Si
15,15-20 ; Ps 118 ; 1Co 2,6-10 ; Mt 5,17-37
Chers
frères et sœurs,
Jésus
est assis sur la Montagne, entouré par ses disciples et par une foule de gens
venus des villages environnants. Comme le Seigneur écrivait sa Loi à Moïse sur
des tables de pierre, de même Jésus veut aujourd’hui inscrire la perfection de sa
Loi, qui est la charité, dans le cœur de ses auditeurs.
C’est
ainsi qu’il leur enseigne d’abord les Béatitudes, puis maintenant quelques
exigences dépassant la Loi elle-même ; exigences qui nous paraissent –
disons-le honnêtement – un peu exagérées, voire même pas du tout réalistes.
Alors que les Anciens ont déjà bien du mal à mettre en pratique la Loi de Moïse,
et sont obligés de la contourner par mille procédés plus ou moins hypocrites,
d’ailleurs dénoncés par Jésus, comment ses disciples pourraient-ils faire mieux
en ce monde ? Sont-ils meilleurs ou plus forts que les autres ? Sommes-nous
vraiment meilleurs ou plus forts que les autres ? Soyons réalistes : probablement
pas. Tout le monde le sait, Juifs et Chrétiens : sans l’Esprit Saint, mettre
en pratique la Loi et la perfection de la Loi, c’est impossible. D’où la
nécessité urgente pour un chrétien – disait saint Séraphim de Sarov – d’acquérir
l’Esprit Saint, ou au moins le désirer. C’est notre priorité.
Mais
est-ce que sur la Montagne, Jésus a vraiment voulu donner un enseignement
nouveau, de telle sorte que les chrétiens soient vraiment meilleurs que les
Juifs ou que tous les autres hommes de la terre, par une vie morale
exceptionnelle, au-delà de tout réalisme humain ? Si c’est pour que nous
tâchions d’atteindre cet idéal à la force du poignet, je ne suis pas tout à
fait sûr. Cette attitude spirituelle a été promue par le moine Pélage, et il a
été condamné pour hérésie. Le dicton le dit bien : « qui veut faire
l’ange, fait la bête ! »
Alors ?
Revenons à l’enseignement de Jésus. Lorsqu’il enseignait les Béatitudes, en
réalité, il dessinait son propre portrait : il est lui-même celui qui est
humble de cœur, pleurant pour l’humanité, doux, assoiffé et affamé de Dieu,
miséricordieux, innocent, faiseur de paix, jusqu’à en être persécuté et à en
mourir sur une croix. Nous avons donc compris que celui qui partage un des
traits de son visage, en vivant une de ses Béatitudes, est en communion avec
Jésus, ce pourquoi il est vraiment bienheureux.
Mais
alors, si je comprends l’enseignement de Jésus d’aujourd’hui de la même manière,
je vois que l’homme exceptionnel qui est capable de mettre en pratique cette
perfection de la Loi, intégralement et sans faillir, cela ne peut être que Jésus
lui-même, cela ne peut être que Dieu !
Nous
apprenons ainsi que Dieu, non seulement ne commet pas de meurtre, mais qu’il
n’est jamais en colère contre nous, ni ne nous insulte, ni ne nous prend pour
des fous.
Nous
apprenons aussi qu’il ne s’offre jamais à nous avec la moindre arrière-pensée.
Au contraire, il désire du plus profond de lui-même que nous soyons totalement unis
à lui, ou entièrement réconciliés si d’aventure on s’est disputés.
Nous
apprenons encore que non seulement il nous est totalement fidèle – car il a
l’adultère en horreur – mais qu’en plus il nous respecte infiniment pour ce que
nous sommes, en tant qu’hommes ou femmes. Il ne veut pas nous avilir à ses
yeux, même par un simple regard. Son regard sur nous est pur : il nous
voit en toute justice. C’est pourquoi il ne nous répudiera jamais, car il voit
toujours en nous quelque chose de lui-même, de sa bonté.
Enfin,
nous apprenons que Dieu n’a pas à porter de serment – sur lui-même ? Non,
car son « oui » est « oui » et son « non » est
« non » éternellement. La Parole de Dieu est infaillible,
éternelle ; elle est plus qu’en titane. Elle est le roc absolu. Et c’est
normal, car Dieu est la vérité, la vie, et la source de tout être, de toute
création.
Ainsi,
à travers cet enseignement qui nous paraît impraticable – et il l’est à vue humaine
– en fait Jésus nous parle de Dieu ; il nous parle de lui. Et il nous
apprend que l’Esprit Saint nous fera entrer dans cette dignité divine, dans sa
communion, si nous acceptons de nous laisser habiter par lui, de nous laisser
transformer en lui. Alors nous pourrons mettre la Loi et la perfection de la
Loi en pratique.
Voilà,
chers frères et sœurs, comment nous pouvons faire nôtre l’enseignement de
Jésus. En contemplant à travers ces paroles le visage de Dieu, qu’il nous
dévoile ; en tâchant de l’imiter autant que nous pouvons, avec l’aide de
l’Esprit Saint, à demander sans relâche. Et surtout, en ayant toute confiance en
ce Dieu qui est si saint, car s’il nous apprend tout cela, c’est bien pour le
partager avec nous, et que nous soyons élevés à charité, à sa sainteté. Telle
est la volonté de Dieu et la vocation de tous les hommes.