dimanche 31 août 2025

30-31 août 2025 - COURTESOULT - GRAY - 22ème dimanche TO - Année C

 Si 3, 17-18.20.28-29 ; Ps 67 ; He 12, 18-19.22-24a ; Lc 14, 1.7-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Dieu s’est-il fait homme, est-il mort sur la croix et ressuscité, pour apprendre aux hommes des leçons de savoir-vivre élémentaires ? D’une certaine façon, oui, s’il s’agit du savoir-vivre de la Vie éternelle. Jésus semble profiter d’une situation assez ridicule pour rappeler à ses disciples – ceux qui écoutent l’évangile – que le commandement du service mutuel et celui de l’attention aux pauvres sont des signes du Royaume qui vient. Une telle écoute a pu donner la figure de saint Martin, par exemple, qui refusait absolument de s’asseoir tant sur un trône épiscopal dans sa cathédrale, que dans un fauteuil au cours d’une réunion officielle : il fallait toujours qu’on lui apporte un tabouret ! Les premiers chrétiens étaient très attachés à cette dimension morale de l’évangile, toute faite de service généreux et d’humilité, qui les distinguait des païens en les impressionnant, et leur permettait ainsi de faire rayonner l’Évangile.
 
Cependant, l’affaire du repas de Jésus avec les pharisiens prend une autre dimension quand on s’attache à lire le texte précisément. Jésus n’est pas entré chez un pharisien pour y prendre un repas comme on entre dans une brasserie pour y prendre un sandwich. Il a été invité par le pharisien : Jésus est l’invité d’honneur, ce pour quoi il se permet de donner un enseignement ; et le pharisien a également invité des collègues. Cependant, la situation est extrêmement tendue. Il est dit que les pharisiens « observaient » Jésus ; il faut comprendre qu’ils l’épiaient, le surveillaient, attendant qu’il fasse le moindre faux-pas pour lui tomber dessus.
Justement, nous sommes un samedi, un jour de sabbat, au cours duquel les activités sont réglementées par la Loi de Moïse. Or il se trouve qu’il y a dans la salle un homme malade d’hydropisie – cet épisode a été coupé dans notre lecture. Et Jésus va guérir cet homme, en présence des pharisiens pour lesquels l’exercice de cette activité pendant le sabbat est interdit par la Loi. Jésus leur rappelle alors ce principe que la défense de la vie, fut-elle celle d’un animal, prime sur tout autre précepte de la Loi en vertu du 5ème commandement : « Tu ne tueras pas. » Profitant du fait que les pharisiens sont décontenancés, il leur donne l’enseignement que nous avons entendu. Celui-ci semble être sans aucun rapport avec ce qu’il vient de se passer. Pourtant il s’en trouve un.
Pour comprendre, il faut aller directement à la citation du prophète Ézéchiel que cite Jésus : « Quiconque s’élève sera abaissé, et qui s’abaisse sera élevé. » Cette citation fait référence à un conflit entre Guédalia et Ismaël. Guédalia est le gouverneur nommé par Nabuchodonosor du petit reste d’Israël resté à Jérusalem après la chute du dernier roi de Juda, Sédécias, et la déportation à Babylone. Et Ismaël est un administrateur resté également en Judée, de sang royal. Évidemment, Ismaël ne rêve que de renverser Guédalia pour prendre sa place et restaurer la royauté en Israël. Or un jour Guédalia offre un repas à ses officiers, dont Ismaël, qui en profite pour l’assassiner. La fin de l’histoire est terrible parce que Ismaël est tué à son tour et le petit reste d’Israël resté jusqu’alors à Jérusalem doit s’enfuir en Égypte : il ne reste plus personne à Jérusalem. L’échec est total. Donc Jésus fait référence à cette histoire lorsqu’il évoque, au cours du repas avec les pharisiens qui en veulent à sa vie, la question des invités malséants et celle du souci des pauvres.
 
Aux pharisiens qui sont invités comme lui, il leur rappelle que Ismaël était lui aussi un invité, mais que son désir de prendre la première place en tuant Guédalia qui l’occupait, s’est soldé par la perte de sa propre vie. Plus finement, Jésus leur rappelle qu’on ne s’attribue pas à soi-même une promotion, mais que celle-ci doit venir de l’autorité supérieure. Et il y a plus de chance de la recevoir quand on s’en montre un digne serviteur. Sans doute Nabuchodonosor qui avait déjà permis à Ismaël de demeurer à Jérusalem, quoique de sang royal, l’aurait grandi après Guédalia s’il s’en était montré digne – et la royauté de David aurait peut-être été rétablie. Mais par son orgueil Ismaël a perdu et la royauté, et la vie. Évidemment, dans l’esprit de Jésus, cette histoire n’est qu’un prétexte pour parler du Royaume des cieux : l’orgueil spirituel de ceux qui se croient des purs en matière religieuse au détriment de ceux qui ont reçu de la part du Seigneur une fonction qu’ils tâchent de remplir honorablement, risquent de perdre et leur couronne de sainteté, et la béatitude. Le message de l’auteur est donc le suivant : « fuyons l’orgueil ; attachons-nous à l’humilité ! »
 
Mais Jésus se tourne ensuite vers le pharisien qui a lancé l’invitation à tous. Il le met en garde contre ses confrères qui risquent de l’entraîner dans une voie sans issue, sinon dangereuse. Jésus l’invite à choisir l’attitude de Guédalia : celle de l’administration pleine de sagesse, de l’humble service du petit reste d’Israël : les pauvres, les estropiés, les boiteux, les aveugles ; tous ceux qui sont restés à Jérusalem parce qu’ils ne valaient rien pour Babylone. Et le choix de les protéger, surtout contre les zélotes orgueilleux qui veulent se lancer dans des aventures sans lendemains, est préférable que d’emboîter le pas à ces derniers. Le message est donc double ici. D’une part Jésus condamne la radicalité et met en garde contre les familiarités qui compromettent – ceci vaut pour le pharisien que Jésus semble apprécier pour lui avoir donné cette recommandation, mais aussi pour les Apôtres, et les chefs d’Églises. Et d’autre part, le choix doit toujours être fait de la protection des plus faibles, qui sont toujours le choix de Dieu. Pour nous en convaincre, écoutons donc la Sainte Vierge Marie dans le chant de son Magnificat : « Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

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