mercredi 26 octobre 2022

22-23 octobre 2022 - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - CUGNEY - 30ème dimanche TO - Année C

 Si 35,15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque Jésus raconte une parabole, ce n’est pas une petite histoire inventée sur le coup, mais un véritable enseignement où chaque mot est pesé, où la composition même de la parabole est soigneusement réfléchie : rien n’est laissé au hasard. Ainsi, lorsque nous lisons ou écoutons la parabole de ce dimanche, une leçon très riche nous y est donnée.
 
Un premier point extrêmement important est à souligner avant tout commentaire. Dans notre langue française, nous employons les mots « justice » et « paix » pour désigner la justice et la paix dans le monde. Nous pensons à une justice nationale ou internationale, à des organisations comme la Cour Européenne des droits de l’homme, la Cour internationale de justice, qui sont sensés garantir, avec des institutions comme l’ONU, la paix dans le monde. Mais ce n’est, ni de cette justice, ni de cette paix dont parle Jésus. Quand il parle de justice il parle en réalité de sainteté et quand il parle de paix, il parle d’une profonde paix du cœur, sa paix, donnée par l’Esprit Saint. 
Ainsi, celui qui se croit juste est celui qui se croit saint. Celui qui revient à la maison justifié, c’est celui qui a été sanctifié par Dieu, et il est certain qu’il redescend à sa maison dans une très grande paix intérieure. Il faut faire très attention, quand les Écriture ou l’Évangile parlent de justice et de paix, il y a deux sens possibles : la justice et la paix du monde, qui sont des arrangements politiques entre les hommes, et la justice-sainteté et la paix du cœur qui sont donnés gracieusement par Dieu.
 
Dans sa parabole, Jésus nous propose donc un enseignement sur la sainteté : comment acquiert-on la sainteté ? 
On a d’abord le pharisien, qui se tient debout et prie en lui-même. L’expression n’est pas facile à traduire. En fait, Jésus dit que le pharisien se tient à l’écart des autres priants dans le Temple, pour souligner sa particularité religieuse : le mot « pharisien » veut dire en effet « séparé », attitude typique de ceux qui se considèrent comme purs et ne veulent avoir aucun contact avec les autres qu’ils jugent impurs. Ce pharisien fait une longue prière, en exposant tous ses mérites, qui sont réels. Il se félicite de ne pas tomber dans les tentations communes aux hommes : voleurs, injustes – il aurait mieux valu ici traduire par iniques – ou adultères. Nous retrouvons les trois tentations capitales : celles de l’argent, du pouvoir et du désir idolâtre, qui font que l’on choisit la fidélité à Dieu ou pas.
En regard, le publicain, lui se « tient à distance », exactement comme les dix lépreux se « tenaient à distance » de Jésus. Si la prière du pharisien était longue, celle du publicain est très courte : « Ô Dieu, fais miséricorde à moi, le pécheur ! » On retrouve la brièveté du cri de Bartimée : « Jésus, Fils de David, prend pitié de moi, pécheur ! », ce qui a donné dans notre liturgie : « Seigneur, prend pitié » ou « Kyrie Eleison » ! En fait, la prière du publicain est surtout une prière d’attitude, intérieure et corporelle, toute faite d’humilité. Elle rappelle l’attitude du fils prodigue quand il revient chez son père. Et c’est elle, plus que les paroles, qui change tout. 
On s’aperçoit ici que la prière la plus profonde, la plus efficace, est celle qui vient du cœur plus que du cerveau. Beaucoup de gens prient sans le savoir, parce qu’ils sont remués dans leur cœur, alors qu’ils ne savent pas leurs prières.
 
Jésus continue sa parabole en expliquant que le publicain revient chez lui justifié, c’est-à-dire sanctifié. Il semble, d’après notre traduction, que cela ne soit pas le cas du pharisien. Mais en fait, il y a deux traductions possibles. La seconde dit que le publicain est descendu à sa maison justifié « bien plus » que l’autre. Cette traduction est moins dangereuse que la première et plus conforme à l’enseignement habituel de Jésus. La traduction qui dit que le pharisien n’est pas justifié, n’est pas sanctifié, est la porte ouverte à sa condamnation, et c’est exactement sur ce type de jugement que s’est développé l’antijudaïsme qui a conduit à toutes les atrocités. Cette traduction est donc dangereuse. Au contraire, celle qui dit que le publicain est sanctifié « bien plus » que le pharisien, signifie que le pharisien a quand même reçu une part de justification, une part de sanctification, mais beaucoup mois que le publicain. C’est exactement comme avec le fils prodigue : le père l’habille, le réhabilite dans sa dignité de fils et fait tuer le veau gras, mais cela ne lèse en rien son frère aîné, qui est toujours héritier de la maison de son père. Dans notre parabole, le publicain, c’est le fils prodigue, et le pharisien, c’est le frère aîné.
 
Pour terminer, Jésus termine par la sentence : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ». Il faut être conscient que le terme traduit par « abaissé » renvoie immédiatement à l’expression « humble de cœur » et à la béatitude « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ». Saint Irénée en a tiré l’enseignement suivant, que nous pouvons faire nôtre : « le publicain surpassa le Pharisien dans sa prière et reçut du Seigneur ce témoignage qu’il était justifié de préférence, parce que, avec grande humilité, sans orgueil ni jactance, il faisait à Dieu l’aveu de ses péchés ».

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