Is 45,1.4-6 ; Ps
95 ; 1th 1,1-5b ; Mt 22,15-21
Au premier niveau de lecture, nous avons un enseignement assez décapant de la part de Jésus, adressé aux Grands prêtres et aux Anciens. Car ce sont eux qui sont les gérants du Temple et qui ont autorité pour diriger spirituellement le peuple d’Israël. Je passe sur les raisons pour lesquelles leur légitimité est contestée à l’intérieur même d’Israël, et qu’ils sont donc très sensibles à ce qui pourrait remettre celle-ci en cause. Mais Jésus ne conteste pas cette légitimité, il dénonce leur manque de foi, et par conséquent leur perversité spirituelle. Cependant, s’ils revenaient de tout leur cœur au Seigneur, ils retrouveraient alors leur véritable vocation sacerdotale et spirituelle.
Au second niveau – qui explique les tensions du premier – nous pouvons lire ces évènements comme un combat entre le Seigneur et les démons, combat qui a lieu dans le ciel, entre l’Ascension et la Pentecôte. Nous ne sommes pas habitués à lire l’évangile avec ce point de vue, mais lorsque Jésus monte de Jéricho à Jérusalem, c’est comme s’il passait de la terre au ciel, lors de l’Ascension : il passe du lieu de la mort au Temple, c’est-à-dire le ciel où trône Dieu son Père. Et nous savons qu’il y a là, une lutte spirituelle, où le Satan et ses démons sont vaincus et chassés du ciel. Souvenons-nous ici de Jésus chassant les marchands hors du Temple. Cela fait – et c’est la Pentecôte – les portes du ciel s’ouvrent et la grâce lumineuse de Dieu est répandue sur l’Église.
Nous comprenons donc pourquoi ce qu’il se passe dans le Temple a une portée bien supérieure à une simple controverse sur la légitimité temporelle des uns et des autres.
Aujourd’hui donc, ils vont chercher des partisans du clan d’Hérode. Hérode est le roi-fantoche mis en place par les Romains pour tenir politiquement le peuple d’Israël. Ils veulent que Jésus tienne devant ses partisans des propos politiques anti-romains et que cela le mette dans l’embarras. C’est l’accusation qui servira pour son jugement : « Il veut se faire roi à la place de César ! » Ça, c’est le premier niveau de lecture du texte. Mais au second niveau, nous voyons les démons à l’œuvre : « Est-il permis de payer l’impôt à César ? » C’est-à-dire : « Est-ce que les fils de Dieu peuvent pactiser avec le Diable ? » Si Jésus répond simplement « oui », il s’incline devant son ennemi et se discrédite devant les hommes. Si Jésus répond simplement « non », il défie la puissance de l’ennemi, mais d’une certaine manière, il la reconnaît par défaut : il lui reconnaît un statut d’opposant, alors qu’en réalité il est néant. De plus, en disant « non », Jésus se déclare politiquement ennemi de César, et il encourt – ce qui arrivera d’ailleurs – la peine de mort.
C’est la raison pour laquelle le Seigneur ne répond pas comme les pharisiens l’attendent. Il dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Jésus parle sur les deux niveaux de lecture : au premier niveau, qui est temporel, Jésus dit de payer l’impôt, c’est-à-dire demande de s’adapter aux lois de la société des hommes, mais sans oublier d’offrir à Dieu le culte qui lui revient. Cependant, au second niveau de lecture qui est spirituel, Jésus dit de rendre au démon ce qui lui appartient, c’est-à-dire de lui renvoyer toutes nos pensées et œuvres mauvaises : il s’agit de les rejeter pour, au contraire, offrir à Dieu toutes nos pensées et œuvres bonnes, lui offrir le culte d’adoration des cœurs purs. Ce faisant, Jésus dénonce l’hypocrisie comme une grave compromission avec le diable, et il encourage au contraire l’unité et la simplicité de la vie spirituelle dans l’amour exclusif de Dieu.
En effet, ils ont parfaitement compris ce que je viens d’expliquer, sur les deux niveaux. Et ils s’en vont exactement comme le Diable s’en va après la dernière des tentations au désert, à laquelle Jésus avait répliqué : « Va-t’en Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »