vendredi 27 mai 2022

15 mai 2022 - GRAY - 5ème dimanche de Pâques - Année C

Ac 14, 21b-27, Ps 144, Ap 21,1-5a ; Jn 13, 31-33a.34-35
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile que nous venons d’entendre se situe juste après le lavement des pieds et le repas de la Cène, tandis que Jésus va être livré pour subir sa Passion. Et pourtant nous sommes bien aujourd’hui le 5ème dimanche de Pâques ! De fait, nous lisons ces dimanches un grand nombre d’enseignements et de prières de Jésus avant sa Passion, tandis que tout en priant son Père, il faisait part à ses disciples de ses dernières recommandations.
Mais traditionnellement cet enseignement particulier – qui est consigné dans l’évangile selon saint Jean – a toujours été regardé comme l’enseignement que Jésus a donné à ses disciples lors de ses apparitions, pendant quarante jours, avant son véritable départ vers le ciel, c’est-à-dire l’Ascension. Et c’est la raison pour laquelle nous le lisons aussi durant le temps pascal. Rien n’empêche que Jésus ait répété cet enseignement, que les disciples ne pouvaient pas comprendre ni retenir avant la Passion, mais qui leur était plus intensément actuel entre la résurrection et l’Ascension.
 
De fait, quand nous lisons le texte, nous pouvons le lire selon ces deux points de vue. Par exemple, quand Jésus dit qu’il a été « glorifié », tandis que Judas est parti le livrer aux autorités de Jérusalem, nous comprenons que les « dés sont jetés » : maintenant tout est dit, et la mort de Jésus est inéluctable. Mais cette glorification nous paraît un peu mystérieuse. Justement, si nous pensons que Jésus a répété cet enseignement après sa mort et sa résurrection, il est plus facile d’entendre qu’il a été « glorifié ». Car Jésus et son Père sont glorifiés dans le passage qui va de la mort à la vie, de la passion à la résurrection. Jésus poursuit en disant : « Dieu aussi le glorifiera, et il le glorifiera bientôt ». Jésus veut dire qu’il sera couronné par son Père et que ce couronnement est proche. Mais justement, c’est ce qu’il va se passer après l’Ascension, toute proche, quand Jésus va s’asseoir à la droite du Père. D’ailleurs, le texte araméen dit avec insistance que Dieu le glorifiera « en lui-même ». C’est donc bien dans la gloire de Dieu son Père que Jésus est glorifié.
 
Cependant Jésus n’est pas nombriliste et, même s’il a le regard intensément tourné vers son Père, car il vient du Père et il retourne au Père, pour le glorifier et être glorifié par lui, il pense aussi à ses disciples : « Je vous donne un commandement nouveau. » C’est-à-dire que la prière de Jésus n’est jamais séparée de son souci pour nous. La volonté du Père – que Jésus accomplit – est que nous participions nous-même à sa gloire.
Le commandement nouveau est de nous aimer les uns les autres, comme Jésus nous a aimé. Soyons clairs : si Jésus a décrété un commandement – et non pas une simple recommandation – c’est que l’enjeu est vital pour nous. Le commandement est celui de la charité, de l’amour les uns pour les autres, « comme Jésus nous a aimé », c’est-à-dire en donnant sa vie pour nous : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Tel est l’amour dont parle Jésus.
Saint Éphrem disait : « Comment donc expliquer ce que Jésus dit : “Comme je vous ai aimés” ? Mourrons les uns pour les autres, dit-il. Quant à nous, nous ne voulons même pas vivre les uns pour les autres. Si moi, dit-il, qui suis votre Seigneur et Dieu, je meurs pour vous, combien plus devez-vous mourir les uns pour les autres. »
Saint Éphrem a fait une observation assez fine : comment mourir les uns pour les autres, alors que nous ne voulons même pas vivre les uns pour les autres ! Tout le monde a bien compris que donner sa vie est au-delà de nos forces humaines, si le Saint-Esprit n’est pas là pour nous y aider. C’est d’ailleurs pour bénéficier lui-même de cette force que Jésus prie sans cesse son Père. Nous aussi, si nous voulons vivre pour les autres et le cas échéant mourir pour eux – par amour – il nous faut prier sans cesse et demander à Dieu sa force, c’est-à-dire le Saint-Esprit.
 
Jésus termine son intervention en disant : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » La traduction est difficile, mais on devrait plutôt dire quelque chose comme cela : « A ceci tous sauront que vous êtes mes disciples, si l’amour est en vous, les uns envers les autres. » L’amour ultime qui est celui du don de soi n’est pas un objet que l’on peut posséder : nous « n’avons pas » de l’amour les uns pour les autres. Mais la question est plutôt de savoir si l’amour envers les autres « est en nous ». L’amour c’est le Saint-Esprit lui-même. On ne le possède pas ; il n'est pas non plus question de capacité : il peut y en avoir un peu ou beaucoup et chacun à sa mesure : ce qui importe c’est que cet amour soit « en nous ». Raison de plus pour prier le Père de nous le donner sans cesse et sans mesure. Finalement, c’est à cet amour présent en nous – et à ce signe-là particulièrement – que les gens « sauront » - on pourrait presque dire « vérifieront » - que nous sommes vraiment les disciples de Jésus.
 
Voilà donc chers frères et sœurs l’enjeu pour nous : acquérir l’Esprit Saint – l’amour de Dieu en nous, pour nous aimer les uns les autres, afin de vivre ensemble, mais aussi et surtout si le Seigneur le demande, afin de donner notre vie les uns pour les autres. C’est ainsi que Dieu sera glorifié en nous et que nous serons glorifiés en lui, comme Jésus, et que nous porterons l’Évangile dans le monde.

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