mercredi 27 avril 2022

24 avril 2022 - CHARCENNE - 2ème dimanche de Pâques - Année C

 Ac 5,12-16 ; Ps 117 ; Ap 1, 9-11a.12-13.17-19 ; Jn 20,19-31
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Évangile se présente à nous comme trois étages d’une fusée. Le premier est celui des événements qui se sont déroulés à l’époque de Jésus, sans lesquels on ne peut rien dire. Le second est celui de la signification de ces événements, signification telle que l’ont comprises les Apôtres et les Évangélistes. Et au troisième, nous trouvons les conséquences que cette signification a pour nous, pour notre vie.
 
Je passe rapidement sur le premier étage, en signalant simplement que Jean est un témoin direct, qui a vécu avec Jésus. La critique historique ne l’a jamais pris en défaut quand elle a pu établir des éléments de comparaison tant littéraires qu’archéologiques. Cela nous suffit donc pour faire confiance à son récit.
 
Passons maintenant au second étage : comme tous les évangélistes, saint Jean a compris l’enseignement et les actes de Jésus, ainsi que sa personnalité, à la lumière des Écritures. Nous devons donc nous servir d’elles comme d’une clé de lecture pour mieux comprendre son témoignage.
 
Ainsi, comme dimanche dernier, le « premier jour de la semaine » doit être lu comme le « jour un », c’est-à-dire la mémoire du premier jour de la Création, où la Lumière fut. On remarquera aussitôt que Thomas rencontre Jésus « huit jour plus tard », selon notre texte. Mais la version araméenne dit : « Le jour un de la semaine suivante ». Cela veut dire que chaque dimanche est le « jour un » : chaque dimanche est un écho du jour de la résurrection, du jour de la nouvelle création. Donc aujourd’hui aussi.
 
Poursuivons : Jésus arrive alors que les portes du lieu où les Apôtres se trouvent sont « verrouillées ». Il dit : « La paix soit avec vous » et « Les disciples sont remplis de joie ». Saint Jean évoque des détails importants et utilise des expressions qu’on rencontre ailleurs dans les Évangiles, ceci pour nous signaler qu’à travers les évènements visibles se trouve une réalité cachée, très intense et très importante. Souvenez-vous : quand des hommes ont-ils été remplis de joie tandis qu’on leur annonçait la paix, et qu’il était pourtant impossible que Jésus leur apparaisse ? Hé bien c’est à Noël ! Il était impossible en effet qu’il naisse un enfant à une Vierge, mais lorsque les anges ont chanté « Gloire à Dieu et paix aux hommes sur la terre », les bergers ont exulté de joie en contemplant le nouveau-né. Le miracle de Pâques, où la vie nouvelle se manifeste, est semblable à celui de Noël : c’est une nouvelle naissance extraordinaire, et c’est aussi – nous l’avons vu – une nouvelle création.
 
Lorsque saint Jean rédige son évangile, il travaille donc en même temps avec ses souvenir de Jésus et son livre de la Genèse. La suite est remplie d’allusions. Ainsi, Jésus, après avoir déclaré « envoyer » ses Apôtres – tout en sachant que jusqu’alors, il n’y a que Dieu qui avait « envoyé » des prophètes, mais jamais des hommes n’avaient envoyé d’autres hommes – ainsi Jésus souffle sur eux. Ce souffle est celui du Dieu créateur qui donne vie à l’homme, comme autrefois Dieu à Adam, modelé de terre. Ainsi aujourd’hui, par le souffle de Jésus se trouve dans les Apôtres, envoyés par lui, le souffle de la vie éternelle, celui de la vie de la résurrection. Mais voilà… Thomas n’est pas là !
 
Saint Jean a la curieuse manie de vouloir nous traduire ce nom – « jumeau » – à chaque fois ou presque, alors qu’il ne le fait pas pour les autres disciples. Pourquoi ? Probablement parce que le sens de ce nom se trouve dans le Cantique des Cantiques où il signifie, dans les odeurs de l’amour, plénitude et perfection. Alors Thomas manque à l’appel, certes, mais son retard permet providentiellement à Jésus de montrer à ses Apôtres jusqu’où va la profondeur de son amour, de sa miséricorde, dont la perfection est la définition même de la sainteté.
 
Thomas ne veut pas croire tant qu’il n’a pas mis son doigt dans la marque des clous, sa main dans le côté de Jésus. Là aussi, on ne comprend pas si on n’a pas, comme saint Jean, le livre de la Genèse sous le coude. Ce que veut faire Thomas, c’est étendre sa main vers l’Arbre de vie qui est dans le Jardin. Il ne veut pas croire que le Paradis est enfin là, s’il ne peut pas y toucher. Or, là où Dieu avait interdit à Adam et Eve de toucher à l’arbre de vie, aujourd’hui Jésus invite Thomas à en goûter les fruits. Car là où Eve avait pris vie du côté d’Adam, aujourd’hui c’est du côté de Jésus que l’Église prend vie. La blessure de Jésus où sort de l’eau et du sang est certes guérie, car Jésus est ressuscité, mais elle est toujours vive, car de son côté ouvert sort éternellement l’eau et l’Esprit qui régénèrent, par le baptême et l’Eucharistie, ceux qui deviennent croyants.

Pauvre et bienheureux Thomas, qui a dû tomber à genoux devant Jésus, car voilà toute son espérance réalisée ! L’espérance de tout Israël depuis Abraham, Moïse et les Prophètes est réalisée : aujourd’hui « jour un », l’arbre de vie, la source de la vie éternelle, est devenue accessible à tout homme.
 
Et c’est bien ce par quoi termine saint Jean – qui sera le troisième étage de notre fusée et notre conclusion : Avec beaucoup de précision, Jean a rédigé ce récit pour qu’aujourd’hui, à notre tour, nous puissions croire en Jésus Fils de Dieu – et surtout, pour qu’étendant nos mains et nos cœurs vers la source des sacrements, nous puissions accéder nous aussi à la Vie éternelle en son Nom. Telle est la volonté amoureuse et miséricordieuse de Dieu, pour toute l’humanité, et la mission de son Église. 

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