1S
26,2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102 ; 1Co 15,45-49 ; Lc 6,27-38
Chers
frères et sœurs,
Après
avoir prié seul la nuit, dans la montagne, Jésus a choisi ses douze apôtres,
puis il a enseigné les Béatitudes à l’ensemble de ses disciples. Et maintenant
il enseigne ce que nous avons entendu à la foule des gens qui sont venus à lui
pour être guéris. Son enseignement est très structuré, il faut en être
conscient pour bien le comprendre.
D’abord
Jésus donne quatre commandements au sujet des ennemis : aimez-les,
faites-leur du bien, bénissez-les, et priez pour eux. Ensuite quatre exemples
d’actes ennemis : les coups, la dépossession des vêtements – c’est-à-dire
de la dignité, les sollicitations exagérées, et le vol des biens. Il faut donc
répondre à ces violences non seulement par la non-violence mais aussi par l’amour,
la charité, la bénédiction et la prière.
Évidemment,
c’est là un enseignement surprenant car jusqu’à présent la loi du talion indiquait
plutôt qu’il fallait renvoyer à nos ennemis la violence qu’ils commettaient contre
nous. Justement, Jésus inverse cette loi : « Ce que vous voulez que les
autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. » La loi nouvelle
de Jésus ne gère pas les violences, mais elle gère les bénédictions.
Pourquoi ?
D’abord
Jésus montre qu’il n’y a rien à gagner de spécial si on se comporte
normalement : aimer, faire du bien ou prêter à ceux qui nous aiment, c’est
parfaitement naturel. Mais si on le fait aussi à ceux qui ne nous aiment pas –
nos ennemis, alors une récompense surnaturelle nous est promise. Alors que dans
la loi du talion, qui régule les violences entre les hommes, Dieu n’intervient
pas, dans la loi nouvelle de Jésus, il y a une promesse de la part de Dieu pour
celui qui fait le bien. Quelle est cette promesse ? « Votre
salaire sera abondant et vous serez fils du Très-Haut. » Ce qui
nous est promis n’est rien moins que d’être rendus saints et de participer à la
gloire de Dieu.
Non
seulement la récompense promise à ceux qui aiment leur ennemis est grande dans
les cieux, mais elle est aussi efficace sur la terre, comme nous l’avons vu
dans le conflit qui oppose David à Saül. Par son attitude, David désarme la
violence de Saül et remporte la victoire de la paix. Mais cela est possible
parce que Saül est aussi un homme de foi, qui est capable de reconnaître
l’attitude miséricordieuse de David. Ce n’est pas toujours le cas dans d’autres
situations.
De
fait, Jésus est conscient que vivre entièrement selon la loi nouvelle est
difficile pour nous sans le secours spécial de l’Esprit Saint, que seul Dieu
peut nous donner. Il n’est pas facile, en effet, d’aimer ses ennemis et de supporter
toutes leurs persécutions en toutes circonstances. Alors Jésus prend le
problème autrement, en nous donnant des actes plus à notre portée, autant que
possible : ne pas juger, ne pas condamner, délier – c’est-à-dire
pardonner, et offrir quelque chose.
Pour
nous faire comprendre pourquoi il est dans notre intérêt supérieur de faire ces
actes à l’égard de nos ennemis, Jésus nous apprend que Dieu promet de les
accomplir lui-même à notre propre égard : il ne nous jugera pas, il ne
nous condamnera pas, il nous pardonnera, et il nous donnera la vie éternelle. Or
– si nous sommes honnêtes – nous nous rendons bien compte que souvent nous nous
comportons nous-mêmes comme des ennemis de Dieu. Par des petites choses, et
aussi parfois par de plus grandes. Jésus nous promet donc de nous en libérer si
nous libérons nous-mêmes les autres de ce qu’ils ont fait contre nous :
« La mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure
aussi pour vous. »
Alors
certains dirons : Jésus veut que nous fassions des « chèques en
blanc » à nos ennemis, où nous leur donnons et pardonnons tout, sur la
seule foi que Dieu nous pardonnera et nous donnera tout. Il faudrait que nous
soyons des saints ! Justement, pourrions-nous répondre ! Mais en
considérant le problème ainsi, nous risquons fort de nous tromper. Car la
promesse qui nous est faite par Dieu n’est pas seulement dans l’avenir :
elle est aussi déjà réalisée. Dieu a déjà pardonné et il a déjà donné la vie
éternelle, sa sainteté et sa gloire à chacun d’entre nous qui sommes ici, par
la croix de Jésus et le don de l’Esprit Saint. Nous avons reçu tous ces dons au
baptême. Il nous appartient donc maintenant – pour remercier Dieu de sa bonté –
de nous montrer aussi généreux que lui à l’égard de notre prochain. Dieu, qui
est bon, nous a donné sans mesure, par la grâce qu’il nous a faite, alors nous
aussi nous pouvons être bons et généreux.
Savez-vous,
pour finir, chers frères et sœurs, qu’en araméen être bon, être doux, être oint
ou être parfumé se dit avec le même mot – traduit par « Chrestos »
en grec ? Ainsi Jésus qui est bon, nous invite à être bon comme lui, et à
répandre autour de nous un parfum de bonne odeur, celui de la bonté de Dieu.