Is
25,6-10a ; Ps 22 ; Ph 4,12-14.19-20 ; Mt 22,1-14
Chers
frères et sœurs,
L’enseignement
de Jésus est assez incisif. En effet, à la fin de la parabole, on peut
considérer qu’il y a trois catégories d’invités. La première est celle de ceux
qui refusent de venir à la noce pour mille et une raisons et qui, finalement,
s’en excluent eux-mêmes. C’est leur choix. La seconde est celle de ceux qui
répondent à l’invitation, qu’ils soient bons ou mauvais, et s’y présentent habillés
correctement avec un vêtement de noces : ceux-là peuvent s’y réjouir sans
limite. Et enfin, la troisième est celle de ceux qui ont également répondu à
l’invitation, mais qui s’y sont rendus sans le vêtement de noces. Ici joue le
critère d’accueil à la fête ou de son exclusion : ceux qui n’ont pas le
vêtement de noce sont renvoyés sans ménagement.
En
définitive, si tous sont invités aux réjouissances du Roi, chacun doit faire librement
deux pas : d’une part, accepter l’invitation et s’y rendre, et d’autre
part s’habiller avec un vêtement de noce.
Nous
avons bien compris que le Roi qui invite, c’est Dieu le Père qui nous invite tous
à nous réjouir avec lui, éternellement, dans la gloire de son Royaume, dans son
amour. Il le fait d’abord par les prophètes, qui sont les premiers serviteurs
envoyés au Peuple d’Israël, malheureusement ignorés, ou dénigrés, maltraités et
même tués. Il le fait aussi par les Apôtres et les missionnaires de l’Évangile.
Ceux-là sont les seconds serviteurs, qui vont aux croisées des chemins, inviter
tous les hommes, juifs et païens, bons et mauvais, jusqu’à ce que la salle des
noces soit remplie.
On
s’aperçoit donc que l’invitation à participer aux réjouissances est présentée
aux hommes tout au long de leur histoire, au temps de l’Ancien Testament comme
au temps du Nouveau – auquel nous appartenons nous-mêmes. Les hommes sont
libres d’y répondre ou non : c’est leur choix. Encore faut-il que les
serviteurs du Roi, juifs et chrétiens présentent bien aux hommes un carton
d’invitation valide, pas modifié ou sali par leurs propres mains : c’est-à-dire
que les hommes entendent bien l’appel de Dieu et non pas autre chose. Mais
c’est un autre problème, qui n’est pas sans importance.
Cependant,
tous ceux qui, de bonne foi, répondent à l’invitation pour se rendre au repas
de noces doivent s’y rendre correctement habillés. Il y a là un critère décisif
d’admission à la soirée. La question n’est pas de savoir si on est bon ou
mauvais, comprendre si on a le passeport de fils de Dieu ou si on ne l’a
pas ; les « bons » sont les fils de Dieu, les juifs et les
chrétiens ; les « mauvais » sont les autres : païens, athées
ou d’autres religions. Car le vrai critère n’est pas la carte d’identité mais
le vêtement. Il devient donc pour nous tous extrêmement important de bien
comprendre quel est ce fameux vêtement.
La
parabole de dimanche dernier peut nous aider. Aujourd’hui, nous avons un Roi
qui invite les hommes à son repas de réjouissance et qui est intéressé, en
définitive, par ce fameux vêtement de noces. Tandis que dimanche dernier, nous
avions un Maître de vigne, qui envoyait des serviteurs et même son Fils, pour
se faire remettre la récolte, le fruit de la vigne. Jésus conclue même la
parabole par cette phrase : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé
– disait-il aux grands prêtres et aux anciens - pour être donné à une
nation qui lui fera produire ses fruits. » Cette nation, c’est
l’Église, et son devoir – comme celui des grands prêtres et des anciens
d’Israël –, c’est de faire produire des fruits à la vigne. Ce sont ces fruits
qui intéressent le maître de la vigne. Le « vêtement de noces » et
les « fruits de la vigne » renvoient donc à la même réalité, celle
que nous cherchons à comprendre.
Dans
le langage de Jésus, des juifs et des premiers chrétiens, il est assez évident
que les « fruits de la vigne » correspondent aux œuvres
bonnes, celles d’une mise en pratique de la Loi : aimer Dieu et aimer son
prochain, pratiquer les dix commandements, mais aussi vivre les béatitudes…
vivre en hommes justes, être des hommes de paix. C’est d’ailleurs ce
qu’enseigne saint Irénée de Lyon. Écoutons-le : « [Le Seigneur] a
encore fait connaître que, en plus de l’appel, il nous faut être ornés des
œuvres de la justice pour que repose sur nous l’Esprit de Dieu. Car c’est lui
l’habit de noces […]. » Aussi bien, celui qui n’est pas revêtu du Saint
Esprit est écarté du festin des noces et « jeté pieds et poings liés
dans les ténèbres du dehors. »
En
effet, celui auquel s’adresse le Roi en l’appelant « mon ami »,
comme il a appelé « mon ami » le vigneron de la première heure
qui réclamait d’être mieux payé que ceux de la dernière heure, et comme il a
aussi appelé « mon ami » Judas qui venait de le trahir par un
baiser au Jardin des Oliviers… cet « ami » est celui qui est voué
aux ténèbres, le traître, le chef des anges apostats, le démon lui-même qui par
principe non seulement refuse l’Esprit Saint mais veut même le combattre, pour
sa propre perte.
Si
donc nous ne voulons pas être rangés dans cette catégorie peu recommandable et sans
avenir, il nous faut absolument acquérir l’Esprit Saint. C’est le but de notre
vie chrétienne, disait saint Séraphim de Sarov. Et c’est justement l’Esprit
Saint que Jésus nous a appris à demander dans notre prière : « Donne-nous
notre pain de ce jour. » Mais pas seulement le demander et le recevoir :
en vivre aussi, selon la parole de Jésus : « Heureux ceux qui
écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! », c’est-à-dire
la mettent en pratique. C’est ainsi que l’on donne de bons fruits en vue du
festin des noces de l’Agneau.