Is
60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-2
Chers
frères et sœurs,
L’histoire
des Rois-Mages Melchior, Gaspard et Balthasar, arrivant à la crèche avec l’or,
l’encens et la myrrhe nous réjouit toujours. Nous y sommes tellement attachés,
en Franche-Comté, depuis que leurs reliques y sont passées en 1164 pour aller
de Milan à Cologne, que nous avons même une entreprise spécialisée dans la
fabrication des fèves, à Faverney !
Les
sceptiques diront : « Ah, quelle belle légende ! » En
effet, pour eux saint Matthieu aurait inventé cette histoire pour justifier
l’ouverture de l’Évangile à toutes les nations. Et les Rois-Mages de
représenter les païens venant adorer l’Enfant-Dieu, pendant qu’Israël à travers
la figure du roi Hérode, jaloux et angoissé, se met à bouder. L’interprétation
n’est pas totalement fausse, en revanche, il faut bien comprendre qu’il ne
s’agit pas du tout d’une légende.
La
religion de l’Empire perse est le Mazdéisme, fondé par Zoroastre entre 600 et
700 avant J.-C. Les prêtres de cette religion, astrologues et savants, sont les
« mobads », que nous appelons, nous, les « mages ». Or
Zoroastre avait prophétisé qu’un astre indiquerait la naissance du grand roi
qui régnerait dans le monde. Les mages scrutaient donc les astres.
Or,
à l’époque de la naissance de Jésus, par trois fois, il y eut conjonction de
Saturne et de Jupiter, de sorte à former une étoile éclatante. Cette
particularité, déjà calculée par Kepler au XVIIe siècle, a été confirmée par
des astronomes réputés en 1981 et en 1994.
D’autre
part, nous savons qu’en 66 après J.-C., un mage nommé Tiridate s’est présenté à
Rome avec des offrandes qu’il voulait présenter à Néron, récemment divinisé par
le Sénat romain. Le mage Tiridate souhaitait devenir roi d’Arménie…
Tout
cela pour dire que l’histoire des mages, telle qu’elle est racontée par Mathieu
dans son évangile, n’a rien de choquant du point de vue historique, au
contraire. Peut-être que ces mages auraient aimé recevoir de Jésus, le grand
roi qui venait de naître, une petite promotion dans son royaume ? Mais de
fait, ils l’ont eue, car ils sont devenus saints.
À
Jérusalem, en revanche, c’est la consternation, ou la joie. En effet, les mages
sont d’abord arrivés au palais du roi Hérode, pensant sans doute que le futur
roi y naîtrait. Ils ne pouvaient pas faire de plus grande gaffe. En effet,
depuis toujours la Terre Sainte a été disputée entre l’Orient, Assyriens,
Parthes ou Perses, et l’Occident, Égypte, Grèce, Empire Romain… et c’est
toujours vrai aujourd’hui. Or, à l’époque, Israël est sous tutelle occidentale,
le roi Hérode n’étant qu’un paravent du pouvoir romain. Sa légitimité était
d’autant plus fragile qu’il n’était pas judéen, mais de père Iduméen converti
et de mère nabatéenne. Les grands prêtres qui l’entouraient étaient également
illégitimes : la famille traditionnelle avait été écartée au profit d’une
autre, importée d’Égypte, pour conforter le pouvoir d’Hérode.
Cependant,
prêtres légitimes ou pas, la réponse à la recherche des Mages se trouve dans
les Écritures. Et là, de fait, on trouve les prophéties relatives à la
naissance de Jésus, la naissance du chef descendant de David, vrai berger du
peuple d’Israël, y compris la prophétie de l’étoile : « Ce héros,
je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : Un
astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. Il brise les
flancs de Moab, il décime tous les fils de Seth. » C’est au livre des
Nombres. Les Écritures avaient également prophétisé la venue des mages
eux-mêmes, comme nous l’avons entendu au psaume 71 : « Les rois de
Tarsis et des îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront
leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le
serviront. » C’est en raison de ce psaume qu’on a appelé les mages des
« rois mages ».
L’annonce
de la naissance du Grand Roi pose évidemment un très gros problème au pouvoir
illégitime en place à Jérusalem – et réjouis au contraire ceux qui attendent la
libération ! C’est ainsi qu’Hérode missionne les mages pour trouver Jésus
afin de pouvoir ensuite le faire disparaître, comme il a déjà fait assassiner
ses propres fils et sa femme. Comme ce plan échouera, il n’hésitera pas ensuite
à faire tuer dans la région de Bethléem tous les garçons de moins de deux
ans : les saints Innocents. C’est la raison pour laquelle Joseph, Marie et
Jésus bébé se sont enfuis en Égypte.
Vous
voyez, chers frères et sœurs comment la réalité historique correspond aux
prophéties des Écritures et à l’évangile de saint Mathieu ? Cela
veut dire que ce petit Jésus qui est né à Bethléem est vraiment ce Grand Roi
attendu aussi bien à l’Orient qu’à l’Occident. Ce n’est pas pour rien que les
mages lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe : l’or le désigne
comme Roi dont le règne n’aura pas de fin, l’encens comme Dieu éternel et tout
puissant, et la myrrhe comme homme qui va donner sa vie sur la croix et
ressusciter, pour que nous qui sommes mortels, nous puissions recevoir la vie
de Dieu. L’or, l’encens et la myrrhe sont comme la carte d’identité de Jésus.
Avec sa naissance, l’histoire du monde a basculé dans l’avènement du Royaume
des Cieux. Par le baptême, nous en faisons partie. Par la confirmation, nous y
sommes configurés. Par la communion eucharistique, nous en vivons.