Is
5,1-7 ; Ps 79 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43
Chers
frères et sœurs,
La
signification de la parabole de Jésus est claire. Le Maître de la vigne, c’est
Dieu le Père ; sa vigne c’est son peuple Israël, mais qu’avec Jésus on
peut étendre à l’humanité ou à la création tout entière, qui a vocation à
devenir le Royaume des cieux. D’après saint Irénée de Lyon et saint Éphrem, la
clôture, c’est la Loi de Moïse, le pressoir c’est le Temple, et la tour de
garde, c’est Jérusalem. Les vignerons sont les prêtres et les anciens du
peuple. Et le Maître, c’est-à-dire Dieu le Père, attend le produit de sa vigne
c’est-à-dire la récolte.
En
Israël, la fête de la récolte c’est Soukkot : la fête des Tentes. C’est la
Fête par excellence qui anticipe le jour où tout Israël, mais aussi toutes les
nations, convergeront vers Jérusalem pour y adorer le Seigneur dans son Temple
et être favorisé par lui de ses bénédictions. Soukkot est une ascension vers
Dieu, dans sa gloire, pour recevoir de lui son Esprit Saint.
En
définitive, le problème ici est que les prêtres et les anciens semblent refuser
de remettre les fruits de la vigne au Maître, c’est-à-dire les louanges qui
reviennent légitimement à Dieu et qui sont portées à lui par ses serviteurs,
c’est-à-dire les anges. Prêtres et anciens refusent à Dieu l’adoration qui lui
est due.
De
ce fait, Dieu le Père envoie auprès de ces vignerons des serviteurs successifs.
J’ai évoqué les anges, mais dans l’esprit de Jésus, ce sont aussi les
prophètes : Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Amos… et aussi Jean-Baptiste. Tous
ont été persécutés ou tués. Le Père envoie alors son Fils Jésus, dont il espère
qu’ils le recevront avec égard.
Nous
voyons ici dans l’enseignement de Jésus qu’il n’est pas question de renverser
la clôture, détruire le pressoir ou la tour de garde, ni même de renvoyer les
vignerons, mais seulement de recevoir les fruits de la vigne. Dieu attend et
espère toujours que, par Jésus, les grands prêtres et les anciens se
convertiront pour que Israël et le monde, et la toute la création, produisent
leurs fruits d’adoration et de louange – pour la grande fête !
Mais
ceux-ci se saisissent du fils, le jettent hors de la vigne et le tuent. Jeté
hors de la vigne : c’est-à-dire condamné par la Loi, exclu du Temple et
expulsé de Jérusalem. Ainsi Jésus a-t-il été condamné par le Sanhédrin, banni
d’Israël, crucifié et enterré à l’extérieur des murs de la ville. Ici Jésus
prophétise ce qui va lui arriver bientôt.
Le
plus étonnant est que les grands prêtres et les anciens énoncent eux-mêmes leur
propre condamnation : « Ces misérables, le Maître les fera périr
misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons qui lui en remettront le
produit en temps voulu. » Jésus cite alors dans les Écritures le
psaume 117 où il est question de sa résurrection : « La pierre
qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre
du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! » et il annonce
l’Église : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à
une nation qui lui fera produire ses fruits. » À l’Église est confiée
la mission des vignerons : à elle d’entretenir la vigne et d’en présenter
les fruits pour le jour de la fête du Seigneur.
Nous
pouvons noter ici trois points utiles pour nous.
Le
premier a trait aux Écritures. Jésus dit aux prêtres et aux anciens :
« N’avez-vous jamais lu dans les Écritures » Pour les Juifs,
pour Jésus, pour les Apôtres et les évangélistes, les Écritures, ce sont
les livres de la Torah – Genèse, Exode, Lévitique, Nombre et Deutéronome –, les
livres des Prophètes, et les Psaumes. C’est ce que nous appelons maladroitement
l’Ancien Testament. Il n’y a pas d’autres Écritures. Ce que nous appelons le
Nouveau Testament, c’est l’Évangile de Jésus Christ, c’est-à-dire sa vie
et son enseignement, en quatre récits complémentaires, puis l’histoire des Actes
des Apôtres, le livre de l'Apocalypse et des lettres. Les Écritures
prophétisent l’Évangile et l’Évangile est la réalisation des Écritures.
Les deux vont ensemble et ne peuvent se lire et se comprendre qu’ensemble. D’ailleurs
le Maître de la vigne est le même maître de tous : des premiers vignerons,
des serviteurs, de son fils et des nouveaux vignerons. La vigne est toujours au
même endroit : elle est entourée d’un mur, équipée d’un pressoir et gardée
par une tour.
Justement,
et c’est mon deuxième point, l’Église a été comparée par les premiers chrétiens
à une construction, à un pressoir et à une tour. Baptisés, nous sommes les
pierres de la construction ; la croix est un pressoir d’où sort le sang de
Jésus – comprendre que le sacrifice de Jésus sur la Croix est la source de la grâce
du pardon et de la vie nouvelle – le vin nouveau. C’est justement ce sacrifice
que l’Église renouvelle sans cesse par la célébration de l’eucharistie. Et l’Église
est une tour vigilante, une ville nouvelle, qui défend contre les dangers du mauvais et protège la
paix de ce qui est bon. Je parle ici de l’Église véritable qui est celle des Apôtres
et des saints.
Ainsi
– troisième et dernier point – mesurons le fait que chacun de nous, en vertu de
son baptême, est un vigneron du Royaume. Il nous revient, par notre prière et
notre travail, de bonifier la vigne là où nous sommes, et d’en présenter les
fruits à notre Dieu, le jour prochain où il viendra, c’est-à-dire maintenant.