Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2,9-11 ; Mc 10,2-16
Chers frères et sœurs,
« Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » La question est redoutable parce qu’elle ne se pose pas seulement au plan moral, comme nous le comprenons habituellement, mais aussi au plan spirituel de la relation de Dieu avec son peuple. Car le peuple de Dieu est pour lui comme son épouse. La question des pharisiens peut donc se comprendre au premier degré : « Peut-on divorcer ? » Mais aussi au second degré : « Est-ce que Dieu peut rompre son alliance avec Israël ? »
Jésus répond en faisant une distinction entre ce que Moïse a permis par sa Loi et ce que Dieu a voulu au commencement. Dieu a voulu que l’homme et sa femme deviennent une seul chair : c’est-à-dire que la vocation de l’homme et de sa femme est qu’ils deviennent une communion d’amour éternelle.
Mais, en raison de la dureté de leur cœur – comprendre en langage biblique : « en raison de l’incirconcision de leur cœur » – Moïse leur a permis de se séparer. Ici Jésus montre que Moïse a agit de manière pragmatique en permettant aux gens de désobéir au sixième commandement de la Loi de Dieu : « Tu ne commettras pas d’adultère », car – dit Jésus – ils sont « incirconcis de cœur ». C’est-à-dire qu’ils n’ont pas dans leur cœur l’Esprit Saint qui leur permet de vivre saintement dans la volonté de Dieu.
Jésus répond donc aux pharisiens que c’est avec un cœur circoncis – c’est-à-dire après reçu le don de l’Esprit Saint – qu’il est possible de vivre dans le sixième commandement. Mais tant qu’on ne l’a pas reçu, Moïse a permis de se séparer. Ainsi donc, Jésus montre que les commandements de Dieu sont plus importants que les permissions accordées par Moïse, et que lui Jésus – contrairement aux pharisiens – est fidèle aux commandements de Dieu. Il leur cloue ainsi le bec. Pour nous, chrétiens, nous comprenons qu’il n’est vraiment possible de respecter les commandements de Dieu – qui sont immuables – qu’avec le don de l’Esprit de Dieu, c’est-à-dire après la Pentecôte. Sacramentellement, ce don de l’Esprit de Dieu, qui « circoncit le cœur », c’est la confirmation.
Mais le fond de la question n’est pas que moral, entre les hommes et les femmes ; il concerne aussi la relation de Dieu avec son peuple : « Dieu peut-il répudier son peuple ? »
Nous voyons bien que Jésus répond que ce n’est absolument pas dans la volonté de Dieu. Dieu considère que son alliance avec son peuple est irrévocable, parce qu’ils ont tous les deux vocation à vivre dans une communion d’amour éternelle. Et d’ailleurs lui-même Jésus, lui qui est Dieu, s’est fait homme parmi les hommes, pour ne faire avec l’homme qu’une seul chair. Cette chair n’est pas seulement une réalité terrestre : elle a vocation à devenir surtout une réalité céleste. Dans l’esprit de Jésus, il s’agit à terme d’une chair ressuscitée, une chair transfigurée : celle de la communion d’amour éternelle.
Jésus répond donc aux pharisiens qu’il n’y a pas de séparation possible entre Dieu et l’homme dans la volonté de Dieu et que la communion n’est possible qu’avec le don de l’Esprit Saint. En revanche, en disant « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas », Jésus les avertit que l’initiative humaine d’une séparation est contraire à la volonté de Dieu : « Ne prenez pas le risque de vous séparer de Dieu ; n’encouragez pas les hommes à se séparer de Dieu. »
De retour à la maison, les Apôtres reviennent sur cette question. Jésus confirme nettement ses propos mais la chose n’est pas claire. Il semble que Jésus ait répondu d’abord et seulement : « Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. » Si cette réponse est prise au plan moral, elle pose problème car la Loi de Moïse ne permettait pas aux femmes de renvoyer leur mari, mais seulement aux maris de renvoyer leur femme. Ce droit était étendu aux femmes seulement dans le droit romain. Mais si on prend la réponse de Jésus au plan spirituel, alors Jésus dit que « si le peuple d’Israël renvoie son Dieu pour épouser une idole, alors il devient adultère. » Jésus n’aurait donc pas parlé du cas de l’homme qui renvoie son épouse, parce que c’est impossible au plan spirituel : Dieu ne peut pas renvoyer son peuple pour en choisir un autre. Dieu ne peut pas rompre son alliance avec son peuple : son alliance est éternelle. Mais il met en garde le peuple de Dieu – et notamment ses chefs – de lui être infidèle.
Je termine à propos des petits enfants rejetés par le Apôtres, mais accueillis par Jésus, car « le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. » Cet enseignement va très bien avec ce qui précède : quand Dieu crée quelque chose, il le crée bon et saint. Ainsi un enfant dès sa conception. C’est vrai aussi pour nous, lorsque nous sommes sanctifiés au baptême. C’est vrai aussi pour un mariage qui est dès son commencement une union d’amour. Le problème est de rester saint, de rester uni, malgré l’épaisseur du temps et notre faiblesse. C’est pourquoi Jésus veut bénir les enfants : il veut leur donner son Esprit Saint. L’Esprit Saint qui permet de rester fidèle à son alliance, à sa vocation, rester fidèle à la volonté et au commandement de Dieu, rester comme lui dans l’attente de la pleine réalisation de la communion d’amour éternelle.