Is
40, 1-5.9-11 ; Ps 103 ; Tt 2, 11-14 ; 3, 4-7 ; Lc 3, 15-16.21-22
Chers
frères et sœurs,
Si
nous voulons comprendre ce que nous dit saint Luc dans l’évangile de ce jour,
il faut procéder en trois étapes.
La
première concerne l’identité de Jean-Baptiste et le sens de son baptême. Jean
était-il le Christ – c’est-à-dire l’« oint du Seigneur » ?
En Israël, il pouvait y avoir trois types d’« oints du Seigneur » :
les rois, les prophètes et les prêtres.
À
l’évidence Jean-Baptiste n’était pas un christ-roi : il n’en avait aucune
légitimité. Christ-prophète, il pouvait l’être, en raison du fait qu’il était
« nazir » - un nazir est un premier-né consacré à Dieu
depuis sa naissance. Et c’était bien le cas de Jean-Baptiste. D’ailleurs, l’évangile
dit que sur Jean-Baptiste reposait l’esprit du prophète Élie. Mais Jean pouvait
être aussi un christ-prêtre. En effet, son père Zacharie lui-même était prêtre,
descendant d’Aaron, de la classe d’Abia. En raison de cette généalogie, Jean,
en effet, est un prêtre tout à fait légitime, digne même d’être grand-prêtre.
Alors les gens s’interrogent, car ils savent bien que les Grands-Prêtres nommés
par Hérode le Grand et les Romains sont illégitimes, eux.
Se
pose alors la question du baptême que Jean pratique au bord du Jourdain. En
effet, le baptême est d’abord un acte sacerdotal : il est une purification
nécessaire du Grand Prêtre, plus généralement des prêtres et des lévites, avant
tout sacrifice, avant toute offrande à présenter à Dieu dans son Temple. Par
extension, tout le Peuple de Dieu ayant vocation à présenter l’offrande de sa
prière à Dieu, doit lui-aussi être purifié. C’est ainsi que sortant d’Égypte
sous la conduite de Moïse, le peuple est purifié dans la Mer Rouge avant de
pouvoir accéder, par un temps de Désert, à la Présence de Dieu au Sinaï. De
même au temps de Josué : c’est après avoir été purifié par le passage du
Jourdain, que le Peuple a pu entrer en Terre Promise avant de pouvoir accéder,
finalement, à Jérusalem.
Ainsi,
le baptême de Jean peut être compris de deux manières. Pour le peuple, il
s’agit de se purifier, car le Messie devant venir, de nouveau la Terre Promise sera
rendue accessible et Dieu s’y manifestera. Dans ce sens, Jean-Baptiste se
présente plutôt comme un Christ-prophète, qui prépare le peuple à la venue de
Dieu. Mais pour saint Luc, et pour Jean-Baptiste, et Jésus, il faut voir le
baptême de Jean différemment. C’est la deuxième étape.
Quand
Jésus se présente au baptême, qui est-il ? En fait, c’est bien lui, le
Christ. Mais quel Christ ? Un christ-roi, un christ-prophète ou un
christ-prêtre ?
Christ-roi,
il l’est de naissance : il est fils de Marie, fille de David, et adopté
par Joseph, fils de David. Jésus est de lignée royale à 100% : il ne lui
manque que l’onction donnée par le Grand-Prêtre pour activer sa royauté. Or,
nous l’avons vu, Jean-Baptiste est légitime en tant que Grand-Prêtre. Le
baptême de Jésus peut être vu comme une onction royale. Et il l’est.
Christ-prophète ?
Comme Jean, Jésus est un premier-né consacré à Dieu dès sa naissance. Comme
lui, il est célibataire et respecte intégralement les commandements de la Loi.
La descente de la colombe l’atteste : par l’Esprit qui repose sur lui, il
est christ-prophète. Un prophète n’est pas tant quelqu’un qui fait des
prophéties, qui annonce l’avenir ; ça, ce n’est qu’un aspect de la
prophétie. Un prophète, c’est d’abord celui qui est habité par l’Esprit de Dieu
et qui parle et agit au nom de Dieu, et qui explique le sens de son témoignage.
C’est celui qui traduit la Parole de Dieu pour la rendre accessible aux gens de
son temps. C’est un ange humain, en quelque sorte. Ainsi Jésus est d’autant
plus Christ-prophète qu’il est lui-même le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu. Il
est 100% prophète.
Est-il
aussi un Christ-prêtre ? Ah, voilà la grave question ! Et la réponse
est certainement une surprise aussi pour Jean-Baptiste, lui-même. Cela voudrait
dire que Jean-Baptiste, en tant que prêtre, baptiserait, purifierait Jésus en
tant que Grand-Prêtre – le vrai Christ-prêtre –, avant qu’il présente lui-même
le sacrifice parfait à offrir à Dieu. Et c’est aussi pourquoi il fallait que le
peuple soit purifié lui-aussi auparavant, pour être prêt, pour le véritable sacrifice.
Mais c’est exactement ce qu’il se passe !
Après
que le peuple et Jésus ont été baptisés, Jésus s’est mis à prier et le ciel
s’est ouvert. Cela, il n’y a qu’un Grand-Prêtre qui peut le faire : il
prie devant le rideau du Temple, et le rideau s’ouvre pour lui donner accès – à
lui et à son offrande – au Saint des Saints où se trouve la Présence de Dieu. De
fait, Dieu répond à la prière de Jésus : l’Esprit Saint se manifeste, et
une parole se fait entendre. Saint Luc est amusant, il essaye de nous expliquer
comment s’est présenté l’Esprit Saint : « sous une apparence
corporelle, comme une colombe »… ce n’est vraiment pas très clair.
Mais c’est le même langage apocalyptique que la vision d’Ézéchiel :
« Au-dessus de ce firmament, il y avait une forme de trône, qui
ressemblait à du saphir ; et, sur ce trône, quelqu’un qui avait l’aspect d’un
être humain, au-dessus, tout en haut… » Ainsi, le ciel est ouvert et
Jésus a la vision de l’aspect de l’Esprit Saint, comme une colombe : le
Christ-prêtre a accès au trône de Dieu, à sa Présence, dans le Saint des Saints.
Et la voix dit : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je
trouve ma joie. » Le fils « bien-aimé », c’est Isaac, le
fils unique, présenté par Abraham en offrande. En lui le Père « trouve
sa joie » ; il faut traduire : « il agrée son
sacrifice ». Donc Jésus est non seulement le vrai Christ-prêtre, mais il
est aussi son offrande parfaite.
Alors,
chers frères et sœurs, troisième étape et pour finir, que sommes-nous, nous qui
sommes baptisés dans l’Esprit Saint et le feu, si Jésus est le véritable et
unique Christ-roi, Christ-prophète et Christ-prêtre ? Mais, pareil… Nous
avons été baptisés dans le même Esprit Saint ! C’est le bénéfice de
l’offrande de la vie de Jésus sur la Croix, de l’agrément de son sacrifice par
le Père, et du don de l’Esprit Saint sur l’Église qui en résulte, à la
Pentecôte ! Notre baptême a fait de nous, par l’Esprit, des membres du
corps du Christ, appartenant au règne de Dieu, la communion des saints ; des
prophètes de l’Évangile ; et des prêtres pour nous offrir à notre tour,
par amour pour Dieu et pour notre prochain, comme le Christ.
Vous
avez le vertige ? C’est normal… à la Pentecôte, les apôtres étaient comme
pleins de vin doux !