Is
40, 1-5.9-11 ; Ps, 84 ; 2P 3,8-14 ; Mc 1,1-8
Chers
frères et sœurs,
L’évangile
de Marc se caractérise par sa sobriété : pas un mot de trop, il va à
l’essentiel, ici pour comprendre qui est Jean, mais surtout qui est Jésus. Déjà,
en trois paragraphes Marc plante le décor : son témoignage annonce la
Bonne Nouvelle – l’Évangile – de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Jésus, le Sauveur
tant attendu, qui est Dieu (en tant que Fils de Dieu), est lui-même la
Bonne Nouvelle. L’Évangile n’est pas un message : c’est une personne ;
l’Évangile, la Bonne Nouvelle, c’est Jésus lui-même.
Au
second paragraphe, Marc fait intervenir les prophéties de l’Écriture :
Isaïe, mais pas seulement, même s’il ne le dit pas : Malachie aussi.
L’Évangile a été annoncé par les Écritures – l’Ancien Testament. On ne peut pas
comprendre l’Évangile si on ne se réfère pas aux Écritures : elles en sont
la clé. Inversement, la réalisation des prophéties des Écritures est bien
l’Évangile.
Et
d’ailleurs, troisième paragraphe, l’apparition de la figure de Jean comme
réalisation des prophéties d’Isaïe et de Malachie, légitime Jean comme prophète
authentique, et démontre que les prophéties des Écritures ne sont pas du
vent : elles correspondent à une réalité très concrète.
Tout
ceci pour dire que ce Jésus qui vient, ne peut se comprendre qu’à la lumière de
l’Ancien Testament et à celle de l’histoire de sa vie réelle, historique.
Justement, le témoignage de Marc est une exposition de Jésus au croisement de
ces deux sources essentielles. Nous sommes prévenus : il faut toujours y
revenir.
La
mission de Jean Baptiste est d’« ouvrir » le chemin du Seigneur. Les
traductions sont variables. On peut aussi comprendre qu’il vient « aplanir,
réparer, rétablir, restaurer » le chemin du Seigneur. Jean ne vient donc
pas apporter du nouveau, il vient plutôt redresser ce qui existe mais qui est
déformé. C’est pourquoi il prêche un baptême de conversion pour le pardon des
péchés. Le baptême rappelle deux franchissements de grandes eaux : celui
de la Mer Rouge, libération de l’esclavage, et celui du Jourdain, entrée dans
la Terre Promise. Dans les deux cas, et dans le cas du baptême de Jean, la
bonne nouvelle est que, par ces franchissement, le Seigneur rend une vie
nouvelle et sainte possible. Franchir la Mer Rouge ou le Jourdain, ou recevoir
le baptême, est un temps de grâce : un rayon de lumière dans une vie
obscure. Mais bien sûr, encore fallait-il l’accepter et le vouloir, ce rayon de
grâce : les gens de Judée et de Jérusalem descendaient des montagnes et
s’abaissaient à reconnaître publiquement leurs péchés. C’est par l’humilité et
la reconnaissance de sa pauvreté qu’on est libéré et qu’on reçoit la vie
nouvelle. Plus que de se débarrasser de tel ou tel boulet, c’est la conversion
du cœur qui est la plus essentielle. Et c’est bien ce que vise la mission de
Jean : préparer la voie du Seigneur, c’est préparer le cœur des hommes.
Quand le Seigneur chasse l’obscurité de la Maison, c’est pour l’illuminer et la
remplir de la lumière de sa Gloire, de son amour et de sa paix.
Jean
précise que Jésus est « plus fort » que lui. En effet, si Jean
prépare le cœur des hommes à recevoir le Seigneur, Jésus, lui, va préparer
l’humanité tout entière et la création tout entière à recevoir l’Esprit Saint, celui
qui va les transformer en humanité nouvelle et en création nouvelle : la
communion des Saints dans la Gloire de Dieu. Jésus est vraiment « plus
fort » que Jean !
Un
dernier point. Pourquoi Marc s’attarde-t-il à décrire la tenue et le menu de
Jean ? Ce n’est pas pour nous distraire – c’est que c’est essentiel !
Jean
est habillé comme un chameau – « gamal » en hébreu – ce qui veut dire
« réservoir d’eau ». En effet, comme le chameau dans le désert porte
en lui l’eau si vitale, Jean porte en lui l’Esprit Saint qui permet tenir dans
le désert spirituel et humain du monde présent.
Il
porte une ceinture de cuir autour des reins, signe double. D’abord signe de
force : Jean mène une vie sainte, parce qu’il est rempli de la force de
Dieu et qu’il lui est fidèle. Ensuite, signe de mouvement : celui qui
ceint ses reins est celui qui part en voyage. Ainsi, Jean lui-même marche sur
la voie du Seigneur avec assurance. Mais plus encore, pour n’importe quel Juif,
la tenue de Jean rappelle immédiatement celle du prophète Élie : « C’était
un homme portant un vêtement de poils et une ceinture de cuir autour des reins. »
lit-on au second Livre des Rois. Jean est le nouvel Élie. Or le retour d’Élie
est LE signe de la venue du Messie. On pourrait ajouter encore que la ceinture fait
partie des vêtements caractéristiques du Grand prêtre. Jésus se ceint d’un
linge au moment de la dernière Cène, avant de laver les pieds de ses disciples
et de faire l’offrande. Tout cela n’échappe pas à l’œil averti.
Mais
enfin, et pour terminer : le menu – sauterelles et miel sauvage. Les
sauterelles agrémentent habituellement les repas des bédouins, comme les
crevettes ceux des Bretons – elles sont d’ailleurs pleines de vitamines. Mais
surtout, les sauterelles – toujours en multitude – sont synonymes de
dévastation des récoltes. Ainsi Jean se nourrit-il avec amertume de ces
épreuves infinies que connaissent les hommes. Il les connaît et il les porte, comme
Jésus va porter sa croix. C’est son ascèse. Mais Jean mange aussi du miel
sauvage. Au contraire des sauterelles, qui est un plat du désert, le lait et le
miel sont au menu en Terre promise. Le miel est le signe du réconfort, de la
paix et de la fête. Il est une nourriture de joie. Parce que –
« Debora » – le miel en hébreu – signifie la Sagesse et la Parole de
Dieu. Ainsi donc, Jean-Baptiste mange, amer, les péchés du monde, mais il goûte
aussi avec délice à la Parole de Dieu.
Voilà
donc, chers frères et sœurs, un petit aperçu concernant Jean-Baptiste et, à
travers lui, sur celui qui est « plus fort » que lui : le
Christ Jésus, notre Dieu et notre Sauveur.