Dn
12,1-3 ; Ps 15 ; Hb 10,11-14.18 ; Mc 13,24-32
Chers
frères et sœurs,
Comme
vous le savez, le temps liturgique nous fait revivre chaque année toute
l’histoire de la vie terrestre de Jésus, et même toute l’histoire de l’univers.
En ce moment, nous arrivons presque à la fin des deux cycles : dimanche
prochain sera celui du Christ Roi de l’univers, où tout sera accompli. Jésus –
et nous en lui – sera glorifié dans les cieux, et l’univers sera entièrement
renouvelé. Ce sera alors l’avènement d’une création nouvelle où nous serons
tout en tous, dans la lumière, la paix et la joie.
Aujourd’hui
nous sommes à l’étape juste avant : Jésus se manifeste au monde. C’est
l’heure du jugement ; c’est l’heure du rassemblement des justes ;
c’est l’heure de l’écroulement du monde ancien. Comme on le dit souvent, de
manière un peu rapide, c’est l’heure de l’Apocalypse. Cependant, nous autres
chrétiens, nous devons comprendre ces choses avec intelligence.
D’abord
« apocalypse » ne signifie pas « fin du monde » mais
« révélation ». Une apocalypse est une révélation des choses cachées.
Par exemple, le livre de Daniel est une apocalypse : il s’agit de révéler,
d’expliquer, aux israélites du IIème siècle avant Jésus, le sens des
persécutions qu’ils vivent, alors qu’ils sont en guerre contre les Grecs. On
est à l’époque des frères Maccabées, qui restaurent le royaume d’Israël, sa Loi
et son culte, en se libérant de leurs envahisseurs et de leur domination
culturelle. Le livre de Daniel raconte ainsi une histoire du monde pour mieux comprendre
le sens du temps présent, et il annonce la venue du Messie libérateur qui –
chose nouvelle – ne régnera pas seulement sur Israël, mais aussi sur toutes les
nations. Ce Messie, qui est Fils de Dieu, est en même temps le Fils de l’Homme.
On a bien compris, nous les chrétiens, qu’il s’agit de Jésus.
Il
n’est donc pas étonnant de retrouver dans la bouche de Jésus des références au
livre de Daniel : « Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans
les nuées avec grande puissance et avec gloire. » Jésus parle de
lui-même et de sa venue. Il nous annonce que cette heure est proche, mais que
nul n’en connaît le jour, sinon le Père. Saint Éphrem, le grand théologien des
Églises orientales, disait que ce jeu entre « tout proche » et
« nul n’en connaît le jour » permettait à toutes les
générations de chrétiens d’attendre ce jour-là de son vivant – et de le désirer
même – jusqu’à ce qu’il arrive réellement. Ainsi tous peuvent penser que le
monde s’écroule de son temps – aujourd’hui on parle d’effondrement – mais que
le Messie sauveur viendra et nous libérera. Ce jeu entre « tout
proche » et « nul n’en connaît le jour » permet d’aviver en nous la
foi, et surtout l’espérance.
Mais
l’enseignement de Jésus ne serait-il pas pour nous, au fond, qu’une belle carotte ;
une promesse présidentielle ; un vœu du nouvel an ? En fait,
c’est plus simple et plus compliqué que cela. Car l’Heure de Jésus, en réalité,
a déjà commencé, depuis sa résurrection, et surtout depuis la Pentecôte. Regardez :
- « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et
la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les
puissances célestes seront ébranlées. » Cette phrase s’est réalisée en
partie lors de la Passion et de la mort de Jésus où le soleil s’est obscurci et
où la terre a été ébranlée. De même lors de sa résurrection, il y a un
tremblement de terre.
- « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans
les nuées avec grande puissance et avec gloire. » Ils ont vu Jésus
avec puissance et gloire ceux qui l’ont vu ressuscité, et lorsqu’il est monté
aux cieux dans les nuées lors de l’Ascension.
- « Il enverra les anges
pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la
terre jusqu’à l’extrémité du ciel. » Depuis la Pentecôte, les Apôtres
et leurs successeurs évangélisent le monde et rassemblent dans l’Église les
baptisés de partout et de toujours.
Ainsi donc, l’Église – et la proclamation
publique de la mort et de la résurrection de Jésus – sont le signe que l’Heure
du Fils de l’Homme est arrivée. Nous sommes non seulement dedans, mais nous en
sommes aussi le signe et les acteurs. Là où se trouve un chrétien, Jésus
glorieux est proche et l’univers est déjà en train d’être recréé. De cette
recréation de la matière, les sacrements en sont non seulement le signe mais
aussi la réalité : le pain et le vin qui deviennent le Corps et le Sang de
Jésus, par exemple. Ce sont déjà des réalités de l’univers nouveau. On est
entre-deux, entre l’ancien et le nouveau. Nous appartenons, nous chrétiens, aux
deux.
Finalement,
chers frères et sœurs, Jésus avait raison quand il a dit : « Cette
génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. » De fait,
cela a commencé dès la Pentecôte. Mais comme pour Dieu un jour est comme mille
ans et mille ans comme un jour, l’Heure n’a pas d’heure : elle est en même
temps maintenant, tout le temps, hier et demain. Elle est quand l’Esprit saint
nous couvre de son ombre pour faire de nous et avec nous toutes choses
nouvelles.
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