lundi 30 octobre 2023

29 octobre 2023 - AUTREY-lès-GRAY - 30ème dimanche TO - Année A

 Ex 22,20-26 ; Ps 17 ; 1Th 1,5c-10 ; Mt 22,34-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Depuis quelques dimanches déjà, nous voyons Jésus aux prises avec les sadducéens, les pharisiens, les Hérodiens… bref toutes sortes d’autorités constituées en Israël chargées de faire produire à la vigne son fruit – c’est-à-dire de faire rayonner le Peuple de Dieu de sainteté.
Pour autant ces controverses sont présentées par saint Matthieu comme des mises à l’épreuves, des tentations, pour Jésus. Ses interlocuteurs cherchent en effet, avec plus ou moins d’hypocrisie, à le faire tomber. De fait, ils agissent comme le démon qui tentait Jésus au désert, après son baptême. Et Jésus lui répondait avec la Parole de Dieu, en citant les Écritures. Il en va de même ici.
Vous connaissez le jeu du tir à la corde, où deux équipes tirent chacune une corde à un bout. Une tactique possible est de tirer fortement, puis d’un coup relâcher la tension pour déséquilibrer l’équipe adverse, et tirer de nouveau pour remporter la victoire. C’est exactement ce que va faire Jésus avec son interlocuteur pharisien.
 
Ce dernier est présenté comme un docteur de la « Loi », au sens strict, c’est-à-dire du Pentateuque : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. De ce point de vue, c’est un docteur de la Loi tout à fait orthodoxe, qui convient également aux Sadducéens, aux Esséniens, et même d’un certain point de vue aux Samaritains. Le Pentateuque, en effet, est le socle commun à tous les juifs, quelles que soient ensuite leurs particularités et leurs divergences sur l’usage des autres livres des Écritures.
De ce fait, dans sa réponse, Jésus est lui-aussi parfaitement orthodoxe : il cite le Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » ; et le Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » La réponse convient donc non seulement au docteur de la Loi mais aussi à n’importe quel Juif. Dans les évangiles parallèles de Marc et de Luc, dans un cas le docteur de la Loi s’écrie : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai ! » ; et dans l’autre c’est le docteur de la Loi lui-même qui fait la même réponse que Jésus, tandis que Jésus l’interrogeait sur ce que disait la Loi pour accéder à la vie éternelle.
Saint Irénée de Lyon tirait de cet accord fondamental entre juifs et chrétiens qu’il y a un seul et même auteur de la Loi et de l’Évangile : « Les commandements essentiels de la vie, du fait qu’ils sont les mêmes de part et d’autre – disait-il –, manifestent en effet le même Seigneur : car, s’il a édicté des commandements particuliers adaptés à l’une et l’autre alliance, pour ce qui est des commandements universels et les plus importants, sans lesquels il n’est pas de salut, ce sont les mêmes qu’il a proposé de part et d’autre. » Et saint Éphrem le Syrien nous dit en une ligne pourquoi ces commandements sont universels et essentiels pour le salut de tous : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain comme toi-même. L’amour de Dieu nous épargne la mort, et l’amour de l’homme, le péché ; car personne ne pèche contre celui qu’il aime. »
 
Nous comprenons donc que le docteur de la Loi et Jésus nous ont conduit au cœur de ce qui doit faire notre relation avec Dieu et avec notre prochain, pour pouvoir entrer dans la vie éternelle. Mais – et c’est là que Jésus va surprendre le docteur de la Loi, qui ne l’oublions pas est aussi un pharisien – Jésus ajoute : « De ces deux commandements, dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. » Dans l’araméen le mot « Loi » est ici plus large que celui employé dans l’expression « docteur de la Loi ». Au sens strict, je l’ai dit tout à l’heure, la Loi se limite aux cinq livres du Pentateuque – qui est la « Loi écrite », mais au sens large comme le dit maintenant Jésus, la Loi s’étend aussi à la « Loi orale » qu’enseignaient les pharisiens mais que refusaient les sadducéens, par exemple. Et avec la Loi orale, Jésus ajoute les Prophètes. Autrement dit, il affirme que les deux commandements de l’amour de Dieu et du prochain sont comme l’âme ou la colonne vertébrale de toutes les Écritures, de tout l’enseignement religieux d’Israël et sa mise en pratique. Et cela ne peut que plaire à son interlocuteur pharisien, à sa très grande surprise !
 
Là où il croyait coincer Jésus, le pharisien se retrouve donc retourné comme une crêpe, puisque Jésus lui donne sa bénédiction. Ce que Jésus reproche aux pharisiens – ce pourquoi il les traite d’hypocrites – c’est qu’ils ont souvent tendance à appliquer la Loi dans sa lettre mais pas dans son esprit, qui nous l’avons vu, doit être toujours fondamentalement un amour de Dieu et du prochain. En fait, Jésus reproche aux pharisiens de manquer eux-mêmes souvent à leur propre fondement religieux.
Cependant, en définitive, il faut bien reconnaître que dans nos vies et nos pratiques religieuses, nous autres chrétiens, parfois nous ne sommes pas très loin de nos cousins pharisiens, lorsque nous oublions nous aussi l’appel universel de Dieu à la vie éternelle, et à la sainteté, dans son amour et celui du prochain. Pour tous, juifs ou chrétiens, il n’y a pas d’autre chemin.

Articles les plus consultés