2M 7,1-2.9-14 ; Ps
16 ; 2Th 2,16-3,5 ; Lc 20,27-38
Chers
frères et sœurs,
L’épisode
de l’évangile que nous avons entendu se situe entre le moment où Jésus a chassé
les vendeurs du Temple et le moment où il sera arrêté pour être jugé et
crucifié. C’est dire que la situation est très tendue, et ses adversaires
cherchent par tous les moyens à le faire tomber. Tandis que lui, Jésus, a le
regard fixé vers son Père : il sait que par-delà la mort, il y a la
résurrection.
Aujourd’hui,
nous avons donc les sadducéens, c’est-à-dire les grands-prêtres du Temple, qui
s’attaquent à Jésus. Et les scribes et les pharisiens comptent les points. Les
sadducéens ne croient pas à la résurrection tandis que les autres y croient.
C’est pourquoi la parole de Jésus est très attendue par tous sur ce sujet.
L’enjeu
n’est pas seulement théologique, il est aussi politique. En effet, les sadducéens
sont accusés d’être compromis avec le pouvoir d’Hérode, lui-même soumis au
pouvoir romain. Certains les considèrent donc comme illégitimes. Parmi ces
contestataires, il y a les Zélotes, qui veulent retrouver la pureté de la
tradition d’Israël, et l’autonomie politique.
Dans
cette configuration, l’interprétation d’un livre comme celui des frères
Macchabées est un enjeu important. C’est parce qu’ils croyaient à la
résurrection que les frères Macchabées ont eu la force de résister aux
compromissions que le roi Antiochos voulait leur imposer. Les frères Macchabées
sont les modèles des Zélotes, et ils posent problème aux Sadducéens. Quand on
croit à la résurrection, à la vie du monde à venir, on a la force de résister
aux compromissions dans ce monde, mais quand on n’y croit pas, alors on est
plus fragile et on trouve des arrangements, ce qui est le cas des Sadducéens.
Jésus
est donc confronté à une question-piège. Moïse, dont personne dans le débat ne
peut contester l’autorité, a prescrit qu’une femme veuve sans enfants, devait
être épousée par le frère du défunt pour avoir une descendance. À l’époque,
cette décision a pu être motivée par le manque d’hommes après une guerre, et
aussi par le fait que les enfants étaient pour les femmes autant leur sécurité
sociale que leur retraite, après la mort de leur mari. La communauté, en effet,
ne les prenait pas en charge. Il n’est pas dit par ailleurs que le frère qui
devait épouser la veuve était lui-même célibataire. Il est même très probable
que non. D’ailleurs les sadducéens étaient eux-mêmes polygames. On voit donc
que, dans leur question, il y a un problème de relation entre les hommes et les
femmes. Elles sont pour eux des objets de propriété.
C’est
pourquoi la réponse de Jésus va les bousculer.
D’abord
il leur répond par une autorité plus grande que celle de Moïse : celle de
Dieu lui-même, qui dit être le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob,
le Dieu des vivants. La résurrection est donc une réalité annoncée par Dieu
lui-même.
Ensuite,
Jésus révèle quelque chose de cette résurrection : nous y serons avec un
corps et des relations différentes de celles du monde présent. Car la
résurrection n’est pas une réanimation, mais une création nouvelle.
Souvenons-nous de cette réponse de Jésus, quand on lui annonce que sa mère et
ses frères sont venus le chercher. Il répond : « Celui qui fait la
volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une
sœur, une mère. » Souvenons-nous aussi de cette parole de saint Paul aux
Galates : « Il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni
esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne
faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » On voit bien, à travers ces
paroles, que les relations que nous aurons les uns avec les autres, au ciel,
seront très différentes. Et contre les sadducéens, que les femmes n’y sont pas
la propriété des hommes.
Cet
enseignement a deux conséquences pratiques.
La
première est que, lorsque la loi de Moïse demande à un frère de prendre sa
belle-sœur veuve pour femme, comme pour la répudiation ou le divorce, il s’agit
d’un accommodement lié aux conditions difficiles de la vie dans ce monde, dues
à la dureté et au manque de foi des hommes. Les chrétiens, au contraire, ne demanderont
pas que les veuves se remarient, mais ils les feront prendre en charge
financièrement par la communauté. C’est pour assurer ce service que les diacres
ont été créés.
Deuxièmement,
le célibat est devenu, chez les chrétiens, un signe du monde à venir, un signe
de la résurrection. C’est parce que dans le monde à venir, nous serons tous
comme frères et sœurs, dans une même communion d’amour, que Jésus est
célibataire. Et c’est la raison pour laquelle, à sa suite, les Apôtres, les
évêques et les prêtres sont célibataires ou continents. Et c’est encore la
raison pour laquelle les religieux et les religieuses ne se marient pas. Parce
qu’ils sont – comme Jésus – les signes de la résurrection.