Pr
31,10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 ; 1Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30
Chers
frères et sœurs,
Lorsque
nous lisons la lecture du Livre des Proverbes, où il est question de la femme
parfaite, nous pourrions être tentés de penser qu’il s’agit là d’une conception
de la femme assez archaïque et peu adaptée au monde actuel. Nous la voyons en
effet tisser la laine et le lin – c’est-à-dire faire des travaux d’intérieur –
et accomplir des gestes de charité, le tout dans un bel esprit de piété qui
transcende le nombre des années.
Mais
si nous avons entendu cette lecture, c’est parce qu’elle doit se comprendre en
lien avec l’évangile de ce jour, et le psaume. Or, dans l’évangile, il n’est
pas même question de femme. Qu’est-ce à dire ?
Nous
voyons, dans l’évangile, le Maître qui – avant de partir en voyage – confie des
biens à ses serviteurs : cinq talents pour certains, deux pour d’autres,
et un talent au dernier « à chacun selon ses capacités ». A
son retour il leur demande des comptes, attendant d’eux qu’ils aient fait
fructifier d’une manière ou d’une autre cet argent. Mais de quoi s’agit-il ?
La
popularité de la parabole a fait des talents des « talents »… c’est-à-dire des dons
personnels, artistiques, intellectuels, manuels, qu’il faudrait développer. Tel
n’est probablement pas le sens de la parabole.
Le
Maître, c’est le Seigneur Jésus, qui s’absente après son Ascension, avant de
revenir bientôt. Que confie-t-il à ses serviteurs, qui sont les apôtres et tous
les chrétiens, sinon le trésor le plus précieux à faire fructifier : les
sacrements. Pour les chrétiens orientaux, les talents sont ceux de
l’ordination : cinq pour un évêque, deux pour un prêtre, un pour un
diacre. Ce sont les sacrements, qui doivent faire grandir l’Église. Et lorsque
le Seigneur revient, il demande compte à ses serviteurs, ministres ordonnés
d’abord mais pas seulement, de l’usage qu’ils auront fait des sacrements qu’il
leur a confiés.
Nous
pouvons maintenant mieux comprendre le choix de la première lecture et celui du
psaume : la femme dont il est question, c’est l’Église. C’est l’Église
qui, dans la prière, tisse le Royaume des cieux, ajoutant maille après maille
de nouveaux croyants, partout dans le monde et dans tous les temps. Car
l’Église n’a pas d’âge et sa beauté est intérieure : c’est celle de la
grâce de Dieu. C’est l’Église aussi qui est généreuse et qui vient en aide à
tout homme dans le besoin. L’Église est l’épouse fidèle du Christ.
Bien
entendu, il n’y a pas plus saint modèle pour cette Église que la Bienheureuse
Vierge Marie elle-même. C’est pourquoi nous la voyons justement représentée –
lors de l’Annonciation – avec un fuseau dans les mains. Elle est cette femme
pieuse, travailleuse et bienfaitrice, la « femme parfaite » dont
parle le Livre des Proverbes.
Il
y a quelques leçons dans ces lectures à retenir pour notre temps.
La
première est que les dons de Dieu destinés à étendre son Royaume ne nous
appartiennent pas et ne sont pas destinés à être enfouis. Au contraire, le
Seigneur attend que nous les fassions fructifier. Ces dons sont les
Sacrements : ils sont vivants et efficaces. Il ne nous appartient pas de
décréter qu’ils seraient inopportuns à tel ou tel moment ou dans tel ou tel
lieu : ils sont la présence de Jésus lui-même dans ce monde qui en a
cruellement besoin.
La
seconde est que l’Église doit agir avec esprit de piété et dans le calme. Rien
de revendicatif et encore moins de violent dans l’attitude de la femme
parfaite, mais au contraire la force tranquille de celle qui agit sans bruit et
accomplit méthodiquement son ouvrage. Cela n’est possible que dans la force
donnée par l’Esprit Saint, celle que l’on demande sans cesse dans la prière :
« Donne-nous notre pain de ce jour ».
Plus
que jamais, c’est maintenant l’heure de la prière pour agir paisiblement et
étendre – aujourd’hui comme hier – le Règne de Dieu.