Ac
5, 27b-32.40b-41 ; Ps 29 ; Ap 5,11-14 ; Jn 21,1-19
Chers frères et sœurs,
La première partie de l’Évangile que nous venons de lire est étonnant. À travers ce récit
de pêche miraculeuse et de repas pris avec Jésus au bord du lac, il apparaît
deux enseignement importants pour nous.
Le
premier correspond à la volonté du Seigneur que l’Évangile soit adressé à
toutes les nations, c’est-à-dire au-delà d’Israël. Cela est indiqué de
multiples manières. Par exemple, les disciples assemblés au bord du lac sont au
nombre de sept, comme sept diacres avaient été ordonnés afin que ne soient pas
lésés dans le service des tables les chrétiens de langue grecque. Ensuite, le
filet est jeté dans la mer pour en ramener 153 poissons. Que l’on suive les
Écritures – ici le second livre des Chroniques – ou les auteurs anciens, selon
saint Jérôme, l’indication est pratiquement la même : pour le premier
153.600 est le nombre des étrangers qui résident à l’époque de David en Israël ;
pour les second, il existait en tout dans le monde 153 espèces de poissons. Il
s’agit donc de rassembler non seulement ceux qui sont étrangers en Israël, mais
aussi toutes les nations qui sont dans le monde. L’Évangile précise que le
filet ne s’est pas déchiré. Mais nous savons, au chapitre 13 de l’Évangile
selon saint Matthieu, qu’une fois le filet ramené à terre, les pêcheurs trient
les poissons.
Il
faut ajouter à cet enseignement sur la vocation évangélisatrice de l’Église,
qu’il ne suffit pas que Pierre et les autres disciples veuillent aller à la
pêche pour trouver du poisson. Ce n’est pas parce que le pape et les évêques
désirent absolument une nouvelle évangélisation, ou aller aux périphéries, que
la mission va réussir. Car, dit l’Évangile, « cette nuit-là, ils ne
prirent rien ». Il faut attendre le lever du jour – c’est-à-dire celui
de la lumière et de la paix de la Résurrection – et surtout l’ordre de
Jésus : « Jetez le filet à droite de la barque » pour
qu’enfin la pêche soit abondante. Cela signifie qu’on ne peut être vraiment
missionnaire que dans la foi en Jésus ressuscité, l’âme illuminée par la gloire
de Dieu et le cœur en paix, et si Jésus – par son Esprit Saint – conduit les
poissons dans le filet. Plus encore, quand la masse des poissons est trop
grande, il est impossible aux apôtres de tirer le filet vers eux. Ce n’est que
quand ils veulent se diriger vers Jésus qu’ils peuvent le faire.
Ceci est une
leçon pour nous : pour évangéliser, il faut être familier de Jésus
ressuscité et vouloir venir à lui, en répondant à son appel.
Le
second enseignement correspond à la volonté du Seigneur que cette évangélisation
soit également une eucharistie. Ainsi, tout commence quand les disciples sont assemblés.
Notre traduction dit : « Il y avait là, ensemble », mais
les manuscrits anciens disent : « Ils étaient assemblés, tous
ensemble ». L’idée est la même : en grec, « assemblée »
se dit « ekklesia », c’est-à-dire « Église ». C’est
le début de la messe. Pierre et les disciples partent ensuite à la pêche, durant
le temps de la nuit, sans Jésus, puis celui du jour, avec Jésus. C’est le temps
des Écritures et de l’Évangile : le temps des lectures.
Quand
le disciple que Jésus aimait s’écrie : « C’est le Seigneur !
» – le reconnaissant ressuscité comme au matin de Pâques – alors Pierre, qui
est nu, revêt son vêtement. Il fait comme Jésus après le lavement des pieds, qui
se revêt de son vêtement, la tunique sacerdotale, pour célébrer la sainte Cène.
Dans le judaïsme, la nudité n’est pas tolérée car elle fait fuir la Présence de
Dieu, elle ne permet pas la prière. Pour la liturgie, il faut revêtir le
vêtement des noces, le vêtement blanc des baptisés, qui est celui des prêtres
du Seigneur. Ce geste de Pierre nous introduit donc dans la prière
eucharistique.
C’est
alors que les autres disciples arrivent avec le filet rempli de poissons. Or,
dans l’une des plus anciennes prières eucharistiques connues, celle de la
Didachè, nous avons cette formule : « Comme ce pain rompu, d’abord
dispersé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un, qu’ainsi ton
Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton royaume, car à toi
appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles. » Dans notre
Évangile d’aujourd’hui, l’image n’est pas celle du pain, mais des poissons,
mais le sens de la prière est le même.
Les
disciples arrivent donc près de Jésus et découvrent devant lui un feu de
braise, avec déjà quelques poissons dessus. Pour Saint Éphrem ce feu de braise
rappelle celui auprès duquel Pierre s’était réchauffé au moment de son
reniement. Aujourd’hui il sera celui de sa confession. Mais pour la tradition
syriaque, ce feu de braise est aussi celui qui se trouve dans le Temple, sur
lequel on fait griller de l’encens en Présence du Seigneur, pour signifier la
prière universelle des saints. On découvre aussi, près de Jésus, du pain. Et
c’est normal, dans le Temple se trouvent aussi les pains qui servent à
l’offrande. Nous sommes donc à l’offertoire : Pierre apporte les 153
poissons, qui sont – comme nous l’avons vu – pesés et comptés. Les Apôtres font
leur profession de foi : « Ils savaient que c’était le Seigneur ».
Jésus fait alors la prière de l’offrande : il prend le pain et – selon les
manuscrits anciens – dit la bénédiction, et le donne à ses disciples :
c’est consécration, l’offrande à Dieu, puis la communion.
Et
voilà, chers frères et sœurs, comment célébrer l’eucharistie et évangéliser
sont deux actions inséparables, qui ne peuvent aboutir sans Jésus lui-même,
ressuscité et présent à ceux qui sont rassemblés en son nom, partout et en tout
temps.