dimanche 8 novembre 2020

08 novembre 2020 - 32ème dimanche TO - Année A - Commentaire

  Sg 6,12-16 ; Ps 62 ; 1Th 4,13-18 ; Mt 25,1-13

 Chers frères et sœurs,

Je voudrais méditer aujourd’hui la première lecture et le psaume qui nous sont proposés par la liturgie en pensant à la difficulté de l’heure, à savoir comment rendre compte du fait que nous – catholiques et orthodoxes – nous ne pouvons pas nous passer de la célébration eucharistique dominicale.

La Sagesse dont il est question dans la première lecture peut s’entendre du Seigneur Jésus, puisqu’elle est visible et qu’elle « va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers », comme le fait le Bon Berger qui va à la recherche de ses brebis. Elle peut aussi, et même plutôt, s’entendre de la Sainte Trinité elle-même, si on considère qu’elle se rend visible à l’œil du cœur, qui est en même temps – pour les Hébreux – amour et intelligence. On peut penser ici à cette phrase de saint Pierre, dans sa seconde Lettre : « Ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. »

Concernant notre rapport à Dieu dans l’eucharistie, nous serions donc portés à croire, comme le font beaucoup malheureusement, que ce sacrement n’est pas absolument essentiel à notre foi. En effet, nous pourrions aisément nous en passer puisque, par l’amour et l’intelligence du cœur, nous avons un accès direct, individuel, à la Sainte Trinité. Le gouvernement aurait donc bien raison de nous renvoyer à une pratique personnelle de notre foi, uniquement dans la sphère privée. Ce serait bien suffisant.

Mais s’arrêter à ces considérations n’est faire que la moitié du chemin, car « La Sagesse se laisse contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. » C’est dire que la Sagesse n’est pas une idée : au contraire, elle se contemple et donc se décrit ; elle se laisse trouver, comme on trouve quelqu’un dans un espace-temps commun. C’est ce que disait justement saint Pierre juste avant la phrase précédente que nous avons citée : 

« Ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur. Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. »

Nous reconnaissons ici l’événement de la Transfiguration, où Pierre a contemplé Jésus glorieux, entouré de Moïse et Elie, avec Jacques et Jean. Ainsi donc : contempler la Sagesse, c’est voir ce que Pierre a vu – avec amour et intelligence – sur la Montagne. Et c’est la même Sagesse qu’ont vu Moïse au Sinaï et Elie au Mont Horeb. Nous retrouvons ici les paroles magnifiques du Psalmiste, lui qui cherche Dieu dès l’aurore : « Je t’ai contemplé au Sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie ; tu seras la louange de mes lèvres. »

Il nous faut donc bien saisir que « faire l’expérience de la Sagesse », n’est pas réductible à un rapport personnel, privé, entre moi et mon Dieu, mais c’est entrer dans la communion de la Transfiguration et c’est voir et entrer dans le Sanctuaire céleste où retentit la louange de Dieu. Le Seigneur n’a-t-il pas demandé à Moïse de construire la Tente de la Rencontre, qui deviendra le Temple de Jérusalem, à l’image de ce qu’il lui a donné à voir sur la Montagne? Ainsi en va-t-il d’une église, c’est-à-dire des bâtiments et de l’assemblée qui s’y réunit : c’est la reproduction, la projection, l’incarnation de la réalité céleste éternelle, sur la terre, ici et maintenant, avec tous les moyens disponibles. L’église est lumineuse et belle comme la gloire qui émane de Dieu ; la chorale chante comme chantent les anges ; l’Agneau immolé de la Pâque – le Christ notre Seigneur – trône sur l’autel trois fois saint ; et les saints – les fidèles – rassemblés de toutes les nations, peuples et langues, marqués au front du sceau de Dieu et habillés du vêtement blanc des noces, proclament la gloire de Dieu. Et cette assemblée peut alors reprendre les paroles du Psalmiste : « Toute ma vie, je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. Comme par un festin je serai rassasié ; la joie sur les lèvres, je dirai ta louange. »

On aura bien compris pourquoi un catholique et un orthodoxe, dont la foi est sacramentelle – où la réalité divine et la réalité humaine sont intimement articulées entre elles dans l’action liturgique – ne peuvent pas se contenter d’une foi atrophiée, limitée à un ressenti privé, mais ont un besoin vital de communier réellement, de faire partie et de témoigner de la gloire de Dieu, de leur connaissance par le cœur – amour et intelligence – de la Sagesse.


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