Is
61,1-2a.10-11 ; Lc 1 ; 1Th 5,16-24 ; Jn 1,6-8.19-28
Chers frères et sœurs,
Nous venons d’entendre deux extraits du Prologue de Saint
Jean relatif à Jean-Baptiste et à sa mission. Le premier nous apprend deux
choses :
D’abord que Jean a été envoyé par Dieu pour rendre
témoignage à la Lumière, c’est-à-dire à Jésus. La traduction est faible : Jean
ne vient pas pour apporter un point de vue personnel sur Jésus, comme n’importe
qui pourrait le faire, mais il vient attester que ce Jésus-là est réellement le
Messie. Il vient poser une affirmation solennelle, qui conduit normalement celui
qui écoute à la certitude. Ce qui a été traduit par « afin que tous
croient par lui », pourrait aussi se traduire par « afin que, par
lui, tous soient certains de la vérité ». Le témoignage de Jean n’est donc
pas un point de vue, mais plutôt une preuve.
Ce premier extrait nous apprend aussi que Jean-Baptiste
est certes quelqu’un d’important dans le Plan de Dieu, mais qu’il n’est pas le Christ.
Il est seulement celui qui l’atteste. Comme dit notre traduction : « il
était là pour rendre témoignage à la lumière ». Cette précision est
destinée à corriger la prédication de certains disciples de Jean qui ne
connaissaient pas encore Jésus, pour les amener à la foi. Mais cette précision
était aussi nécessaire en Israël, car tout le monde se demandait qui était ce Jean-Baptiste ; qui lui avait donné autorité pour baptiser ; et pourquoi
faire ?
C’est l’enjeu du deuxième extrait de l’évangile d’aujourd’hui :
le dialogue avec des prêtres et des lévites, puis avec des pharisiens.
Des prêtres et des lévites interrogent donc Jean. Il faut
bien comprendre qu’ils appartiennent au même groupe : Jean-Baptiste lui-même
est un prêtre, comme son père Zacharie. La crainte des prêtres et des lévites est
que Jean acquière une autorité qui lui permette de contester celle du
Grand-prêtre. En effet, celui-ci, nommé par les Romains, est illégitime. Sa
remise en cause est très dangereuse pour tous. Mais Jean-Baptiste les
rassure : il n’est pas le Christ, ni Elie, ni le Prophète annoncé – toutes
sortes de figures attendues par les uns et les autres pour rétablir Israël dans
la vraie royauté et la pureté du culte. Il leur répond : « Je suis
la voix qui crie dans le désert : redressez le chemin du Seigneur. »
C’est-à-dire qu’il les appelle à la conversion du cœur et de la vie : il
les appelle à une vie sainte. En somme, Jean apparaît aux prêtres et aux
lévites comme un pharisien : il n’est donc pas plus dangereux que ceux-ci.
Voilà pourquoi des pharisiens viennent ensuite le
trouver. Notre traduction ici n’est pas exacte : les prêtres et les lévites
n’ont pas été envoyés par les pharisiens… ils se détestent ! Mais de la
même manière que les uns ont été envoyés pour interroger Jean, de même les
autres sont venus eux-aussi pour l’interroger. Jean répond donc maintenant à
des pharisiens, c’est-à-dire à des gens qui ne sont pas attachés au Temple et à
son rituel, mais plutôt à la sainteté de la vie, à la pureté physique et morale.
C’est pourquoi ils attachaient beaucoup d’importance aux gestes de purification.
Leur question porte sur le fait que Jean-Baptiste accomplit une purification
supérieure à la leur, alors qu’il n’en a pas a priori l’autorité :
il n’est ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète. Jean leur répond trois
choses :
1) qu’il baptise dans l’eau, sous-entendu que le Christ,
lui, baptise différemment. Nous savons par saint Mathieu que c’est dans
l’Esprit-Saint ;
2) qu’ils ne « connaissent » pas Jésus,
alors qu’il se tient au milieu d’eux. On peut comprendre ici que Jésus
appartient jusqu’alors au groupe des pharisiens, ce qui n’est pas impossible,
puisqu’on l’appelle souvent « Rabbi » et qu’il a des franges à
son manteau. Mais ils ne le « connaissent » pas, ce qui
signifie dans le langage de saint Jean l’Évangéliste qu’ils ne le
connaissent pas intimement, par le cœur, qu’ils ne sont pas en communion avec
lui. Parce qu’ils ne voient pas, ne comprennent pas, qu’il est le Christ, qu’il
est Dieu lui-même. Seuls ceux qui sont illuminés par l’Esprit Saint peuvent le connaître
réellement et être connu par lui. Autrement dit, les Pharisiens sont des
moralistes, des puristes, mais ils ne connaissent pas Dieu avec le cœur.
3) Jean-Baptiste explique qu’il n’est pas digne de délier
la courroie des sandales de Jésus. Nous comprenons habituellement qu’il est si
petit devant Jésus qu’il n’est même pas digne d’accomplir pour lui un geste
d’esclave. Mais ce n’est pas ce qu’il faut comprendre. N’oubliez pas que Jean
est prêtre du Temple de Jérusalem : il explique aux Pharisiens que – tout
saint qu’il soit – il n’est pas digne de défaire la courroie de la sandale de
Jésus, le seul vrai Grand-prêtre qui est en droit d’entrer dans le Sanctuaire
du Temple, dans le Saint-des-Saints où réside la Présence de Dieu, où l’on doit
entrer pieds nus, car c’est une terre sainte. Or, la vraie la terre sainte,
c’est la vie éternelle.
Finalement Jean-Baptiste a renvoyé les prêtres et les
lévites au défi d’une vie réellement sainte, et les Pharisiens à l’importance
des rites du baptême et du Temple de Jérusalem. Jésus accomplit justement l’un
et l’autre : il est le Messie au cœur pur, saint et sans péché, pour rendre à
son peuple la liberté des Fils de Dieu par le baptême dans l’Esprit qui le fait
connaitre intimement, et il est le Christ, le seul vrai Grand Prêtre qui, par
son sacrifice et son intercession, peut apporter à son peuple le pardon et l’entrée
dans la vie éternelle.