2S 5,1-3 ; Ps
121 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43
Chers
frères et sœurs,
Au
cours de sa longue histoire le peuple d’Israël a appris à découvrir qui est
Dieu et quel est son dessein pour l’homme. Cet apprentissage s’est fait, d’une
part par l’intervention de Dieu lui-même dans l’histoire des hébreux et,
d’autre part, par leur propre réflexion sur ces événements, avec l’aide de
l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’Israël a appris à connaître Dieu comme Dieu
créateur, comme Dieu de vérité et comme Dieu d’amour. Il est le Dieu qui
sanctifie, qui fait justice et qui pardonne.
Petit
à petit, les Hébreux ont compris, à cette lumière, que, bien qu’ils soient
pécheurs, Dieu a toujours eu pour eux l’ambition de les ressusciter après leur
mort, de leur appliquer sa justice et de faire entrer ceux qui étaient trouvés
justes dans sa gloire. Mais comment ?
Animés
par l’Esprit Saint, les prophètes ont annoncé la venue d’un messie sauveur,
d’un rédempteur et d’un roi de paix. La réalisation de cette triple espérance,
faisait l’objet de la prière de tout Israël et elle le fait toujours. Car les promesses
et les dons de Dieu sont sans repentance : le Dieu fidèle accomplit
toujours, à son heure, ce qu’il a décidé.
Pour
nous qui sommes chrétiens, ce messie sauveur qui vient nous arracher à la mort
pour nous donner la vie éternelle, ce rédempteur qui, par l’offrande de
lui-même, vient nous libérer de tous nos péchés et de notre état de pécheurs,
ce roi de paix, dont le règne est une communion d’amour, c’est Jésus lui-même.
Aujourd’hui,
nous fêtons l’aboutissement de sa triple mission de prophète, de prêtre et de
roi, qui est en même temps pour nous le couronnement de notre existence :
vivre éternellement, libres et bienheureux, dans l’amour de Dieu.
Chers
frères et sœurs, il ne s’agit pas seulement d’une fête par anticipation, ou
nous fêterions à l’avance ce que nous croyons et espérons qu’il se passera pour
nous à la fin des temps. Il s’agit aussi, et même d’abord, d’une fête de ce qui
s’est déjà réalisé dans l’éternité de Dieu.
Par
l’Esprit Saint et depuis la Pentecôte, cette réalité divine imprègne déjà maintenant
notre existence actuelle : l’Église est l’espace et le temps et la
communauté où se réalisent ici et maintenant, comme gage et témoignage, cette
vie éternelle, cette liberté et cette joie des enfants de Dieu. Les saints et
les saintes sont justement des hommes et des femmes qui ont vécu sur la terre
comme s’ils étaient déjà au ciel.
C’est
pourquoi, dans l’Église, nous avons des rites particuliers, un enseignement original
et une fraternité différente qui ne viennent pas de l’homme mais de Dieu, par
son Esprit Saint. Ce sont là les talents dont nous parlait Jésus et qu’il nous
a confiés, pour que nous les fassions fructifier, avant qu’il revienne enfin pour
prendre possession de l’intégralité de sa royauté.
Or,
durant sa vie humaine sur la terre, comme il était en même temps Dieu, Jésus
était entièrement animé par l’Esprit Saint. Aussi, tout ce qu’il a fait, tout
ce qu’il a dit, tous les liens qu’il a noués et dénoués avec ceux et celles
qu’il a rencontrés, sont des révélations et des anticipations de cette royauté divine
qui vient. Mais alors, vous allez me dire : « la croix ? » ;
« que dit la croix de cette royauté de paix, de joie et de
lumière ? »
Justement,
lorsque Jésus est attaqué par les ennemis de Dieu, alors il faut voir les
événements dans un miroir inversé : là où on le suspend à une croix
d’abjection, il siègera sur le trône de gloire ; là où son corps voué à la
mort est violenté et sanglant, il ressuscitera avec un corps indestructible et
rayonnant de lumière, là où Jésus est
injurié par des moqueurs, les anges chanteront sa louange ; là où on lui
donne du vinaigre, lui servira le vin nouveau de l’alliance – le meilleur,
celui des noces de Cana. Et c’est pourquoi Jésus peut dire au larron, alors
qu’il est sur la croix, complément meurtri et aux portes de la mort :
« Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis ».
N'oublions
pas cette leçon : par son Esprit Saint, Dieu réalise déjà dans le monde
son royaume qui vient, et qui se manifeste dans l’Église, ses sacrements, son
enseignement, sa communauté ; et en même temps, lorsque le chrétien est
persécuté, lui qui par son baptême est semblable à Jésus, alors toutes ses
souffrances doivent être vues en miroir inversé : la croix n’est pas un
signe de mort, mais le trône de gloire de Jésus. C’est le message des
Béatitudes : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ;
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à
eux ».