Is
52,13-53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
Chers
frères et sœurs,
Il
est impossible en quelques minutes de donner un commentaire de la Passion de
Jésus. Je peux simplement donner quelques éclairages pour servir à votre méditation
et à votre prière.
Hier
j’avais établi un lien entre le vêtement de Jésus, signe de sa divinité et son
rapport avec la tunique d’Aaron, la tunique du Grand Prêtre qui lui permet
d’accomplir son office sacerdotal. Or il se trouve que l’Évangile évoque à
nouveau ce vêtement, lorsque les soldats eurent crucifié Jésus : « Ils
prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat.
Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée
tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : « Ne
la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura » ». La
tunique de Jésus était donc sans couture, tissée d’un seul fil, de haut en bas.
C’est tout à fait exceptionnel. Or nous savons par l’historien juif Flavius
Josèphe, qui vécut à l’époque de Jésus, que la tunique du Grand Prêtre avait justement
pour caractéristique d’être tissée d’un seul fil. À travers ce détail, qui
n’est évidemment pas un hasard, nous retrouvons cette affirmation de la lettre
aux Hébreux : « En Jésus, nous avons le grand prêtre par
excellence, celui qui a traversé les cieux. » Jésus est celui qui par
l’offrande de lui-même nous a acquis le pardon : il est le Messie, le
sauveur, le Rédempteur pour tous les hommes pécheurs.
Un
autre détail donné par saint Jean fait tiquer les historiens. Nous le trouvons
lorsque Nicodème vient aider Joseph d’Arimathie pour ensevelir Jésus :
« Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent
livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en
employant les aromates selon la coutume juive d’enterrer les morts. »
Le détail porte sur le poids des aromates : cent livres, c’est-à-dire
environ 32 kilos. Cette quantité, pour un simple particulier – a fortiori pour un
condamné au supplice de la croix – est évidemment démesurée. Mais elle
correspond à celle qui convient pour la sépulture d’un roi.
On
peut alors se souvenir que, lors des Rameaux, Jésus est monté à Jérusalem sur
un ânon que personne n’avait jamais monté, et qu’il est enterré aujourd’hui dans
un tombeau neuf : cela aussi convient à un roi. Nicodème et Joseph
n’avaient pas oublié que Jésus était Nazoréen, c’est-à-dire un descendant du
roi David. C’est ainsi que l’avait appelé Bartimée, l’aveugle de Jéricho :
« Fils de David, aie pitié de moi ! » Et pour finir,
Pilate avait fait inscrire sur sa croix : « Jésus le Nazaréen, roi
des Juifs ». Jésus était de lignée royale.
Mais
quelle était la royauté de Jésus ? C’était tout le problème, qui l’a
conduit au tribunal et à la croix. Jusqu’à Jésus, et dans les pays qui ne sont
pas chrétiens – et ils sont nombreux ! – la royauté est inséparablement politique
et religieuse : naturellement, pouvoir et religion s’y mélangent. Avec
Jésus au contraire, ils sont séparés ici-bas, car son règne n’est pas de ce
monde. L’incompréhension de cette séparation entre politique et religion a
conduit Jésus à la croix, et c’est justement par sa croix qu’il les a séparées.
Il est d’ailleurs remarquable que Jésus ait été condamné d’un commun accord par
les chefs de ces deux pouvoirs : Pilate et Caïphe. Mais à la fin, les
rôles se sont inversés : le centurion de l’armée romaine confesse Jésus
« fils de Dieu », tandis que les pieux Joseph et Nicodème
l’ensevelissent comme un roi.
Finalement,
chers frères et sœurs, Jésus est bien prêtre et roi. Il est le Messie sauveur
et le roi d’Israël, fils de David, celui qui était annoncé par les prophètes et
attendu par tout le peuple depuis si longtemps.
Mais
il est prêtre et roi d’une manière inattendue : d’une manière que les
hommes n’avaient pas imaginée. Par son sacerdoce, il nous ouvre le passage
entre la terre et le ciel, et au ciel il siège, à la droite du Père, pour un
règne éternel de communion, de joie et de paix. Voilà donc ce que Jésus a
accompli aujourd’hui par sa croix, par amour pour nous.