneur Jésus – dont la mémoire a été érigée par l’Église en solennité
liturgique – est d’une très grande importance pour comprendre la double mission
de Jésus, et partant, de la nôtre. Double mission, car Jésus accomplit deux
mouvements en même temps. Le premier est celui de s’élever ou d’être élevé au
ciel, le second est celui de bénir les Apôtres restés à terre.
Le
mouvement d’élévation est l’accomplissement de la prophétie de Daniel : le
Fils de l’Homme s’élèvera dans les cieux pour s’asseoir à la droite de Dieu le
Père, et il sera appelé Fils de Dieu, car il partagera avec lui sa gloire. Ce
faisant, le Fils de l’Homme – c’est-à-dire Jésus – dépasse et soumet les
puissances angéliques, y compris et surtout les puissances démoniaques. A
travers lui c’est la nature humaine qui s’élève au-dessus des anges : la
promesse faite par Dieu aux hommes d’une réconciliation et d’une divinisation
sont ainsi accomplies par Jésus, comme premier-né dans une vie nouvelle et tête
de toute l’humanité.
Cependant
cette ascension glorieuse n’est pas sans incertitude. En effet, Jésus se
présente devant son Père comme Esther se présentait devant le Roi de Perse,
c’est-à-dire au risque de sa vie, sans garantie que sa présence et son offrande
seront agréés. L’offrande de Jésus n’est autre que celle de son humanité
purifiée de tout péché par le sang de sa croix. Ainsi Jésus revient vers son
Père comme le fils prodigue, espérant être bien reçu par lui. Nous voyons ici
combien Jésus est prêtre, puisqu’il présente à son Père une offrande – notre
humanité – en le priant de l’accepter et de la transfigurer par sa puissance
divine. L’incertitude durera dix jours, durant lesquels les Apôtres attendront,
dans la prière que celle de Jésus soit accomplie par la grâce de Dieu. Et ils
sauront que l’offrande aura été agréée quand l’Esprit Saint sera répandu dans
le monde, au jour de la Pentecôte.
Voilà
pour le mouvement d’élévation de Jésus. Il faut expliquer aussi celui de la
bénédiction des Apôtres, restés à terre.
Ce
n’est pas parce que Jésus est tourné et tendu vers son Père qu’il oublie ses
Apôtres. Bien au contraire, son élévation est en même temps une bénédiction
pour eux, non seulement parce que tout l’enjeu de l’action et de la prière de
Jésus est la divinisation de l’humanité que les Apôtres représentent, mais
aussi parce que c’est la réussite même de ce mouvement d’élévation et d’offrande
qui constitue, nourrit et fortifie le groupe des Apôtres et leur mission. La
bénédiction de Jésus est le sang spirituel de l’Église alors encore en
gestation.
En
reproduisant cette double attitude de Jésus : comme lui, tournés vers le
Père pour lui offrir les prières et les offrandes des hommes, les Apôtres
bénissent les chrétiens dont ils ont été constitués pasteurs et par ce geste spécifique
de bénédiction qui est l’imposition des mains, ils constituent des évêques et
des prêtres : ils étendent l’Église jusqu’aux confins du monde et jusqu’au
bout des temps.
Maintenant
que nous avons compris ce que fait Jésus durant son Ascension, et par
conséquent quelle est la mission des Apôtres et celle de leurs successeurs,
nous pouvons aussi comprendre la nôtre, la mission de chacun d’entre nous. Comme
Jésus s’élevait et bénissait, comme les Apôtres priaient et bénissaient
également, notre mission de baptisés est aussi prière et bénédiction.
Elle
est prière car nous aussi nous sommes appelés à tourner notre regard vers Dieu
notre Père pour nous présenter nous-mêmes à lui dans son Temple, comme Jésus
dans le ciel, et lui présenter nos offrandes, celles de nos prières et celles
des fruits de la terre et du travail des hommes. A la messe, à chaque messe, le
prêtre reproduit l’élévation et les geste d’offrande de Jésus. A chaque messe,
c’est l’Ascension : nous nous présentons devant le Père, en communion avec
Jésus. Et nous espérons sa bénédiction. Bien sûr, il nous la donne : c’est
la communion. La communion, c’est toujours la Pentecôte : la vie de Dieu
donnée et répandue dans le monde.
Mais
notre mission est également bénédiction. Durant notre présence à l’église,
notre prière se fait universelle. Certainement nous prions en pensant à nos
propres soucis ou à nos propres actions de grâce, mais notre vocation est de
prier et de rendre grâce pour toute l’humanité. Et les gens autour de nous –
qui ne sont pas à l’église – doivent sentir que cette prière est une
bénédiction pour eux, pour leur donner de l’espérance, du courage, de la force,
pour vivre mieux et se tourner à leur tour vers le Père. Et plus encore, quand
nous sortons de l’église, nous ne devons être que bénédiction autour de nous. Car
nous sommes chargés de la bénédiction de Dieu pour tous ceux que nous rencontrerons.
Et cela doit prendre des aspects très concrets. Ainsi va la mission caritative
de l’Église qui prend sa source dans l’Eucharistie, et à travers elle, dans
l’unique offrande, celle de Jésus se présentant devant son Père, comme prêtre
et Agneau sans taches, en son Ascension au ciel.