Gn 1,1-2,2 ; Ps
103 ; Ex 14,15-15-1a ; Ct Ex 15 ; Is 54,5-14 ; Ps 29 ;
Rm 6,3b-11 ; Ps 117 ; Lc 24,1-12
Chers
frères et sœurs,
Que
faisons-nous ici, ce soir, dans cette église ? Nous célébrons en même
temps la plus grande fête juive et la plus grande fête chrétienne :
Pâques. Pâques, libération d’Égypte et constitution d’Israël ; Pâques,
résurrection de Jésus d’entre les morts et naissance de l’Église.
Pâques
est une création nouvelle dans l’univers. Création tellement éblouissante,
tellement bouleversante, tellement intelligente, tellement bonne et tellement
réelle, qu’on en reste aveuglés, sans voix, tremblants et même prosternés.
Et
comme nous n’avons pas les mots pour dire cette création nouvelle, il ne nous
reste que le chant, la poésie, les gestes, nos cinq sens : ce qu’on voit,
ce qu’on entend, ce qu’on sent, ce qu’on touche, et ce qu’on goûte. Dans le
langage savant, tout cela s’appelle la liturgie : la célébration de Pâques,
avec toujours le même rituel, les mêmes chants, les mêmes bougies, les mêmes
fleurs, le même encens, les mêmes prières, les mêmes vêtements blancs, tout
quoi. Tout cela pour dire avec des mots et sans mots cette création nouvelle de
Dieu dans l’univers.
Sans
le savoir, et même sans le faire exprès, simplement parce que nous sommes ici,
nous conservons dans tout l’univers la mémoire de cette création de Dieu :
la création du premier jour, la création du Peuple de Dieu à la sortie
d’Égypte, la création de l’homme nouveau ressuscité des morts, au matin de
Pâques, la création de l’Église qui est déjà la communion des saints, avec un
pied sur la terre et un pied dans le ciel.
À
partir de cette liturgie de Pâques, qui est la mémoire de l’action créatrice de
Dieu dans l’univers, on peut réfléchir, faire de la théologie, écrire des
sermons. Jamais notre intelligence n’arrivera à tout dire de ce que dit la
liturgie, qui elle-même n’arrive pas à tout dire du grand mystère de la vie créatrice
de Dieu.
Mais
la connaissance de ce mystère nous fait nous réunir, nous qui le partageons
comme un trésor précieux, et nous fait agir, nous qui pensons qu’il est un
appel à une vie meilleure, une vie plus intense, une vie plus belle. Alors nous
nous rassemblons en Église, que nous organisons pour vivre et transmettre aux
enfants ce trésor précieux. Nous créons des diocèses, des paroisses, des
équipes pastorales et des catéchistes.
Nous
organisons aussi notre vie quotidienne par le calendrier liturgique : Pâques
en premier, bien sûr, mais aussi le Carême et le Temps pascal, Noël et l’Avent.
Et puis tous les dimanches, qui sont comme des petites Pâques, des petits
cailloux sur le chemin, pour nous rappeler Pâques et nous préparer à Pâques. Oserai-je
dire que les dimanches sont un peu comme des doses de rappel… !? Mais
chaque messe, chaque office du matin, du midi, du soir, nos prières au lever et
au coucher sont autant de petites lumières qui nous rappellent chaque jour, et
presque à chaque heure, la grande lumière de Pâques, la grande lumière du
mystère de Pâque, la grande lumière du grand mystère de la vie créatrice de
Dieu.
Alors,
évidemment, quand on pense l’univers, la société, sa famille, et sa propre vie
– y compris sa vie quotidienne – à la lumière de ce grand mystère de la vie de
Dieu, on pense différemment de ceux qui ne le connaissent pas. On n’est pas
câblé pareil. Du coup, on agit différemment et on vit différemment. Déjà, ce
soir nous ne sommes pas devant la télé, ni dans une boîte de nuit, ni en train
de jouer à un jeu vidéo... Car nous sommes là pour nous remplir les yeux et le
cœur, l’intelligence et la mémoire, du grand mystère de Pâques pour vivre
mieux, pour vivre heureux, pour devenir des saints.
C’est
dire que le grand mystère de la vie créatrice de Dieu, non seulement est à
l’origine de l’univers, puis d’une transformation de cet univers, pour que
notre vie humaine y soit rendue éternelle et sainte, mais aussi il est à
l’origine du Peuple de Dieu, du Peuple d’Israël et de l’Église du ciel et de la
terre, aujourd’hui civilisation particulière, et demain communion de vie. Tout
cela est dans la liturgie de Pâques, où tout semble fait pour des
enfants ! Mais en fait, c’est un germe, le germe de ce qui est beau, tout
ce qui est bon, tout ce qui est vrai, de tout ce qui est réellement vivant,
tout dans tout l’univers.
Si
jamais un jour les Juifs s’arrêtaient de fêter Pâques, et plus encore si les
Chrétiens s’arrêtaient de fêter Pâques, la lumière Dieu s’éteindrait pour tous les
hommes dans tout l’univers : plus rien. On reviendrait à la Guerre du feu.
Sans lumière pour les yeux et sans espérance pour le cœur.
Mais
non, nous sommes ici, ensemble, autour de la lumière de Pâques ; et comme
nos ancêtres, comme les premiers chrétiens, comme les Juifs avec eux et avant
eux, nous célébrons Pâques.
Pâques,
lumière du premier jour de la création et gloire du Dieu Vivant ; Pâques,
colonne de feu dans la nuit pour guider le Peuple d’Israël et lumière du grand
chandelier du Temple, marquant la présence toujours fidèle du Seigneur ;
Pâques, pointe de l’Aurore de la Résurrection et premier Jour de la vie
éternelle, Pâques, lumière éblouissante des anges et joie des chrétiens ;
Pâques, lumière du cierge de notre baptême et de nos vêtements blancs ; Pâques,
pierres précieuses de la Jérusalem céleste et couronne royale de la
Bienheureuse Vierge Marie.
Pâques, l’écrin de la Vie éternelle, que nous
recevons dans nos mains du Bon Dieu.
Bonne fête de Pâques !