Is
43,16-21 ; Ps 125 ; Ph 3,8-14 ; Jn 8, 1-11
Chers
frères et sœurs,
L’épisode
de la femme adultère est assez extraordinaire. D’abord, parce que ce texte
n’était pas au départ dans l’Évangile selon saint Jean. Probablement a-t-il été
extrait de celui de Luc, lorsque les quatre Évangiles ont été réunis en un seul
livre, pour placer cette histoire de la femme adultère au milieu de l’ensemble,
et juste avant qu’en saint Jean Jésus déclare : « Vous, vous jugez
de façon purement humaine. Moi, je ne juge personne. Et, s’il m’arrive de
juger, mon jugement est vrai parce que je ne suis pas seul : j’ai avec moi le
Père, qui m’a envoyé. » L’épisode de la femme adultère est donc très
important pour comprendre qui est Jésus et ce qu’il est venu faire pour nous.
Maintenant
entrons dans le texte : les scribes et les pharisiens présentent à Jésus
une femme surprise en situation d’adultère. Ils lui précisent que, d’après la
Loi, celle-ci doit être lapidée. En effet, le chapitre 22 du Livre du
Deutéronome est très clair : si un homme et une femme sont pris en
flagrant délit d’adultère, tous les deux doivent être mis à mort. La Loi
précise, de plus, que si la femme est une jeune fille vierge, fiancée à un
autre homme, alors elle et son amant doivent être lapidés. Nous sommes donc
dans ce cas précis.
Mais alors – puisqu’ils ont été pris en flagrant délit et
que la loi est si claire – pourquoi les scribes et les pharisiens
présentent-ils à Jésus cette femme pour qu’il la juge, d’une part, et elle
seule sans son amant, d’autre part ? Il peut y avoir deux raisons, une
pratique et une autre cachée.
Commençons
par la pratique. Selon la procédure de la lapidation, il revenait d’abord au
premier témoin de pousser l’accusé en arrière, depuis une hauteur, de sorte que
celui-ci meure en se brisant la nuque sur une pierre. Si cela ne suffisait pas,
il fallait que le second témoin lui jette une première pierre. Et si cela ne
suffisait pas encore, alors tout le monde devait l’accabler de pierres. Ainsi,
la femme présentée à Jésus a probablement déjà survécu à la chute. Son amant
n’aura pas eu cette chance, ce pourquoi on n’en parle plus. Mais alors pourquoi
suspendre maintenant la procédure pour la femme ?
Il
y a deux possibilités. La première est que, déjà à l’époque de Jésus, les Juifs
répugnaient à lapider les gens et cherchaient toutes les raisons possibles pour
leur sauver la vie. Cela peut expliquer que les accusateurs sont venus voir
Jésus avec l’espoir secret qu’il trouverait un échappatoire pour cette femme.
La seconde possibilité est qu’il y avait peut-être aussi un vice de procédure
qui faisait que les témoins n’étaient pas absolument sûrs de leur accusation et
qu’il subsistait un doute, surtout si la femme avait déjà échappé à la chute théoriquement
mortelle.
Dans
le cas d’un doute, il existe une autre procédure : celle de la loi sur la
jalousie, qui se trouve au chapitre 5 du Livre des Nombres. Lorsqu’un homme
jaloux accuse sa femme d’adultère mais qu’il ne sait pas si elle est vraiment
fautive ou pas, alors il va voir un prêtre qui va faire comparaître la femme
devant le Seigneur. Concrètement, le prêtre décoiffe la femme, puis prépare de
« l’eau d’amertume » – une boisson toxique – en mélangeant à de
« l’eau sainte » de la terre prise du sol de la maison. Le prêtre énonce
ensuite le jugement : si, ayant bu l’eau d’amertume, la femme devient stérile
alors c’est qu’elle est coupable, sinon elle sera féconde et innocente. La
femme répond « Amen ! » Le jugement est alors écrit sur un
papyrus ou un parchemin qui est dissous dans l’eau d’amertume, qu’on donne enfin
à boire à la femme. En fait, il s’agit d’une ordalie : l’épreuve sert de
jugement et Dieu décide.
Dans
le cas qui nous occupe, nous voyons les scribes et les pharisiens présenter la
femme adultère à Jésus, assis, qui enseigne dans le Temple, exactement comme le
prêtre présente la femme soupçonnée à Dieu, qui trône dans son Temple. Ensuite,
Jésus se penche sur le sol et il écrit sur la terre avec son doigt, exactement
comme Dieu écrivit avec son doigt sur les Tables de la Loi au Mont Horeb. Jésus
est bien Dieu, qui est le souverain maître de la Loi. Qu’écrit-il ? Selon
la procédure de la loi sur la jalousie, il écrit le jugement qui doit s’appliquer
à la femme : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit
le premier à lui jeter une pierre. » La femme a dû dire en elle-même
« Amen ! » Jésus finit donc d’écrire tandis qu’on attend que le
jugement s’accomplisse. Or aucun des hommes, à commencer par les plus âgés, y
compris les témoins, ne jette de pierre à cette femme. Elle est donc acquittée
par jugement divin. Et Jésus a suivi scrupuleusement les procédures de la Loi
de Moïse.
On
se dit que Jésus est un super-juriste et qu’il pourrait faire une belle
carrière d’avocat – et heureusement pour nous, il est bien notre avocat ! Mais cela suffit-il à tout comprendre de cette histoire ?
Non. Il y a encore la raison cachée dont je vous parlais tout à l’heure.
Cela
ne vous dit rien une jeune fille vierge promise en mariage à un homme et
qui se trouve enceinte apparemment d’un autre, qu’on ne connaît pas et qu’on ne
voit pas ? Il est évident que Jésus a parfaitement saisi l’insulte qui lui
est faite – et à la Bienheureuse Vierge Marie sa mère – de la part des scribes
et des pharisiens, eux qui répandaient déjà partout l’idée que Jésus était né
d’une mère adultère. Et vous vous souvenez de l’embarras de Joseph, à l’époque,
qui ne voulait pas la dénoncer. Et pour cause, elle risquait d’être
lapidée !
Hé
bien, de la même manière que c’est le Seigneur qui a fait que Marie est devenue
mère sans avoir commis aucun péché, c’est aussi le Seigneur qui a délivré cette
pauvre femme de son péché avéré. Dans les deux cas, c’est le même amour de Dieu
qui veut non pas la mort pour les pécheurs, mais qu’ils vivent. Car Jésus s’est
fait chair en Marie pour cela. Et je ne peux pas m’empêcher de penser que, si
Jésus a sauvé cette femme, c’est aussi parce qu’il avait en mémoire l’innocence
de sa mère et qu’il croyait les hommes capables de justice, à l’image de saint
Joseph.