lundi 17 octobre 2022

16 octobre 2022 - PESMES - 29ème dimanche TO - Année C

 Ex 17,8-13 ; Ps 120 ; 2Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8
 
Chers frères et sœurs,
 
En écoutant l’évangile, nous comprenons que la persévérance dans la prière, si elle arrive à surmonter les résistances d’un juge inique, bien plus arrivera-t-elle à obtenir la justice de Dieu. Et cette justice nous paraît offerte immédiatement, pourvu qu’on ait la foi. Or, cet enseignement nous met mal à l’aise, car même dans nos prières les plus intenses nous ne voyons pas souvent venir « bien vite » la justice de Dieu, ou bien nous concluons que nous n’avons pas assez de foi. Et nous pouvons être découragés.
Mais – comme dans tous les textes anciens – il y a des difficultés de traduction, et notre évangile d’aujourd’hui n’y échappe pas. Il faut casser la coquille de la noix pour en atteindre le bon fruit.
 
Pour commencer, il faut situer le texte dans son environnement. Tout part d’une question des pharisiens : « Quand viendra le règne de Dieu ? ». Jésus leur répond que ce règne n’est pas observable et qu’en réalité, il est déjà là, du fait de son incarnation dans le monde. Et aux disciples il explique que bientôt ils désireront voir la réalisation de ce royaume, mais ils ne le pourront pas : il leur faudra vivre le poids des jours, sachant quand même que « comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. » L’attente sera longue, mais le règne de Dieu se révèlera soudainement. Et c’est alors que Jésus raconte sa parabole.
On comprend donc dans quel esprit il faut prier sans cesse, sans se décourager. Les textes anciens disent même : « sans prendre la prière en dégoût ». C’est une terrible tentation que d’être tellement découragé de la prière qu’on en vient à la détester.
 
Mais Jésus prend l’image d’une veuve, victime d’injustice qui demande réparation auprès d’un juge. À l’époque de Jésus, la veuve, c’est Israël, mais pour les premiers chrétiens c’est aussi l’Église, qui est veuve depuis que son Seigneur, son époux, est monté aux cieux, et qui attend son retour.
Cette veuve s’adresse au juge qui est dans la ville. Normalement, dans Jérusalem, le vrai juge, c’est Dieu. Il y a ici maldonne : il s’agit donc un imposteur qui a pris la place et se prend pour Dieu, puisqu’il « ne craignait pas Dieu » et ne « respectait pas les hommes ». La rébellion contre Dieu, quand elle s’accompagne d’une volonté de puissance, est un danger pour l’humanité. Or c’est à ce personnage que la veuve adresse sa prière, qui est faite d’actions – elle se manifeste régulièrement – et de paroles : « Rends-moi justice ! » Or Jésus dit que pendant longtemps, cette prière ne donna pas de fruits.
Pourtant, à un moment, les choses se débloquent et la femme obtient satisfaction. Jésus en déduira que si un imposteur arrive à faire justice à une veuve, combien plus Dieu, le vrai juge de la Jérusalem céleste, fera-t-il justice à l’Église, son épouse !
 
Mais pourquoi les choses se sont-elles débloquées ? Pour comprendre, il faut retourner au texte ancien de l’Évangile, qui est sous la traduction.
D’abord, le juge se met à prendre conscience de la réalité : « Il se dit en lui-même » – Luc emploie ici la même expression que pour le fils prodigue quand il commence à se repentir de sa situation au milieu de ses cochons. Ensuite, la veuve ne « commence pas à l’ennuyer » mais elle le « tourmente intérieurement » : le juge a mauvaise conscience ; et enfin il veut lui rendre justice « pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer », mais le texte dit littéralement : « pour qu’éternellement elle ne me poche pas les yeux ». On a compris cette expression comme si elle lui donnait des gnons, mais il s’agit en réalité d’une expression familière qui signifie : « qu’éternellement, elle ne m’empêche pas de dormir ! » – sous-entendu « en paix ».
Ainsi, notre juge inique est donc en réalité à la fin de sa vie, prenant conscience qu’il va lui-même passer en jugement. Il est tourmenté intérieurement par son injustice. Et pour éviter que la plainte de la veuve l’empêche de mourir en paix, voire le conduise dans état de remord éternel, au moment de trépasser, il décide de réparer et de lui donner satisfaction. Le juge inique finit par se révéler comme un bon larron.
C’est pourquoi Jésus a dit à ses disciples : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! » Il attire leur attention sur le fait que les prières, même si elles semblent inefficaces pendant toute une vie, au moment où la mort et le jugement des âmes viennent, elles peuvent soudainement porter du fruit. Il n’est jamais vain, même face à des puissants qui ont renié Dieu et qui méprisent l’humanité, de travailler leur conscience par des actions et des paroles répétées.
 
Jésus ne s’arrête pas là : il note que Dieu – lui qui est le véritable Juge, juste et bon – entend les prières de ses enfants qui s’adressent à lui « nuit et jour », sans relâche. Notre traduction nous dit : « Les fait-il attendre ? », sous entendant qu’il satisfait les prières immédiatement. Mais une autre traduction est plus probable : « Et ne patiente-t-il pas avec eux ? » ou « parmi eux ? » Ici, Dieu est aussi impatient que nous que nos prières s’accomplissent : il les vit avec nous, parmi nous, comme nous. Et la dernière phrase, non pas « bien vite, il leur fera justice », mais : « il leur fera justice soudainement », comme un éclair. Nous retrouvons ici l’enseignement précédent de Jésus.
« Nul ne sait ni le jour ni l’heure », mais quand ils viendront, ce sera comme l’éclair, comme la lumière de la Résurrection. C’est pourquoi Jésus s’interroge : aurons-nous, nous les hommes, autant de patience que lui, autant de foi pour prier avec lui, et lui parmi nous, jusqu’à ce que son heure arrive ? 

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