Ex
12,1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1Co 11,23-26 ; Jn 13,1-15
Chers
frères et sœurs,
Si
nous voulons comprendre ce qui s’est passé lors du lavement des pieds et ce qu’il
signifie pour nous, il faut d’abord faire quelques observations.
La
première concerne le vêtement de Jésus. Saint Jean nous dit : « Jésus,
sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et
qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement et prend un
linge qu’il se noue à la ceinture. » Ainsi donc, Jésus venant de Dieu,
dépose le vêtement de sa divinité, pour revêtir le linge de notre humanité,
afin de nous laver les pieds. Après avoir fait ce geste purificateur, Jésus
peut à nouveau revêtir son vêtement, célébrer sa Pâque, et s’en retourner vers
Dieu. Sa mission est accomplie : l’humanité est pardonnée et sanctifiée.
La
seconde observation concerne le lavement des pieds : pourquoi fallait-il
que Jésus lave plus particulièrement les pieds de ses Apôtres.
Les
pieds, dans la mentalité des Hébreux, représentent le désir intime qui est en
nous, qui se trouve – s’il est perverti – à la racine des péchés. C’est
pourquoi Marie-Madeleine parfumant et séchant les pieds de Jésus, avec ses
cheveux de surcroît, a provoqué un beau scandale ! Mais elle confessait-là
son propre péché. En nettoyant les pieds de ses Apôtres, en revanche, Jésus les
a purifiés de la perversion qui les conduit au péché. Il les a sanctifiés.
C’est pourquoi Jésus a dit à saint Pierre : « Si je ne te lave
pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Mais
saint Pierre n’a pas compris : il demande aussi pour les mains et la
tête. Jésus lui répond : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a
pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. »
Cette parole est très curieuse car on ne voit pas comment les pieds pourraient
être encore sales après avoir pris un bain…
Il
y a deux explications, qui fonctionnent ensemble. La première est dans la suite
de ce que je viens de dire : le bain purifie de tous les péchés, et le
lavement des pieds de ce qui pousse à faire des péchés. Il ne suffit pas de
couper les mauvaises herbes, il faut surtout les déraciner. C’est pourquoi
Jésus veut plus particulièrement laver les pieds de ses Apôtres.
La
seconde explication est tout aussi éclairante : avant d’aller au Temple
pour la fête de la Pâque, les juifs devaient s’être entièrement purifiés :
de la tête aux pieds. C’est ainsi qu’ils prenaient un bain dans les jours qui
précédaient, puis, juste avant d’entrer dans le Temple, il se lavaient les
pieds. Ainsi donc les Apôtres avaient déjà pris leur bain, mais – pour pouvoir célébrer
la Pâque avec Jésus – il fallait maintenant que leurs pieds soient lavés.
Mais
alors – troisième observation – dans quel Temple entrent-ils, puisqu’ils ne
sont pas au Temple ? Remarquons que juste après avoir lavé les pieds de
ses Apôtres, Jésus remet son vêtement pour pouvoir célébrer sa Pâque. Jésus
fait là le geste du Grand Prêtre qui se revêt de la tunique d’Aaron, la tunique
sacerdotale, pour pouvoir faire l’offrande du Grand Pardon dans le Saint des
Saints, la grande célébration de Pâques. Ainsi, le cénacle où Jésus se trouve
avec ses Apôtres est devenu le Temple, et lui-même est le Grand Prêtre qui
offre le sacrifice de la Pâque pour le pardon des péchés.
Jésus
demande à ses Apôtres de faire cela en mémoire de lui, c’est-à-dire d’offrir la
Pâque, et de même à propos du lavement des pieds : il leur demande de se
laver les pieds les uns des autres, comme lui-même a fait pour eux. C’est-à-dire
qu’il les rend semblable à lui-même : il fait d’eux des prêtres capables
de sanctifier les hommes et d’offrir le sacrifice pour le pardon des péchés. En
leur demandant de faire ces gestes les uns pour les autres, il leur demande
d’accepter de s’abaisser et de s’offrir, comme lui Jésus s’est abaissé et s’est
offert pour eux, et d’accepter cela de l’un d’entre eux, comme Pierre l’a
accepté de Jésus.
Au
bout du compte, que pouvons-nous retenir de cet événement du lavement des pieds
et du repas pascal de Jésus ? Voilà donc qu’il a fait de ses Apôtres des
prêtres saints comme lui-même est saint, capables de sanctifier les hommes et
d’offrir pour eux le sacrifice du pardon et d’action de grâce. Mais ce faisant,
ayant fait d’eux un autre lui-même, il leur a dévoilé que leur chemin serait
aussi celui qui est le sien : celui de la Passion ou du martyre, sous une
forme ou sous une autre.
Voilà
pourquoi, chers frères et sœurs, il nous revient de prier particulièrement
aujourd’hui pour notre archevêque, successeur des Apôtres, revêtu de cette
vocation si sainte de représenter Jésus sauveur parmi nous. Et par extension,
de prier pour tous les prêtres, qui sont associés par l’ordination à celle de
leur évêque. Que l’Esprit Saint les transforme et les assiste pour qu’ils
soient de saints prêtres, selon le cœur de Dieu !