Is
7,10-16 ; Ps 23 ; Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24
Chers
frères et sœurs,
Joseph
est le descendant du roi David. Rien que cela détermine chez lui une exigence
qui le dépasse complètement : il est héritier de la gloire et de
l’espérance d’Israël comme nation. Tout le monde a les yeux fixés sur lui et
sur ses actions.
Bien
évidemment, le descendant du roi ne reçoit pas n’importe quelle épouse, pour
assurer sa descendance. Au contraire, on essaye de l’honorer par un mariage de
valeur. C’est ainsi que Marie a été choisie, elle qui appartient à une famille
sacerdotale, descendante d’Aaron. D’ailleurs, Marie est le nom même de la sœur
d’Aaron, le premier grand-prêtre d’Israël, frère de Moïse.
Ainsi,
l’enfant qui naîtrait de l’union de Marie et de Joseph serait à la fois de
lignée royale et de lignée sacerdotale. C’est dire à quel point ce mariage est
important, non seulement pour eux, mais pour le Peuple de Dieu tout entier.
Patatras…
Marie se retrouve enceinte avant que le mariage soit célébré ! L’affaire
est compliquée car la Loi de Moïse – le Livre du Deutéronome – impose dans ce
cas qu’une enquête publique soit menée et que sa culpabilité étant avérée, la
fiancée soit lapidée. Le fiancé, premier témoin, devait lui-même jeter la
première pierre, celle qui était normalement mortelle. Mais il était impossible
que Marie ait pu déroger à son rang ou être victime de violence, surveillée et protégée
comme elle l’était en raison de son importance en vue du mariage royal. C’est
pourquoi Joseph « coupe la poire en deux » : il refuse de la
dénoncer – ce en quoi il se révèle juste, mais il refuse aussi de la prendre
pour épouse. Marie serait donc condamnée à demeurer cachée dans sa famille,
avec l’enfant.
Comme toutes les décisions trop humaines, ce projet se révèle être
un « canard boiteux » peu réaliste : d’une part, à la naissance
de l’enfant ou à sa majorité, l’affaire finira bien par être rendue publique,
et d’autre part, tout le monde attend que Joseph et Marie célèbrent leurs noces
prochainement. Alors, que faire ? Joseph est enfermé dans une boîte noire,
dans laquelle ne pénètre aucune lumière humaine.
Ici
l’ange intervient et lui apporte la lumière qui vient du Seigneur. L’ange n’est
pas n’importe lequel : il s’agit de « l’Ange du Seigneur »,
le nom est précis : il renvoie directement au Nom de Dieu, c’est-à-dire à
Dieu lui-même. C’est dire l’importance de la mission et du message.
L’Ange
du Seigneur s’appuie sur deux citations des Écritures : d’abord le
Psaume 131, où il est rappelé à Joseph qu’il est Fils de David. L’Ange lui
demande donc d’inscrire l’enfant de Marie dans la généalogie royale : cet
enfant sera dit lui-aussi « Fils de David », car il sera roi. Non pas
un roi humain engendré charnellement, mais un roi divin engendré par l’Esprit
de Sainteté.
Ensuite,
l’Ange du Seigneur cite le prophète Isaïe, qui proclamait : « La
Vierge concevra et elle enfantera un fils ». Voilà le rayon de
lumière, le rayon de grâce pour Joseph : car voici que la prophétie se
réalise. C’est enfant est donc « Dieu avec nous – Emmanuel », le
Messie tant attendu, annoncé par les prophètes.
Joseph,
qui était déjà humainement juste, se révèle aussi spirituellement saint, car il
accorde sa foi aux parole de l’Ange du Seigneur. Son acte de foi est de croire
qu’effectivement Marie est vraiment cette Vierge annoncée par le prophète
Isaïe. Et sa vocation à lui est de l’épouser pour inscrire l’enfant divin dans
la généalogie royale des Fils de David, dans la lignée des rois d’Israël.
Saint
Joseph n’est pas du tout passif : il prend les affaires en main. Saint
Matthieu dit qu’il « prit chez lui son épouse ». Cela nous
paraît un acte banal, mais non, pas du tout : le verbe employé est celui qui
s’applique au berger qui mène ses brebis à la bergerie, qui guide son troupeau
avec assurance vers de bons pâturages. Ainsi donc, Joseph ne recueille pas
Marie chez lui discrètement, à la va-vite… Non : il va la chercher pour la
faire entrer comme une reine dans sa demeure, publiquement et avec tous les
honneurs. Saint Joseph est grand seigneur, n’est-ce pas, mais il sait qu’il
accueille dans sa maison, non seulement la sainte Vierge Marie annoncée par le
prophète Isaïe, mais aussi Jésus le futur roi d’Israël, le Messie de Dieu. Le
retournement de la situation est complet.
Bien
évidemment nous pouvons et nous devons nous réjouir de cet événement et de
cette conversion radicale de saint Joseph à la parole de l’Ange du Seigneur.
Car l’annonce de la venue du Messie sauveur ne concerne pas seulement le Peuple
d’Israël, mais aussi toute l’humanité. C’est une étoile qui se lève dans nos
nuits. Et justement, nous avons vu que la nuit de saint Joseph, confronté à une
situation humainement sans issue, avait été illuminée, transformée,
transfigurée par l’intervention de l’Ange du Seigneur. Nul doute que cette
intervention a répondu à sa prière la plus profonde, tout aussi marquée par
l’espérance que par la confiance dans le Seigneur son Dieu. Et elle n’a pas été
déçue.