Ez
34, 11-12.15-17 ; Ps 22 ; 1 Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46
Chers
frères et sœurs,
La
fête du Christ, « Roi de l’Univers », sonne à des oreilles d’homme
occidental du XXIe siècle comme une prétention surréaliste, sinon
surannée, qui sent son XIXe siècle alors que bon nombre de
catholiques cherchaient à restaurer la royauté après la Révolution
française ! Mais le titre de « Roi de l’univers » accordé à
Jésus n’a rien à voir avec l’histoire de France : c’est dans les Écritures
qu’il faut chercher une explication !
Il
y a deux mentions du « Roi de l’univers » dans les Écritures.
Au livre de Tobie, qui – au retour de son voyage – bénit « le Seigneur
du Ciel et de la terre, le roi de l’Univers » ; et surtout au
livre de Ben Sira le Sage : « Seul le Seigneur sera reconnu juste,
il n’y en a pas d’autre que lui. Il tient le gouvernail du monde avec la paume
de sa main, tout obéit à sa volonté, car, par sa puissance, il est roi de
l’univers ; les choses saintes, il les sépare des profanes. »
Le roi
de l’univers est donc Dieu lui-même, qui est le créateur de toutes choses, et
qui en est aussi le juge, lui qui sépare ce qui est saint de ce qui est
profane. C’est-à-dire qu’il reconnaît ce qui est de lui, ce qui est saint, de
ce qui vient du mauvais et qui est destiné au néant – le profane.
Les
Écritures emploient aussi souvent l’expression « Seigneur de
l’Univers », notamment dans le Livre de Samuel, où la royauté de Dieu
est confiée à David. Mais la royauté terrestre de David est l’annonce et
l’image de la royauté céleste du Fils de David, Jésus. Ainsi Dieu fait la
promesse suivante à David : « Ainsi parle le Seigneur de l’univers :
C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le
chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé, j’ai abattu
devant toi tous tes ennemis. Je t’ai fait un nom aussi grand que celui des plus
grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l’y planterai,
il s’y établira et ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus
l’humilier, comme ils l’ont fait autrefois. »
Nous retrouvons ici la
prophétie du bon roi, ou du bon berger, le Fils de David, qui conduira le
peuple de Dieu vers le bon pâturage du ciel, les prés d’herbe fraîche dont
parle le Psaume.
Mais
le Peuple de Dieu attendait en David, ou dans le Fils de David, un homme qui
soit aussi roi comme Dieu lui-même, pas simplement son représentant. En effet, c’est
la fameuse vision du prophète Daniel, qui est tellement importante pour
comprendre qui est vraiment Jésus : « Je regardais, au cours des
visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils
d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il
lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les
nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une
domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne
sera pas détruite. »
Bien sûr, le « Vieillard » c’est
Dieu-le Père et le « Fils d’Homme », c’est Jésus. C’est exactement de
cette prophétie dont parle Saint Paul dans l’extrait de sa lettre aux
Corinthiens que nous avons entendu en seconde lecture.
Voilà
donc comment Jésus – toute référence politique mise à part – est vraiment le
« Roi de l’Univers », en tant que Berger du Peuple de Dieu, à l’image
de David, et en tant que Fils de l’Homme, celui à qui est remise toute royauté
dans les cieux. Et c’est lui qui est chargé de prendre soin des brebis, de
sanctifier le peuple, et d’en écarter ce qui est mauvais, ce qui est profane.
Il
est donc nécessaire d’avoir ces références à l’esprit quand on veut comprendre
l’Évangile de ce dimanche, où Jésus déclare : « Quand le Fils de
l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera
sur son trône de gloire. » – c’est la vision de Daniel. Et :
« Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les
hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs »
– c’est la double référence à David et à Ben Sira le Sage.
On
s’aperçoit alors que le jugement de Jésus se porte sur les gestes que les
hommes auront eus à l’égard des personnes affamées, assoiffées, nues, malades
et en prison. C’est sur ces gestes que porte le critère de la sainteté.
Pourquoi ?
Parce
que c’est ce que Jésus a fait pour nous, ce que Dieu a fait pour
l’homme par son Incarnation, sa mort et sa résurrection et son Ascension.
C’est Adam qui était dans la prison de la mort – Dieu l’a ressuscité. Il était
malade de son péché – Dieu l’en a guéri. Il était nu, ayant perdu le vêtement
de la gloire de Dieu – Dieu l’en a revêtu, l’élevant au-dessus des anges. Il
était affamé et assoiffé – Dieu l’a nourri au banquet des noces de
l’Agneau, par son Corps et par son Sang, Pain et Vin de la vie éternelle.
Voilà
ce que, par Jésus, Dieu a fait en grand pour l’homme. Et c’est pourquoi, quand
nous faisons ces gestes à l’égard d’autrui, modestement, à notre mesure, Dieu y
reconnaît les siens. Ce sont des gestes de bonté, de sainteté, des gestes
divins.
Je
termine par une observation de saint Irénée. Que pouvons-nous faire, nous les
hommes, pour remercier Dieu, notre roi et notre berger, d’avoir pris soin de
nous et de nous avoir sanctifiés ? À vrai dire pas grand-chose, car nous
sommes vraiment tout petits et nous ne possédons rien sinon ce que Dieu nous a
donné. C’est pourquoi – dit saint Irénée – Jésus nous a donné l’exemple de ces
gestes d’humanité comme gestes d’offrande pour le remercier de ses bienfaits.
Voilà qui est à notre portée et qui vient réellement de nous.
Nous faisons
preuve d’amour pour Dieu quand nous pratiquons l’amour à l’égard du prochain.
Et la perfection de l’amour, c’est la sainteté – la gloire des bienheureux.