lundi 4 avril 2022

02-03 avril 2022 - GY - MONTAGNEY - 5ème dimanche de Carême - Année C

 Is 43,16-21 ; Ps 125 ; Ph 3,8-14 ; Jn 8, 1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
L’épisode de la femme adultère est assez extraordinaire. D’abord, parce que ce texte n’était pas au départ dans l’Évangile selon saint Jean. Probablement a-t-il été extrait de celui de Luc, lorsque les quatre Évangiles ont été réunis en un seul livre, pour placer cette histoire de la femme adultère au milieu de l’ensemble, et juste avant qu’en saint Jean Jésus déclare : « Vous, vous jugez de façon purement humaine. Moi, je ne juge personne. Et, s’il m’arrive de juger, mon jugement est vrai parce que je ne suis pas seul : j’ai avec moi le Père, qui m’a envoyé. » L’épisode de la femme adultère est donc très important pour comprendre qui est Jésus et ce qu’il est venu faire pour nous.
 
Maintenant entrons dans le texte : les scribes et les pharisiens présentent à Jésus une femme surprise en situation d’adultère. Ils lui précisent que, d’après la Loi, celle-ci doit être lapidée. En effet, le chapitre 22 du Livre du Deutéronome est très clair : si un homme et une femme sont pris en flagrant délit d’adultère, tous les deux doivent être mis à mort. La Loi précise, de plus, que si la femme est une jeune fille vierge, fiancée à un autre homme, alors elle et son amant doivent être lapidés. Nous sommes donc dans ce cas précis. 
Mais alors – puisqu’ils ont été pris en flagrant délit et que la loi est si claire – pourquoi les scribes et les pharisiens présentent-ils à Jésus cette femme pour qu’il la juge, d’une part, et elle seule sans son amant, d’autre part ? Il peut y avoir deux raisons, une pratique et une autre cachée.
 
Commençons par la pratique. Selon la procédure de la lapidation, il revenait d’abord au premier témoin de pousser l’accusé en arrière, depuis une hauteur, de sorte que celui-ci meure en se brisant la nuque sur une pierre. Si cela ne suffisait pas, il fallait que le second témoin lui jette une première pierre. Et si cela ne suffisait pas encore, alors tout le monde devait l’accabler de pierres. Ainsi, la femme présentée à Jésus a probablement déjà survécu à la chute. Son amant n’aura pas eu cette chance, ce pourquoi on n’en parle plus. Mais alors pourquoi suspendre maintenant la procédure pour la femme ?
 
Il y a deux possibilités. La première est que, déjà à l’époque de Jésus, les Juifs répugnaient à lapider les gens et cherchaient toutes les raisons possibles pour leur sauver la vie. Cela peut expliquer que les accusateurs sont venus voir Jésus avec l’espoir secret qu’il trouverait un échappatoire pour cette femme. La seconde possibilité est qu’il y avait peut-être aussi un vice de procédure qui faisait que les témoins n’étaient pas absolument sûrs de leur accusation et qu’il subsistait un doute, surtout si la femme avait déjà échappé à la chute théoriquement mortelle.
Dans le cas d’un doute, il existe une autre procédure : celle de la loi sur la jalousie, qui se trouve au chapitre 5 du Livre des Nombres. Lorsqu’un homme jaloux accuse sa femme d’adultère mais qu’il ne sait pas si elle est vraiment fautive ou pas, alors il va voir un prêtre qui va faire comparaître la femme devant le Seigneur. Concrètement, le prêtre décoiffe la femme, puis prépare de « l’eau d’amertume » – une boisson toxique – en mélangeant à de « l’eau sainte » de la terre prise du sol de la maison. Le prêtre énonce ensuite le jugement : si, ayant bu l’eau d’amertume, la femme devient stérile alors c’est qu’elle est coupable, sinon elle sera féconde et innocente. La femme répond « Amen ! » Le jugement est alors écrit sur un papyrus ou un parchemin qui est dissous dans l’eau d’amertume, qu’on donne enfin à boire à la femme. En fait, il s’agit d’une ordalie : l’épreuve sert de jugement et Dieu décide.
 
Dans le cas qui nous occupe, nous voyons les scribes et les pharisiens présenter la femme adultère à Jésus, assis, qui enseigne dans le Temple, exactement comme le prêtre présente la femme soupçonnée à Dieu, qui trône dans son Temple. Ensuite, Jésus se penche sur le sol et il écrit sur la terre avec son doigt, exactement comme Dieu écrivit avec son doigt sur les Tables de la Loi au Mont Horeb. Jésus est bien Dieu, qui est le souverain maître de la Loi. Qu’écrit-il ? Selon la procédure de la loi sur la jalousie, il écrit le jugement qui doit s’appliquer à la femme : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » La femme a dû dire en elle-même « Amen ! » Jésus finit donc d’écrire tandis qu’on attend que le jugement s’accomplisse. Or aucun des hommes, à commencer par les plus âgés, y compris les témoins, ne jette de pierre à cette femme. Elle est donc acquittée par jugement divin. Et Jésus a suivi scrupuleusement les procédures de la Loi de Moïse.
 
On se dit que Jésus est un super-juriste et qu’il pourrait faire une belle carrière d’avocat – et heureusement pour nous, il est bien notre avocat ! Mais cela suffit-il à tout comprendre de cette histoire ? Non. Il y a encore la raison cachée dont je vous parlais tout à l’heure.
Cela ne vous dit rien une jeune fille vierge promise en mariage à un homme et qui se trouve enceinte apparemment d’un autre, qu’on ne connaît pas et qu’on ne voit pas ? Il est évident que Jésus a parfaitement saisi l’insulte qui lui est faite – et à la Bienheureuse Vierge Marie sa mère – de la part des scribes et des pharisiens, eux qui répandaient déjà partout l’idée que Jésus était né d’une mère adultère. Et vous vous souvenez de l’embarras de Joseph, à l’époque, qui ne voulait pas la dénoncer. Et pour cause, elle risquait d’être lapidée !

Hé bien, de la même manière que c’est le Seigneur qui a fait que Marie est devenue mère sans avoir commis aucun péché, c’est aussi le Seigneur qui a délivré cette pauvre femme de son péché avéré. Dans les deux cas, c’est le même amour de Dieu qui veut non pas la mort pour les pécheurs, mais qu’ils vivent. Car Jésus s’est fait chair en Marie pour cela. Et je ne peux pas m’empêcher de penser que, si Jésus a sauvé cette femme, c’est aussi parce qu’il avait en mémoire l’innocence de sa mère et qu’il croyait les hommes capables de justice, à l’image de saint Joseph.

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