Sg
4,7-15 ; Ps 142 ; Mt 11,25-30
Chers
frères et sœurs,
Pourquoi
avoir choisi cet évangile, que nous avons entendu, pour ce jour de
commémoration de nos défunts ?
D’abord,
peut-être, parce qu’il exprime particulièrement l’affection que nous porte
Jésus, surtout lorsque nous sommes lourdement affligés : « Venez à
moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai
le repos. […] Je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez le repos pour votre âme. » Eh oui, nous le savons bien,
lorsque nous portons une trop lourde croix, il arrive que nous en perdions
jusqu’au sommeil et que – écrasés – nous ne trouvions ni apaisement ni issue à
nos angoisses. Jésus nous dit aujourd’hui : « Moi, je te tiens par la
main. Ne lâche pas ma main. Et je te conduirai à lumière et à la paix – et même
si cela te paraît aussi impossible – jusqu’à la joie. »
Ensuite,
Jésus nous apprend autre chose, qu’il énonce de manière un peu
mystérieuse : « Personne ne connaît le Fils, sinon le Père ;
et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le
révéler. » Chers frères et sœurs, nous avons dans cette phrase de
Jésus une clé essentielle pour comprendre l’articulation entre l’Ancien et le
Nouveau Testament, pour comprendre la relation entre Dieu et l’homme, pour
comprendre comment Dieu se révèle à l’homme, et comment l’homme peut lire le
mystère de sa propre histoire à la lumière de Dieu.
Pour
rester le plus simple possible, disons qu’à travers cette phrase Jésus nous
apprend deux choses :
La
première, est qu’il n’y a de lumière dans les obscurités de ce monde qu’avec le
temps. Nous n’obtenons rien, nous ne comprenons rien dans l’immédiateté de
l’instant, que nous subissons. Mais il nous est donné de comprendre, de trouver
une explication, une libération, une réconciliation dans un second temps, plus
tard, quand Jésus le veut. C’est ce que dit Jésus.
Il
y a d’abord le « temps du Père » – temps du Dieu mystérieux – temps
de l’Ancien Testament, où nous sommes placés devant le mystère
incompréhensible, parfois insoutenable, où la lumière du Fils Jésus demeure
cachée : « Personne ne connaît le Fils sinon le Père. »
Ensuite,
il y a le second temps, le « temps du Fils », le temps du Nouveau
Testament, où quand il le juge opportun, Jésus nous envoie son Esprit Saint,
celui qui nous révèle à travers lui Jésus – alors rendu visible – qui est le
Père. Jésus lève alors enfin le voile du grand mystère. C’est le second temps
où le mystère et l’obscurité d’hier deviennent aujourd’hui intelligence et
lumière : « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à
qui le Fils veut le révéler. »
Cela
veut dire que le départ parfois brutal et l’absence douloureuse de nos défunts,
par l’Esprit de Jésus, non seulement trouveront un sens mais aussi deviendront communion
lumineuse, paisible et joyeuse, pour l’éternité.
Il
est donc vital pour nous de prier intensément Jésus de se pencher sur nous et
surtout de nous donner son Esprit Saint. Alors seulement nous serons consolés
et guéris.
Il
est une seconde chose, que nous apprend Jésus par cette phrase étonnante :
« Personne ne connaît le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît
le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. »
C’est que dans le premier temps où nous ne voyons que mystère, ténèbres et
incompréhension, Jésus est caché – la lumière est cachée – mais elle n’est
jamais absente. Toujours, Jésus est là. Toujours. Y compris dans les heures les
plus sombres de notre vie. Il est là comme le grain de Sénevé, invisible,
minuscule, oublié, inconnu, fragile et innocent. Mais, avec l’Esprit Saint, ce
grain grandit, s’étend, porte du fruit, bien plus que toutes les autres
plantes potagères. « Tu étais là, Seigneur ? et je ne le voyais
pas ! Et maintenant, tu remplis tout l’espace, et tout s’éclaire, et tout
s’explique. »
Ainsi
donc, chers frères et sœurs, lorsque nous sommes confrontés au départ de nos
proches et aux ténèbres qui tombent sur nous, souvenons-nous des paroles de
Jésus. Ses paroles apaisantes d’abord, mais aussi son enseignement spirituel
: il y a un temps pour tout. Il y a un
temps pour la nuit et un temps pour le jour, un temps pour la mort et un temps
pour la vie, un temps pour le désespoir et un temps pour l’explosion de joie.
Et même dans le désespoir, dans la mort, dans la nuit, Jésus est là comme une petite
étoile qui scintille, qui annonce sa justice : les retrouvailles dans la
lumière, la paix et la joie, tous ensemble, pour l’éternité.