Ha
1,2-3 ; 2,2-4 ; Ps 94 ; 2Tm 1,6-8.13-14 ; Lc 17,5-10
Chers
frères et sœurs,
Si
les Apôtres disent à Jésus « Augmente en nous la foi », c’est
qu’ils se sont trouvés face à une épreuve, ou à un échec. Ils demandent donc à
Jésus son aide pour les surmonter, pour être plus forts. Jésus répond en deux
temps.
D’abord,
il leur rappelle que s’ils avaient, ne serait-ce qu’un petit grain de foi, le
plus petit grain qu’on puisse trouver sur la terre, ils arriveraient à
déraciner un arbre et à le jeter dans la mer. Aujourd’hui nous comprenons
qu’avec un atome de foi, nous arriverions à faire des choses impossibles. Mais
ce n’est pas exactement ce que dit Jésus.
En
effet, à l’époque, les Apôtres savaient que l’arbre dont Jésus parlait était un
mûrier, c’est-à-dire une ronce. Le mûrier symbolisait l’enracinement du mal
dans les cœurs, qui s’étendait comme un roncier dans toute la vie et parfois le
corps de l’homme pécheur ou malade.
Or
Jésus explique que c’est par la foi qu’on peut se débarrasser de ce mal et le
jeter loin de soi. D’ailleurs, dans les évangiles de Matthieu et de Marc, cette
leçon de Jésus suit immédiatement la guérison de l’enfant épileptique que les
Apôtres n’avaient pas réussi à guérir. Après que Jésus a guéri l’enfant en
expulsant le démon, ils lui avaient demandé : « Pour quelle raison
est-ce que nous, nous n’avons pas réussi à l’expulser ? » Et Jésus leur
avait répondu : « En raison de votre peu de foi. »
Il
faut comprendre ici que la foi est comme une canalisation par laquelle doit
passer la puissance de Jésus. Car il n’y a que lui qui peut guérir ou
pardonner. La foi ne consiste pas à capter la force de Jésus pour devenir
nous-mêmes forts, même en son nom, mais au contraire il s’agit de nous effacer
pour laisser la force de Jésus lui-même agir par nous. Jésus appelle donc les
Apôtres à devenir humbles et à prier pour que lui-même puisse agir par eux.
C’est
justement le sens de la seconde parabole. Il ne s’agit pas vraiment d’un
serviteur, mais plutôt d’un esclave, qui doit obéir en toutes circonstances à
son maître. Cet esclave doit travailler pour son maître tout le jour, et le
servir même la nuit venue. C’est exactement ce que Jésus attend de ses Apôtres
vis-à-vis de lui : être donnés totalement à la transmission de l’Évangile
et à son service par la prière. Car ce n’est que de cette manière qu’ils
pourront laisser agir Jésus en eux, par eux, pour que lui-même puisse continuer
de bénir, pardonner ou guérir ceux qui ont besoin de son secours et de sa vie.
Être
Apôtre, suivre Jésus, est une école d’humilité où tout orgueil personnel doit
être détruit, sous peine d’étouffer sa foi et la rendre inefficace. C’est
d’ailleurs le chemin que Jésus lui-même a suivi, ainsi que saint Paul l’a expliqué
aux Philippiens : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est
anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la
mort, et la mort de la croix. » Nous savons que c’est par cet
abaissement complet de Dieu en Jésus que nous les hommes nous sommes sauvés, et
que nous pouvons être élevés avec Jésus ressuscité, dans la communion de Dieu.
On
voit donc que l’humilité totale qu’il demande à ses Apôtres, Jésus l’a vécue
lui-même le premier, et que c’est la condition pour que l’œuvre de Dieu puisse
se faire dans le monde.
Nous
avons peut-être un peu de mal à voir en quoi nous sommes concernés. Les prêtres
peuvent se souvenir du jour de leur ordination où ils se sont consacrés, donnés
à Dieu. De même les époux peuvent se souvenir du jour de leur mariage où ils se
sont consacrés l’un à l’autre, où ils se sont donnés l’un à l’autre dans
l’amour.
Ainsi,
tous nous savons que le don de soi est notre manière de suivre Jésus sur le chemin
de l’humilité qui seul permet d’augmenter la foi pour que la grâce de Dieu
puisse agir en nous pour le bien de tous les hommes, à commencer par sa propre
famille. Évidemment, à l’inverse, si le prêtre ne se donne pas vraiment à Dieu
ou l’époux à son épouse, et inversement, alors l’orgueil de chacun va croître
comme un roncier, la foi va être étouffée, et la grâce de Dieu ne pourra plus
agir. La lumière va s’éteindre.
« Il
n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » nous
a dit Jésus. Tel est le secret du véritable don de soi : il n’est possible
que par amour. En fait, les Apôtres auraient dû dire à Jésus :
« Augmente en nous l’amour, pour que nous puissions nous donner entièrement
à toi, te suivre sur ton chemin en renonçant à notre orgueil et en choisissant
l’humilité, et ainsi devenir capable de communiquer davantage la douceur de ta
lumière, la joie de ton amour, à tous ceux qui en ont besoin, à commencer par
ceux que nous aimons. »