Ez
34,11-12.15-17 ; Ps 22 ; 1Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46
Chers
frères et sœurs,
Il
est assez extraordinaire qu’il nous faille célébrer aujourd’hui, au XXIe
siècle en France, la solennité du Christ Roi de l’Univers, comme si nous étions
dans les catacombes au temps des persécutions !
Cet
état de fait montre parfaitement d’une part que la France n’est plus le pays
chrétien qu’elle a été autrefois : elle ne reconnait plus la royauté du
Christ au ciel et sur la terre. Et d’autre part – ce qu’il ne faut jamais
oublier – que cette royauté du Christ n’est pas de ce monde.
D’ailleurs,
nous retrouvons ici les tentations dont Jésus a été l’objet au désert :
adorer le Satan et devenir roi par délégation sur tous les royaumes de ce
monde, ou bien y renoncer pour le règne éternel de Dieu, qui seul doit être
adoré. C’est dans ce sens que Jésus avait pu dire : « Rendez à
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Ainsi,
nous ne devons pas nous étonner, ni nous offusquer, de ce que le monde ignore
le Christ Roi de l’Univers, dès lors qu’il ignore Dieu et son Règne. Tout
simplement nous pouvons le regretter et nous armer de courage pour lui annoncer
sans cesse la nouveauté et la libération de l’Évangile du Christ.
Car
le Règne de Dieu, où le Seigneur Jésus est Roi, est le Paradis des premiers
jours : ce monde divin pour lequel nous avons été voulus et créés, pour
notre bonheur. La Préface en donne les contours : « règne de vie et
de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de
paix ». Et nous avons chanté (autant que possible !) le psaume
22 : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur
des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. » Il s’agit bien du
Paradis.
Cependant,
par notre baptême, nous avons été agrégés à ce Royaume : nous en sommes
déjà ici et maintenant les sujets. Ceci signifie que si ce Royaume est à venir
– et nous l’attendons avec vigilance – il est aussi déjà là par l’Église, par
chacun de nous, pourvu qu’il ait le cœur tourné vers le Seigneur.
C’est
ainsi que la puissance de ce Royaume se fait déjà sentir dans le monde lorsque
nous accomplissons au nom de Jésus les gestes qu’il nous a demandés de
faire : nourrir, désaltérer, accueillir, habiller, soigner et visiter…
Nous
ne devons en pas en rester, à ce propos, à des gestes sécularisés, mais penser
qu’ils se rapportent à ce que fit Jésus pour l’homme pécheur, à Adam, le
premier et le plus petit d’entre tous : il est allé le visiter aux enfers
de la mort pour lui apporter la liberté de la Résurrection ; il est venu
le soigner par le pardon, lui qui était malade de son péché ; il l’a
habillé de blanc, du vêtement des Fils de Dieu, celui qui avait été chassé nu
du Paradis ; il l’a accueilli de nouveau au Paradis, comme il le fit pour
le bon Larron, celui qui était devenu un étranger ; il l’a désaltéré par
son Sang précieux, le vin nouveau des Noces qui réjouit le cœur de l’homme et
il l’a nourri de son Corps, en le servant à table, lui, Adam, qui avait eu
l’arrogance de se servir lui-même à l’arbre de vie.
C’est
ainsi que nos gestes très simples, très quotidiens, très humains, peuvent
recevoir à cette lumière une qualité divine, lorsqu’ils sont pratiqués dans
l’amour du Seigneur.
Chers
frères et sœurs, tel est Jésus Roi de l’Univers : celui par qui tout a été
créé et celui par qui tout a été sauvé et recréé pour la gloire de Dieu et le
salut du monde. Et nous pouvons déjà – en vertu de notre baptême – participer à
cette royauté par de simples gestes. Le monde ne peut pas le comprendre, mais
c’est pourtant à lui et pour lui que nous avons été envoyés. Ne nous
décourageons pas mais au contraire, réjouissons-nous d’être déjà participants
de la lumière.