Ha 1,2-3 ;
2,2-4 ; Ps 94 ; Tm 1,6-8.13-14 ; Lc 17,5-10
Chers
frères et sœurs,
En
ces jours, trois inquiétudes assombrissent mon esprit. La première se trouve
sur tous les écrans de télévision. Je veux parler de ce démon qui va frapper des
innocents jusque dans les lieux les plus sanctuarisés. Nul n’est à
l’abri : ni des enfants qui jouent dans la cour de leur école, ni un
prêtre qui célèbre l’eucharistie dans son église, ni des policiers qui
travaillent dans l’enceinte protégée d’une préfecture. Et l’on cherche à en masquer
les causes. Jusques à quand ?
La
seconde inquiétude est plus profonde, mais nous en avons tous entendu parler.
Je veux parler de la transgression des lois naturelles. Demain – et cela se
fait déjà dans certains pays – la technologie et les lois permettront à des
enfants de naître sans connaître leurs véritables parents ; elles
permettront aussi de choisir les meilleurs au détriment des imparfaits ; elles
leur permettront aussi d’être plus fort, plus résistants, plus intelligents
peut-être, en leur greffant des éléments d’origine animale. L’homme de demain sera-t-il
encore un être humain ? N’aura-t-il pas au moins perdu son âme ?
La
troisième inquiétude est celle – pour vous imperceptible certainement, et tant
mieux – des conflits qui règnent au plus haut niveau de notre Église. Par-delà
la matière des débats – où, par peur des exigences du monde, certains veulent
s’accommoder de la Parole de Dieu – c’est la confusion, la division, l’amertume
qui affaiblissent la foi, l’espérance et la charité des catholiques, à l’égard
du Seigneur et entre-nous. Jusqu’où serons-nous donc mis à l’épreuve ?
Mais
il ne nous appartient pas de céder à la sinistrose ni au désespoir : ce
n’est pas digne d’un chrétien. Nous sommes les fils et les filles bien-aimés de
Dieu. Il nous a créé à son image et à sa ressemblance. Son fils Jésus a donné
sa vie sur une croix pour nous ouvrir le ciel. En lui et par son Esprit Saint
nous sommes prêtres, prophètes et rois. Et la vie éternelle, le lieu de notre
repos et de notre joie, nous est promise. Cependant, il faut trouver pour
aujourd’hui ici-bas notre ligne de conduite. Les lectures de ce dimanche nous
permettent de la tracer sans hésitation.
Dans
l’évangile Jésus établit deux bornes. La première est celle de la puissance
infinie de notre foi en Dieu : avec elle, nous avons le pouvoir de
déraciner des arbres et de les jeter dans la mer. Comprenons bien de quoi parle
Jésus. Il parle du mal, enraciné en nous, dans notre monde, comme un arbre dans
la terre. Il a poussé des racines partout, et plus il grandit, plus il devient
fort. Mais par la foi, nous pouvons abattre et déraciner le mal, et le jeter
dans la mer. Comme Jésus a chassé les démons de l’épileptique dans les porcs,
qui se sont jetés dans la mer. Il y a donc en nous une puissance plus forte que
tout mal, qui est la puissance même de l’Esprit Saint. Il y a en nous quelque
chose d’irréductible, qui est la vie même de Dieu, et que nul ne peut nous
retirer.
En
revanche – et c’est la seconde borne – ce n’est pas parce que nous sommes
marqués par le sceau de Dieu que nous devons nous croire parvenus. Non pas
parce qu’il faudrait que Dieu nous rabaisse aussitôt après nous avoir
élevé : « Vous êtes mes enfants bien-aimés, mais enfin, vous êtes
quand même des serviteurs inutiles. » Ce n’est pas cela que dit Jésus. Il
nous dit que, dans ce monde, nous avons à faire ce qu’il nous revient de faire ;
et que ce qui nous dépasse, ce qui n’est pas à la mesure de notre action, ou de
notre compréhension, c’est de son ressort à lui. Il est le maître. Ce qui
importe, c’est que nous fassions notre devoir de chrétien, à notre mesure, à la
mesure que Dieu nous donne, et lui s’occupe du reste. En fait, l’enseignement
de Jésus n’est pas une humiliation pour nous, mais une libération : nous
ne sommes pas chargés du gouvernement du monde ni de son devenir, mais nous
avons le devoir d’y rendre le témoignage de l’Évangile. Et vous verrez,
qu’après avoir fait notre travail, accompli notre vocation, comme le suggère
Jésus, le maître lui-même nous servira à table, dans son Royaume.
Nous
sommes marqués du sceau de Dieu, nous avons à témoigner de l’Évangile dans le
monde, à temps et à contre-temps, mais quel est-il ? Saint Paul le répète
à Timothée : « Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides,
que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le
Christ Jésus ». Nous n’avons pas à inventer une église nouvelle, mais
à transmettre ce que nous avons reçu : « Garde le dépôt de la foi
dans toute sa beauté – dit encore Saint Paul – avec l’aide de l’Esprit
Saint qui habite en nous ». C’est ensemble, en nous confortant
mutuellement dans la vérité et dans l’amour, que nous gardons le dépôt de la
foi, que nous lisons les Écritures, que nous récitons le Credo et que nous
célébrons les sacrements. C’est en communion les uns avec les autres et avec
notre évêque, dans un même Esprit. La foi est belle : elle réjouit le cœur
des croyants et c’est ainsi que nous l’aimons, car elle ne vient pas de nous,
elle n’est pas fabriquée par nous : elle vient du Seigneur lui-même, comme
la vie.
Chers
frères et sœurs, tout cela le prophète Habacuc l’a dit en une phrase :
« Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par
sa fidélité. »