Gn
14, 18-20 ; Ps 109 ; 1 Co 11, 23-26 ; Lc 9, 11b-17
Chers
frères et sœurs,
La
résurrection de Jésus et le don de l’Esprit Saint nous ont dévoilé les mystères
de Dieu jusque-là restés cachés. C’est ainsi que dimanche dernier, la liturgie
nous a fait entrer dans le mystère de la Sainte Trinité : Dieu est un en
trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Comme nous avons été
créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous aussi nous sommes des
personnes, et nous sommes appelés par grâce à entrer en communion dans ce
mystère. Aujourd’hui, la liturgie nous fait connaître un autre mystère :
celui de la réalité sacramentelle de l’Église, de sa parole et de son action,
de ses membres, et même de certaines choses matérielles, comme l’eau et l’huile,
le pain et le vin, quand ils sont consacrés. Cela mérite quelques
explications : que veut-on dire quand on parle de « réalité
sacramentelle », de « sacrement » ?
La
chose la plus importante à comprendre est que, par ses paroles et ses actions,
par le don de l’Esprit Saint, Jésus donne à des objets terrestres une réalité
céleste. Par exemple, ayant pris du pain, Jésus dit : « Ceci est
mon corps. » Ainsi, ce pain quoiqu’ayant toujours l’apparence du pain
– il reste un objet terrestre – devient aussi son Corps : il est devenu
une réalité céleste.
Ce
qui vaut pour le pain et le vin, qui deviennent Corps et Sang de Jésus, vaut
aussi pour chacun de nous, lorsque nous sommes baptisés. Lorsque le prêtre
verse de l’eau sur la tête d’une personne en disant « Juliette, je te
baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », celle-ci n’est pas
changée : elle demeure toujours la même Juliette. Mais elle reçoit en plus
la réalité des fils et des filles de Dieu, participants à la vie éternelle et
aptes à la communion dans la gloire de Dieu. C’est ainsi que Jésus peut dire à
ses disciples : « Qui vous accueille m’accueille ; et qui
m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé », parce que le baptisé est
revêtu du Christ. Il est devenu ambassadeur du Christ ; et même
plus : le Christ habite en lui ; il est comme un tabernacle dans
lequel réside le Christ.
Ce
qui vaut pour des personnes individuelles comme Juliette, vaut aussi pour
l’assemblée des chrétiens. Juridiquement l’Église est une association de
croyants en Jésus-Christ : cela c’est la situation terrestre, que tout le
monde peut voir. Mais par l’Esprit Saint reçu à la Pentecôte, la réalité de l’Église
est qu’elle est d’abord par Jésus, une communion des hommes avec le Père, dans
sa gloire. L’Église est une réalité terrestre et céleste, humaine et divine, en
même temps. Et cette réalité de l’Église, comme celle du Corps et du Sang de
Jésus, comme celle du baptisé enfant de Dieu, n’est visible que par la foi en
Jésus ressuscité et par le don de son Esprit Saint.
Comme
vous le savez, nous avons peu de foi et nous avons besoin de toujours plus
d’Esprit Saint pour croire et pour connaître les réalités célestes. C’est pour
cette raison que nous matérialisons ces réalités par des symboles. Ainsi, nous
prenons un pain différent du pain ordinaire pour l’Eucharistie : cela nous
aide à comprendre qu’il s’agit d’un pain terrestre et céleste en même temps. De
même, nous sommes attachés à ce que les baptisés portent une médaille de
baptême autour du cou, pour leur rappeler tout le temps qu’ils sont enfants de
Dieu. De même pour l’Église : quand elle se rassemble, elle se retrouve
dans des lieux – des églises justement – dont l’architecture dit que nous
sommes aussi bien au ciel que sur la terre, et nous nous habillons différemment,
surtout les prêtres et les enfants de chœur, pour dire que la liturgie qui est célébrée
est une action – terrestre certes – mais aussi et surtout céleste. La messe,
comme tout sacrement, est une action, une réalité terrestre et céleste, humaine
et divine en même temps.
Et
j’ai lâché le mot technique qui exprime cette réalité très particulière, qui
n’est connue que de ceux qui ont la foi et qui ont reçu l’Esprit Saint :
le « sacrement ». Le pain et le vin consacré sont le sacrement du
Corps et du Sang de Jésus ; Juliette est devenue enfant de Dieu par le
sacrement du baptême ; et l’Église est le sacrement du royaume des cieux
sur la terre, le sacrement de la communion des saints.
Quand
on a compris cela, il y a une conclusion à en tirer, très importante pour nous :
ce que le monde ne voit pas, nous nous le voyons. Le monde voit du pain et du
vin ; il voit une personne qui reçoit de l’eau sur la tête ; il voit
une association de personnes qui se réunissent le dimanche et essayent de faire
du bien. Mais nous nous voyons les réalités célestes : nous vivons sur la terre
comme tout le monde, et pas comme tout le monde, puisque nous y vivons en même
temps déjà de la vie éternelle. C’est toute la différence entre un homme normal
et un saint. Le saint regarde le monde avec les yeux de Dieu ; il y
reconnaît les réalités célestes déjà présentes et à l’œuvre comme un ferment,
et – avec l’aide de l’Esprit Saint – il tâche de s’y conformer par sa vie
entière.
Voilà
un bel appel pour la fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang de Jésus ;
comme dit l’évêque saint Augustin à ses fidèles, en parlant de la communion
eucharistique : « Devenez ce que vous recevez ! »