mercredi 16 mars 2022

12-13 mars 2022 - LA CHAPELLE SAINT-QUILLAIN - SEVEUX - 2ème dimanche de Carême

Gn 15,5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3,17-4,1 ; Lc 9,28b-36
 
Chers frères et sœurs,
 
Au commencement, au Paradis, l’homme était capable de voir Dieu. Mais depuis la chute, nos yeux sont empêchés de le voir. S’il nous apparaissait, il nous éblouirait ; il nous brûlerait les yeux. C’est pour cela que Dieu dit à Moïse, qui voulait contempler sa gloire : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie. » Pour cela, il faut une protection spéciale. 
C’est pourquoi, dans son grand amour pour nous, afin de nous réconcilier avec lui, Dieu nous a dévoilé son visage, de telle sorte que nous ne soyons pas éblouis : Il s’est fait homme. En effet, Jésus, qui est Dieu, est parfaitement visible, parfaitement accessible à nos cinq sens humains. Mais du coup, on a bien du mal à reconnaître qu’il est vraiment Dieu, à commencer par ses plus proches ! Il lui fallait donc faire un pas de plus.

C’est là que l’événement de la Transfiguration est très important. D’abord parce que Jésus révèle à Pierre, Jacques et Jean que, sans nier son humanité, il est en réalité Dieu lui-même ; et ensuite, parce que s’il le veut, quand il le veut, Dieu peut permettre à des hommes – par l’action et la protection spéciale de l’Esprit Saint – de le contempler dans sa gloire, de le « connaître », comme dirait Saint Jean. 
De fait, Dieu a fait ce don à Moïse et à Elie ; il l’a fait à Pierre, Jacques et Jean ; il l’a fait aussi à Marie-Madeleine et aux Douze, lors de ses apparitions après sa résurrection, et – dit saint Paul – il est apparu « à plus de 500 frères à la fois ». Cela veut dire que cela est aussi possible pour chacun et chacune d’entre nous.
 
Cependant, connaître le Seigneur glorieux ne se fait pas n’importe comment. Il y a un ordre. 

D’abord une première manifestation, à l’initiative de Dieu. Ainsi Abram a une vision, où Dieu l’invite à regarder le ciel, pour y compter les étoiles. Dieu lui dévoile quelque chose de l’avenir : sa descendance sera nombreuse dans le pays promis. Il en va de même pour Pierre, Jacques et Jean, qui voient Jésus éblouissant, entouré de Moïse et d’Elie. Ceux-ci évoquent également l’avenir : la Passion et la résurrection de Jésus, à Jérusalem, et son ascension en vue du don de l’Esprit Saint à une multitude de baptisés, pour le Royaume des cieux. Cette première rencontre permet aux hommes de comprendre les intentions de Dieu. Mais Dieu veut les conduire encore plus loin : il veut les faire entrer dans sa communion.

Vient alors une nouvelle étape, de purification, d’épreuve. Pour Abram, c’est pendant le coucher du soleil, lorsque tombe sur lui sommeil et frayeur. Si le texte de la première lecture n’avait pas été tronqué, nous aurions appris que son épreuve était celle de sa descendance qui devra émigrer, sera persécutée mais un jour libérée, tandis que lui s’endormira dans la paix. Pour Pierre, Jacques et Jean, il en va de même : un sommeil tombe sur eux et leur cœur est purifié. Pierre veut bâtir des tentes, révélant ainsi qu’il veut accaparer dans ce monde la gloire de Dieu, alors que c’est impossible ; et il veut en faire trois, pour Jésus, Moïse et Elie, à égalité… Pierre n’a donc pas encore compris que Jésus est bien plus important que Moïse et Elie : il est Dieu lui-même qui se tient incandescent entre les deux. Mais, à l’instant-même, Pierre a compris sa bêtise, car son cœur est purifié par la vérité.

Arrive alors la dernière étape, celle de la connaissance de Dieu. Pour Abram, c’est après le coucher du soleil, pendant la nuit : tout est recouvert de ténèbres épaisses. Dieu passe comme une torche embrasée entre les offrandes qu’Abram avait apportées. Et Dieu scelle avec lui son Alliance et le don de la Terre promise. Pierre, Jacques et Jean – quant à eux – sont pris dans la nuée qui les recouvre de son ombre. En araméen, c’est la même expression qui désigne l’ombre des Chérubins qui protègent l’Arche d’Alliance dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem. Et là, la voix de Dieu se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Jésus est donc lui-même la Présence de Dieu, il est la Loi qu’on doit écouter et mettre en pratique. Jésus est Dieu parmi les hommes.
Mais il faut bien comprendre : puisque Pierre, Jacques et Jean sont eux-aussi couverts par cette ombre, ils sont alors en communion avec Jésus dans sa gloire. Ils sont donc eux aussi des fils choisis et des témoins privilégiés à écouter. Plus encore, l’ombre qui les recouvre – qui est l’Esprit Saint – est la véritable tente, le véritable Temple, dans lequel Dieu réside éternellement. Pierre, qui voulait abriter Dieu sous une tente, se retrouve maintenant abrité par lui dans l’Esprit Saint. Par grâce, Pierre a mis un pied dans la gloire éternelle de Dieu. On comprend pourquoi, après cela, les apôtres n’en ont pas dit un mot. C’était trop grand.
 
Pour terminer, souvenons-nous de notre baptême. Première étape : à l’entrée de l’église nous avons été accueillis, marqués de la croix de Jésus et notre nom a été prononcé, promesse de notre adoption prochaine comme enfant de Dieu. Ensuite, deuxième étape, est venu le temps des lectures, des prières d’exorcisme, temps long qui peut parfois nous conduire à un certain sommeil ! – mais qui est d’abord le temps de purification du cœur. Et puis, troisième étape, celle du baptême où l’eau agit comme la nuée, qui nous recouvre au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, en faisant de nous des hommes nouveaux, des fils et des filles bien-aimés de Dieu et ses témoins. Parfois, pour le baptisé, cela provoque une certaine frayeur ! Ainsi, nous aussi – chacun d’entre nous – nous sommes montés de cette manière sur la montagne, et par grâce nous y avons été illuminés par la gloire de Dieu.

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