Sg
6, 12-16 ; Ps 62 ; 1Th 4,13-18 ; Mt 25,1-13
Chers
frères et sœurs,
En
première lecture, nous comprenons qu’à travers sa parabole Jésus nous demande
d’être prévoyants en vue de sa venue. Celle-ci peut arriver à tout moment, même
si elle semble tarder, à tel point qu’on peut même s’endormir. La surprise n’en
sera que d’autant plus forte au réveil ! Que signifie alors l’huile si précieuse
pour alimenter nos lampes au moment de la venue du Christ ? Sans
grand risque, nous pouvons répondre : nos œuvres bonnes, notre vie sainte.
Et c’est bien cela.
Mais
cette lecture un peu rapide nous fait manquer quelques points importants de
l’enseignement de Jésus. Il ne s’agit pas pour lui de nous faire simplement une
leçon de morale. Comme d’habitude, pour bien comprendre l’Évangile, il faut le
lire en correspondance avec tous les autres passages de l’Évangile, et avec les
lunettes des Écritures, c’est-à-dire de l’Ancien Testament.
Rien
que le premier verset campe le tableau : il y est question de dix jeunes
filles, invitées aux noces de l’époux. Les versions anciennes de la Bible
disent plus précisément qu’il est question de dix vierges, invitées aux noces
du jeune marié, l’époux, et de la jeune mariée, l’épouse.
L’époux,
on le retrouve en saint Matthieu quand Jésus dit, parlant de ses
disciples : « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en
deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront
où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront » ; et en saint
Jean, Jean-Baptiste explique : « Celui à qui l’épouse appartient,
c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de
l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite. »
L’épouse,
nous la retrouvons dans l’Apocalypse : « Et la Ville sainte, la
Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête
pour les noces, comme une épouse parée pour son mari » et
encore : « Alors arriva l’un des sept anges aux sept coupes
remplies des sept derniers fléaux, et il me parla ainsi : « Viens, je te
montrerai la Femme, l’Épouse de l’Agneau. » En esprit, il m’emporta sur une
grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui
descendait du ciel, d’auprès de Dieu. »
Il
faut donc comprendre que Jésus est lui-même l’époux, et la Jérusalem nouvelle,
l’Église, est son épouse. Dans ce cas, les dix jeunes filles sont les figures
des nations, qui sont appelées à se joindre aux noces, mais pas sous n’importe
quelles conditions.
Précisons
d’abord de quelles noces il s’agit. La racine la plus ancienne du mot (en
araméen ou en hébreu) ne renvoie pas d’abord à une célébration nuptiale, à la
consommation d’un mariage, mais plutôt à une célébration, où l’on boit du bon vin :
c’est la fête. Ce sont les noces de Cana, par exemple. Or il est question de ces
noces annoncées par Dieu dans le livre du prophète Jérémie : « Les
chants d’allégresse et les chants de joie, le chant de l’époux et le chant de
l’épousée, le chant de ceux qui présentent le sacrifice d’action de grâce dans
la maison du Seigneur, en disant : « Rendez grâce au Seigneur de l’univers !
Oui, le Seigneur est bon : éternel est son amour ! » ».
Voilà de quoi
il est question : les noces sont la célébration d’un sacrifice d’action de
grâce pour la bonté du Seigneur. Pour un chrétien, il s’agit de l’Eucharistie,
tout simplement.
Alors,
de quelle huile s’agit-il, qui permet d’entrer dans la salle des noces, dans
l’Église, pour y offrir le sacrifice d’action de grâce, participer au banquet
des noces de l’Agneau ?
Les
versions grecques et araméennes ne parlent pas de vierges insouciantes
et prévoyantes, mais de vierges folles ou insensées, et de
vierges sages. Exactement comme on est fou ou insensé quand on construit
sa maison sur du sable, et sage quand on la construit sur le rocher. Bien
évidemment, le rocher c’est le Christ ou, pour un juif, c’est la Torah, la Loi
donnée par Dieu à Moïse. Ainsi donc, les jeunes filles dites prévoyantes, signifient
en réalité toutes les personnes qui fondent leur vie sur l’écoute de la Parole
de Dieu et qui, par sa mise en pratique, se constituent des réserves d’huile,
c’est-à-dire des fruits de sagesse, des bonnes œuvres. Tandis que les personnes
qui vivent sans écouter la Parole de Dieu, qui se laissent emporter à tous les
vents comme des girouettes, sont incapables de produire de bons fruits :
elles sont vides. Et quand le Seigneur vient, au bout de la nuit, c’est la
douche froide… il est trop tard.
Jésus
se montre grinçant quand il fait dire aux vierges folles qu’elle doivent aller en
catastrophe chez les marchands pour s’acheter de l’huile… et cela en pure perte
puisque la porte de la salle des noces demeure fermée. En effet, jamais
personne ne peut acheter de la sagesse avec de l’argent ! Jésus se moque
de ceux qui croient pouvoir s’acheter une place au ciel (ou dans l’Église) avec
de l’argent.
En
définitive, dans sa parabole Jésus nous enseigne que celui qui écoute sa Parole
et la met en pratique porte du fruit à travers une vie bonne et juste, éclairée
qu’elle est par la Sagesse. Celui-là – même s’il est d’origine païenne – a
accès à l’Église qui célèbre l’Eucharistie, le sacrifice d’action de grâce. Et
c’est là que l’offrande de toute sa vie illumine le banquet des noces de
l’Agneau.