Ac
10,25-26.34-35.44-48 ; Ps 97 ; 1Jn 4,7-10 ; Jn 15,9-17
Chers
frères et sœurs,
Nous
poursuivons la lecture de l’Évangile de dimanche dernier. Comme nous le savons,
lorsque Jésus prononce ces paroles, il se trouve avec ses Apôtres en chemin
entre le Cénacle, où ils viennent de partager la dernière Cène, et Gethsémani,
où Jésus va accepter la vocation qui est la sienne de donner sa vie pour le
salut du monde.
Il
y a plusieurs points à souligner pour bien comprendre l’enseignement de Jésus.
Le
premier est que, sous le verbe « aimer » ou le mot
« amour », en français, il y a deux verbes différents en araméen ou
en grec. En grec, il y a le verbe « agapao », qui signifie
l’amour de charité, l’amour divin, et le verbe « philéo » qui
signifie l’amitié, un amour d’affection plus humain. Or dans notre évangile,
l’amour qui existe entre Jésus et son Père, est bien sûr l’amour le plus élevé,
l’amour de charité, mais on voit que Jésus emploie également ce verbe pour
qualifier l’amour dont lui-même aime ses disciples et avec lequel il leur
demande de s’aimer les uns les autres. Il n’y a que s’ils entrent dans l’amour
de charité qu’ils pourront recevoir la joie que Jésus leur promet, qui est la
marque de l’Esprit Saint.
Évidemment,
on n’atteint pas à l’amour de charité comme cela. L’amour de charité, qui est
divin, est bien supérieur à l’amour d’amitié, qui est un amour humain. Jésus en
donne la clé : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa
vie pour ceux qu’on aime. » Ici, très clairement, Jésus explique que
le don dont il est question est très exactement un geste d’offrande à Dieu effectué
par un prêtre. Ainsi donner sa vie pour ses amis, est un geste d’offrande sacerdotal
où l’on s’offre soi-même à Dieu pour ceux qu’on aime, pour que eux reçoivent la
grâce – la vie – accordée par Dieu.
Jésus
donne le sens de son sacrifice sur la croix : c’est le plus grand geste
d’amour qui soit, puisque lui qui est Dieu donne sa vie divine pour que nous
les hommes – encore pécheurs – nous puissions recevoir la vie, c’est-à-dire
l’Esprit Saint. À Gethsémani, Jésus va accepter de manière humaine ce qu’il
sait de manière divine et qu’il vient d’enseigner à ses disciples. Il est très
important de noter que ce geste est un geste de prêtre. Jésus est en même temps
l’offrande, l’agneau de Dieu, et le grand prêtre qui présente cette offrande à
son Père, pour le salut du monde.
La
leçon est extrêmement importante pour les Apôtres, car Jésus leur demande de
faire ce qu’il va faire : « Aimez-vous les uns les autres comme je
vous ai aimés ». C’est-à-dire : « offrez votre vie à Dieu
par amour pour les autres. » C’est un acte de prêtre. Tout baptisé – dont
on rappellera qu’il est configuré par le saint Chrême à Jésus prêtre,
prophète et roi – … tout baptisé qui donne sa vie par amour pour son prochain
accomplit cet acte. C’est pourquoi les martyrs sont immédiatement assimilés à
Jésus par l’acte même de leur martyre, et nous les considérons comme des
saints. C’est pourquoi aussi un prêtre catholique véritable, ordonné à
Jésus-Christ, est un homme qui a vocation à donner sa vie par amour pour ses
brebis. C’est inséparable de son ordination sacerdotale et c’est ainsi que le
prêtre se sanctifie.
D’ailleurs,
Jésus ajoute la phrase suivante : « Vous êtes mes amis si vous
faites ce que je vous commande. » C’est-à-dire : « vous êtes
saints, si vous offrez votre vie par amour pour vos amis. »
Cette
phrase contient également un enseignement évident, qu’on ne remarque pas assez.
L’amour dont il est question n’est pas du tout une question de sentiments. Jésus
dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je
vous commande. » L’amour de charité n’est pas un sentiment :
c’est un acte. C’est bien ce que va vivre Jésus : sa Passion est réelle,
elle n’est pas fictive ou simulée. La passion des martyrs est réelle, elle
n’est pas du théâtre. De même, si nous voulons entrer dans l’amour de Jésus,
nous sommes appelés à mettre en pratique l’amour de charité dont il nous
parle : faire de notre vie une offrande à Dieu, par amour pour lui et pour
notre prochain. Ce n’est pas une partie de notre cerveau, de notre cœur, ou de
notre vie qui est concernée par l’offrande, c’est toute notre vie. On
n’est pas chrétien à 15, 25 ou 75%, Jésus nous attend à 100% - autant qu’on
peut, avec la grâce de Dieu.
Pourquoi
lisons-nous cet évangile ce dimanche, alors que nous sommes dans le temps de
Pâques ? Parce que durant ses apparitions, Jésus ressuscité rappelle à ses
disciples l’enseignement qu’il leur a donné auparavant. Nous avons aujourd’hui
ce geste d’offrande, qui est celui d’un prêtre. Or cette offrande va être
consommée dans l’Ascension de Jésus auprès de son Père où il va s’offrir
lui-même avec son humanité blessée et ressuscitée, et en même temps où il va réaliser
le geste d’offrande que refait tout prêtre lors de chaque eucharistie,
présentant au Père le Corps et le Sang du Christ : « Par Lui, avec
Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant, tout honneur et toute gloire
pour les siècles des siècles », accomplissant liturgiquement et
sacramentellement la parole de Jésus : « Il n’y a pas de plus grand
amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »