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S 7, 1-5.8b-12.14a.16 ; Ps 88 ; Rm 16,25-27 ; Lc 1,26-38
Chers
frères et sœurs,
Nous
avons entendu et nous aimons toujours entendre le récit de l’Annonciation. Peut-être
parce que la rencontre entre la jeune fille et l’ange nous émerveille ;
peut-être aussi parce que nous sentons spirituellement qu’à ce moment même se
joue notre propre salut, notre propre bonheur. En effet, du seul « oui »
de Marie dépendent la réalisation de la foi des Patriarches et l’accomplissement
des prophéties, l’Incarnation du Verbe de Dieu, sa prédication évangélique, sa
Passion et sa Résurrection, son Ascension dans la gloire et le don de l’Esprit
Saint pour le salut du monde.
Saint
Bernard s’écriait dans un de ses sermons : « Ta réponse, ô douce
Vierge, Adam l’implore tout en larmes, exilé qu’il est du paradis avec sa
malheureuse descendance ; il l’implore, Abraham, il l’implore, David, ils
la réclament tous instamment, les autres patriarches, tes ancêtres, qui
habitent eux aussi au pays de l’ombre de la mort. Cette réponse, le monde
entier l’attend, prosterné à tes genoux. Et ce n’est pas sans raison, puisque
de ta parole dépendent le soulagement des malheureux, le rachat des captifs, la
délivrance des condamnés, le salut enfin de tous les fils d’Adam, de ta race
entière. »
Voilà
l’instant incroyable où, comme sur une tête d’épingle dans l’immensité du temps,
le plan de Dieu et le bonheur de l’humanité dépendent tous les deux de la seule
réponse de la Vierge Marie. Voilà une preuve manifeste du grand amour avec
lequel Dieu nous a créé à son image : libres comme lui. Libres pour faire
du mal, mais libres aussi pour faire du bien.
Saint
Luc aime parler de la Vierge Marie dans son Évangile. C’est lui qui nous donne
le plus de détails sur elle, sur ses paroles. Comme s’il avait eu la chance de
pouvoir la rencontrer, parler avec elle de son histoire, de celle de Jésus,
pour nous les faire connaître comme de l’intérieur. Et de fait, qui est-il donc
dans la maison lors de la rencontre de Marie et de l’Ange ? Un
journaliste ? Un espion ? Une caméra cachée ? Saint Luc a-t-il
inventé cette scène, comme on écrit un roman ? Non : le seul moyen
pour qu’il ait eu connaissance de l’Annonciation, et nous grâce à lui, c’est
que c’est Marie elle-même qui la lui a racontée.
Il
y a un point sur lequel les incrédules achoppent toujours à propos de la Vierge
Marie. C’est justement sa virginité. Qu’elle le soit avant son mariage, ce
n’est guère étonnant, surtout dans son milieu et à son époque. Mais qu’elle le
demeure ensuite, voilà qui paraît bien surprenant. Tous les naturalistes et les
scientistes vous le diront : qu’elle ait conçu et enfanté Jésus en
demeurant vierge, voilà qui est impossible.
Revenons
au dialogue entre Marie et l’ange. Celui-ci lui dit : « Voici que
tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus »
et « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père. »
Or Marie lui objecte : « Comment cela va-t-il se faire puisque je
ne connais pas d’homme ? » Pour une jeune fiancée qui va se
marier à un descendant de David, il n’y a rien de plus naturel que de penser
que l’enfant en question sera bien un fils de Joseph, son époux, lui-même
descendant de David. Pourquoi donc répond-elle qu’elle « ne connaît pas
d’homme » ? La traduction est confuse ; en réalité elle
répond : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connaîtrais
pas d’homme ? » Marie, en effet, avant même son mariage avec Joseph
avait fait vœu de demeurer vierge, consacrée tout entière au Seigneur.
Or
cette possibilité pour une femme est prévue dans la Loi de Moïse. Si le fiancé
ne dénonce pas cette disposition de sa fiancée, alors il est tenu de la
respecter. Cela se trouve au chapitre 30 du livre des Nombres : « Si
elle appartient à un homme par le mariage et si elle est liée par des vœux
qu’elle s’est imposés ou qu’elle a tenu des propos inconsidérés qui l’obligent
elle-même, et que son mari apprenne cela, si, le jour même où il l’apprend, il
ne lui dit rien, alors ses vœux restent valides et l’engagement qui l’oblige
elle-même reste valide. » Voilà donc la raison de l’objection de Marie
à l’ange et pourquoi on l’appelle toujours la Vierge Marie.
Alors
il faut bien comprendre que la conception de Jésus dans le sein de Marie est
vraiment un nouveau geste créateur. De la même manière que, par sa Parole, au
commencement, Dieu a tout créé à partir de rien ; par l’Esprit Saint, il a
suscité la vie en Marie ; et de cette même manière il a ressuscité Jésus
d’entre les morts pour une vie nouvelle et éternelle. Et il en sera de même
pour nous, le moment venu. Dieu ne cesse pas de créer : il n’y a rien qui
lui soit impossible. La foi de Marie a cru cela : « Voici la servante
du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » et elle est
devenue pour nous la Maison de Dieu promise autrefois à David, par
l’intermédiaire du prophète Nathan.