Si
35,15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14
Chers
frères et sœurs,
Aujourd’hui
Jésus continue son enseignement sur la prière. Après nous avoir invités à prier
sans nous décourager, il attire maintenant notre attention sur l’état d’esprit
dans lequel nous prions. En effet, il peut arriver que le Seigneur n’exauce pas
celui qui paraît extérieurement le plus parfait, mais celui qui est imparfait.
Car Dieu ne se fie pas aux apparences mais il regarde la pureté du cœur.
Cet
enseignement est l’occasion pour nous de faire le point sur la prière. On peut
la définir comme un rapport entre Dieu et l’homme.
Il
est étonnant d’évoquer la prière en parlant de Dieu d’abord. En effet, on pense
souvent que la prière est une activité humaine qui s’adresse à Dieu. Oui, mais
c’est Dieu qui en a d’abord l’initiative. La prière est en réalité une réponse.
Et
pour cause ! Entre Dieu et l’homme, le premier qui existe, c’est Dieu.
Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. La première prière qui
doit venir de la part de l’homme, c’est une action de grâce, un « grand merci »
pour sa propre existence, pour la création dans laquelle il se trouve, comme un
diamant dans un écrin. Il y a de la simple politesse dans la prière, à
remercier son créateur.
Mais
nous savons que l’idylle entre Dieu et sa créature n’a pas duré très longtemps
et qu’assez vite Adam et Eve ont quitté le paradis du fait de leur péché. Hé
oui, nous avons été créés libres et donc aussi libres de faire des bêtises. Si
nous gardons en nous l’image indélébile de Dieu, pour laquelle nous pouvons
toujours le remercier, en revanche nous avons perdu la ressemblance avec
lui : nous lui renvoyons l’image d’un visage défiguré par le péché.
Voilà
un second motif de prière : la prière du pauvre pécheur, qui a perdu la
lumière, l’innocence et la paix, mais qui s’en souvient. C’est la prière du
publicain ou celle du fils prodigue. Cette prière n’est pas nulle, loin de là,
car lorsqu’elle s’exprime, elle exprime en même temps l’espérance que Dieu est
fidèle, qu’il pourra pardonner et nous sauver. Or ces pensées-là viennent du Saint-Esprit.
Elles nous viennent aussi par la prédication des prophètes. La prière du pauvre
pécheur est une réponse à ces appels, intérieurs et extérieurs, à l’espérance
et à la conversion.
Nous
qui sommes chrétiens, nous savons que Dieu a répondu à cette prière du pauvre
pécheur. En effet, il a envoyé son Fils Jésus dans le monde pour sauver tous
les pécheurs. Jésus a donné sa vie sur la croix pour que nous ayons la vie en
lui. Il est descendu au séjour des morts pour y chercher tous ceux qui attendaient
sa lumière, et il les a ressuscités avec lui pour une vie nouvelle. Jésus, par
sa croix, a réouvert le paradis, et il nous y a introduit par le baptême comme
ses frères.
Voilà
un troisième motif de prière. Il ne s’agit donc, non plus seulement de
remercier Dieu pour nous avoir donné la vie, au commencement, mais maintenant de
nous avoir restaurés dans son amour après notre péché, et nous avoir ouvert la
vie éternelle dans sa gloire. Notre prière, à ce moment, rejoint celle des anges.
Il s’agit d’une jubilation, d’une exultation, d’une explosion de joie, qui est
aussi une communion d’amour. Et cette prière est encore une réponse à un don
gratuit qui vient de Dieu.
Arrivés
à cette étape de notre chemin spirituel, notre prière, prend une quatrième
forme, sans jamais quitter les précédentes. C’est que, connaissant ce chemin
qui mène à la plus grande joie, il ne nous est pas possible d’y demeurer sans
que ceux que nous aimons ne puissent nous y rejoindre. Notre prière n’est plus
alors pour nous-mêmes, mais pour les autres. Elle se fait alors en quelque
sorte missionnaire. Nous prions Dieu pour ceux qui ne savent pas prier ou qui
ne savent pas dire merci d’exister, ou qui sont tellement écrasés par leur
péché qu’ils n’osent même plus prier, ou ceux qui, bien que pardonnés et
illuminés, s’endorment sur leurs lauriers et leur nombril, comme le pharisien
de la parabole. La prière missionnaire est encore une fois une réponse à un
appel intérieur : c’est lorsque nous avons le cœur grand ouvert, rendu
sensible par l’Esprit Saint aux détresses des autres, que nous sentons qu’il
nous faut prier pour eux. La prière alors peut aussi se faire action.
Prier
Dieu pour le remercier de nous avoir donné la vie dans sa création, pour lui
faire part de notre détresse d’être pécheurs, mais aussi de notre foi, de notre
espérance et de notre amour pour lui, pour qu’il nous rétablisse dans
l’innocence et la paix ; le prier encore dans une explosion de joie pour le
pardon et la vie nouvelle qu’il nous donne dans la lumière de la résurrection
de Jésus ; et le prier enfin pour ceux qui sont en chemin, qui s’y
découragent parfois, ou même qui ne le connaissent pas. Tous ces motifs sont
des appels de Dieu et des sujets de conversation intense avec lui. Mais à
chaque fois, l’initiative vient de lui. Prier, c’est répondre à ses appels et le
remercier pour ses dons.