Ac
7, 55-60 ; Ps 96 ; Ap 22, 12-14.16-17.20 ; Jn 17, 20-26
Chers
frères et sœurs,
Les
lectures de ce dimanche illustrent parfaitement la situation réelle de
l’Église, notre situation, dans le monde de ce temps. En effet, nous sommes
bien dans cet entre-deux où d’un côté, dans le passé, notre Seigneur le Christ
Jésus est monté au ciel, et de l’autre, tournés vers l’avenir, nous attendons
sa venue dans la gloire.
Dans
le passé, nous avons le martyre d’Étienne qui, comme les Apôtres lors de
l’Ascension de Jésus, « contemple les cieux ouverts et le Fils de
l’homme debout à la droite de Dieu ». Cela nous rappelle que par la
foi, l’Église contemple les réalités célestes. Elle affirme cette contemplation
non seulement dans des paroles, par la proclamation de l’Évangile, mais aussi dans
des actes, par la liturgie elle-même. La liturgie n’est-elle pas l’expression
des réalités célestes dans notre monde terrestre ? C’est là quelque chose
d’incompréhensible et parfois insupportable aux hommes, ce qui peut conduire
l’Église – comme Étienne – au témoignage du martyre.
Vers
l’avenir, nous avons la vision de saint Jean : « Voici, je viens
sans tarder. » Le Seigneur Jésus annonce sa venue prochaine, qui est
le jugement dernier : « Heureux ceux qui lavent leurs
vêtements : ils auront droit d’accès à l’arbre de la vie et, par les
portes, ils entreront dans la ville. » Par le baptême, les hommes ont
accès au Corps et au Sang de Jésus et, franchissant ainsi le voile qui sépare
le ciel et la terre, ils ont accès à sa communion de vie éternelle. Tel est
notre avenir, le but de notre espérance, notre vocation.
Remarquez
que, dans la liturgie dont nous venons de parler, nous avons déjà accès à cette
vie éternelle. Dans la liturgie, le temps est transformé en éternité. C’est
ainsi que l’Église se réjouit de la vie future qu’elle contemple par la foi et
qu’elle reçoit déjà par les sacrements. Et avec les anges, elle chante le
psaume : « Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! Joie pour
les îles sans nombre ! » Cette louange n’est pas à conserver pour
nous ; elle est une eau vive à partager avec ceux qui ont soif, partout
dans l’univers, jusque dans les îles lointaines.
L’Église
est donc tout à la fois contemplation des réalités célestes, attente et accueil
de la vie divine dont elle se nourrit déjà par les sacrements, et louange de
Dieu dans la joie – une joie contagieuse ; tout ceci engendrant
incompréhension, moqueries, parfois opposition et violence, de la part des puissances
obscures.
Cependant,
notre Seigneur le Christ Jésus, demeure à la tête de son Église. Sa présence au
Ciel, devant son Père, est pour nous une providence : car il intercède
directement en notre faveur afin que nous soyons bénéficiaires de la force de
Dieu : l’Esprit de sainteté. Cette prière de Jésus nous donne trois
informations importantes.
La
première est qu’il prie le Père que nous soyons « un », c’est-à-dire
en communion parfaite avec eux, dans la gloire, et aussi par conséquent entre
nous. La communion parfaite n’est pas la dissolution de nos identités dans un grand
tout divin impersonnel – ce serait la mort ultime ; mais au contraire cette
communion est l’illumination de chacun d’entre nous, avec la transfiguration de
ce que nous portons en nous de meilleur au profit de tous. L’image la plus
parlante est sans doute celle de l’orchestre : diversité des instruments
emportés dans la symphonie de la plus belle des valses, le Père ayant écrit la
partition, le Christ Jésus dirigeant l’orchestre, et l’Esprit étant la musique
elle-même, faisant l’unité de tous. Jésus prie donc pour que nous formions une
seule communion dans la Sainte Trinité et entre tous.
La
seconde information est qu’il prie son Père afin que par l’Esprit, nous vivions
réellement cette communion divine déjà maintenant, dans notre temps. Il s’agit
que l’Église de la terre soit une, comme elle l’est déjà dans le ciel. Cette
unité spirituelle doit être réellement vécue puisqu’elle est le moteur de
l’évangélisation : « Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin
que le monde sache que tu m’as envoyé. » Ce faisant, si Jésus prie son
Père pour que cette unité soit possible, c’est qu’il y a des forces contraires
à l’intérieur de l’Église elle-même, malheureusement. La tentation de la
division n’est pas extérieure à nous-mêmes, elle nous est intérieure – elle
nous traverse tous – et le Seigneur Jésus prie son Père que par le don de l’Esprit
Saint, l’unité sur terre comme au ciel soit la plus forte.
Enfin,
troisième et dernière information, Jésus reconnaît que les forces contraires agissent
aussi à l’extérieur de l’Église : « Père juste, le monde ne t’a
pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. »
Nous retrouvons l’expérience d’Étienne : le monde ne connaît pas la gloire
de Dieu et se rebelle contre elle, parfois avec violence, préférant les
ténèbres à la lumière. Jésus prie donc son Père pour l’Église que nous formons,
semblable à un bateau sur la mer, ne soit pas engloutie par les eaux
tumultueuses, mais aborde bientôt tantôt les îles lointaines, tantôt la terre
ferme du Royaume des cieux.
Chers
frères et sœurs, que de bonheur à réentendre les lectures de ce dimanche :
elles nous rappellent la situation et la vocation de l’Église dans le monde, et
notre vocation à chacun, ainsi que la prière de Jésus pour nous tous à toute
heure. Réjouissons-nous de la lumière de l’Esprit que le Père nous accorde
généreusement, et rendons-lui grâce maintenant et dans toute notre vie.