dimanche 17 décembre 2023

16-17 décembre 2023 - BOURGUIGNON-lès-LA CHARITE - ARC-lès-GRAY - 3ème dimanche de l'Avent - Année B

 Is 61, 1-2a.10-11 ; Ct Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54 ; 1 Th 5, 16-24, Jn 1, 6-8.19-28
 

Chers frères et sœurs,
 
Dans sa lettre, Paul recommande aux Thessaloniciens de ne pas mépriser les prophéties. Si nous voulons comprendre ce qu’il se passe au bord du Jourdain entre les envoyés de Jérusalem et Jean le Baptiste, il faut en effet y revenir.
 
La prophétie fondamentale est celle de Jérémie, qui annonce, à son chapitre 25, qu’il se passera 70 ans entre la chute de Jérusalem et son relèvement. Cette prophétie est interprétée par le prophète Daniel, à son chapitre 9, où les 70 ans sont en fait 70 années sabbatiques.
Une année sabbatique, selon la Loi, a lieu tous les sept ans : remise des dettes, libération des esclaves hébreux, mise en jachère des terres et de la vigne, pour que la nature se repose. Comme le sabbat est le repos de Dieu et de l’homme au septième jour, l’année sabbatique est un repos pour toute la société et pour la nature.
Une année jubilaire correspond au calcul de 7 x 7 ans = 49 ans. C’est une super-année sabbatique. À son sujet, la Loi dit : «  Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. » L’année jubilaire est une remise à zéro, un grand remembrement, ou chacun retrouve ses terres, même si elles ont été louées, hypothéquées ou vendues, comme si on venait à nouveau d’entrer en Terre promise : on refait le partage.
Or, Daniel fixe le super Jubilé correspondant au relèvement de la gloire de Jérusalem en comptant 7 x 70 années sabbatiques, soit 490 ans, à compter de l’ordre du roi Artaxerxés à Esdras d’y revenir pour la rebâtir. Si l’ordre d’Artaxerxés a bien été donné en 458 avant Jésus-Christ, à l’occasion d’une première année sabbatique, alors le Jubilé prophétisé par Jérémie et Daniel tombe en 26 ou 27 après-Jésus Christ, c’est-à-dire juste à l’époque où Jean-Baptiste se met à crier dans le désert : « Redressez le chemin du Seigneur » et à annoncer l’avènement du Royaume des Cieux, en appelant les gens à se convertir et à se faire baptiser.
Et on comprend la stupeur des juifs présents dans la synagogue de Nazareth quand Jésus, ouvrant intentionnellement le livre d’Isaïe, lit tranquillement : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. » L’année de Bienfaits accordée par le Seigneur – tout le monde le sait – c’est la fameuse année Jubilaire.
 
Voilà donc le problème des prêtres et des lévites envoyés auprès de Jean : si tout le monde est d’accord pour que la super année jubilaire annoncée par Daniel, qui annonce le relèvement de Jérusalem tombe maintenant, alors est-ce que Jean le Baptiste est lui-même le Christ ? Ou bien est-il Elie, qui selon la prophétie de Malachie, doit revenir pour préparer la venue du Christ ? Ou bien est-il comme le prophète Élisée, le disciple d’Elie, qui envoie Naaman le général lépreux se baigner dans le Jourdain pour retrouver sa pureté ? Est-il le Prophète annoncé par Moïse « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez. » Bref, est-ce que le moment tant attendu et redouté est arrivé ?
 
On aurait pu croire que Jean-Baptiste, habillé comme un chameau, était un huluberlu. Mais à Jérusalem, on ne le prend pas du tout pour un huluberlu. Personne n’a oublié sa naissance miraculeuse de deux parents âgés, comme Isaac, fils d’Abraham et de Sarah ; que Zacharie son père est prêtre du Temple de Jérusalem, descendant d’Aaron, comme Elisabeth, sa mère. Jean est donc lui-même un prêtre ; personne n’a oublié que son nom est Jean, et non pas Zacharie, comme son Père, et que, quand on change de nom, c’est que Dieu a donné une vocation spéciale. Jean signifie « Dieu fait grâce ». Son nom correspond à sa mission d’annoncer « l’année de grâce accordée par le Seigneur » lue par Jésus dans les prophéties d’Isaïe.
En fait, quand l’évangile dit que « les juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites », il ne faut pas comprendre les « juifs » au sens d’aujourd’hui, qui regroupe l’ensemble des fils d’Israël, mais les « judéens », c’est-à-dire soit les descendants de la tribu de Juda, soit les habitants du territoire de cette tribu, la Judée, dont Jérusalem est la capitale. En somme ce sont les gardiens de Jérusalem, les Judéens, qui demandent aux prêtres et aux lévites, c’est-à-dire à la tribu dont Jean-Baptiste est membre, de voir ce qu’il en est. C’est normal, à l’époque, on appartient d’abord à son clan, et donc, Jean-Baptiste n’est pas ici face à des étrangers ou des intrus, mais face aux membres de sa propre famille, en quelque sorte. D’ailleurs, ils n’insistent pas.
La question des pharisiens va plus loin. La traduction de la phrase « Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens » n’est pas évidente. Soit il s’agit de certains des prêtres et des lévites ayant adopté la spiritualité des pharisiens ; soit il s’agit d’autres envoyés, de la part des pharisiens, c’est-à-dire des scribes ou des docteurs de la Loi. Ce ne sont pas les mêmes. La question porte sur le baptême. Et là Jean répond que lui-même n’est qu’un signe, baptisant dans le Jourdain, tandis que Jésus lui va baptiser en réalité, dans l’Esprit Saint, et accomplir le véritable pardon, la libération véritable, et rendre à Jérusalem sa gloire véritable.
 
Voilà pourquoi ce jour est un jour de joie, et que Marie – elle qui est Jérusalem en personne – peut à bon droit chanter : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. »

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