dimanche 14 septembre 2025

14 septembre 2025 - GRAY - La Croix glorieuse - Année C

 Nb 21, 4b-9 ; Ps 77 ; Ph 2, 6-11 ; Jn 3, 13-17
 
Chers frères et sœurs,
 
Nicodème, comme le dit saint Jean au début de son récit, est un pharisien et un notable parmi les Juifs. Il est membre du Sanhédrin, qui est en même temps une sorte d’Assemblée nationale et de Conseil constitutionnel des Judéens. Là, il défendra courageusement le droit de Jésus à se défendre à son procès. Il est aussi une des trois plus grosses fortunes de Jérusalem. C’est lui qui finance le mélange de 45 kilos de myrrhe et d’aloès pour la mise au tombeau de Jésus ; des funérailles de roi. Donc la rencontre entre Jésus et Nicodème est de la plus haute importance, et on aurait tort de penser que leur échange concerne des banalités. Ils vont à l’essentiel : ce qu’il en est de Dieu et du salut de l’homme.
Nicodème cherche à comprendre le message de Jésus, dont il sait déjà qu’il est prophète. Jésus lui répond que pour voir le royaume de Dieu – c’est-à-dire y entrer, y participer –, il faut naître d’en haut, de l’eau et de l’Esprit. Nicodème demande alors comment naître du souffle de l’Esprit ? On entend la même question dans la bouche de la Bienheureuse Vierge Marie quand l’ange Gabriel lui annonce qu’elle va concevoir et enfanter un fils : « Comment cela peut-il se faire ? » Jésus reproche alors à Nicodème – qui est un maître en Israël – de ne pas connaître « ces choses-là », et il lui répond qu’il est nécessaire de croire en sa parole. Parce que lui, Jésus – qui est descendu du Ciel – parle de ce qu’il connaît et il témoigne de ce qu’il a vu – c’est-à-dire de la réalité du Royaume des cieux. Donc Jésus dit que, pour naître du souffle de l’Esprit et voir le Royaume, il faut d’abord croire en lui, en son enseignement et en son témoignage, c’est-à-dire toute sa vie, c’est-à-dire l’Évangile.
 
À ce moment, nous retrouvons le passage que nous avons entendu aujourd’hui, dont nous ne savons pas très bien, en réalité, si les paroles sont prononcées par Jésus à l’attention de Nicodème, où s’il s’agit d’un commentaire de saint Jean à l’attention de ses lecteurs. Mais l’argument central est le même : la foi en Jésus mort sur la croix pour le salut des hommes, et ressuscité, est la clé du don de Dieu : du souffle de l’Esprit, de la vie éternelle. Saint Jean donne un premier argument, tiré du livre des Nombres, que nous avons entendu en première lecture : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert – pour sauver le peuple mordu par les serpents, c’est-à-dire les démons ou les péchés – ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé. » Dieu, donc, sauve les hommes pécheurs et leur accorde la vie par la croix de Jésus.
Mais ce faisant, Dieu a sacrifié son fils, son unique – dit l’évangile. Deuxième argument. La référence au sacrifice d’Isaac, dans le livre de la Genèse, est évidente : « Dieu dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai. » Nous savons qu’Isaac sera sauvé par l’ange du Seigneur au moment ultime, et qu’il sera remplacé par un bélier. Par la suite, le sacrifice au Temple pour le pardon des péchés était celui d’un agneau, l’agneau pascal, en substitution du sacrifice des premiers-nés en Égypte. Mais avec Jésus, la situation est inversée : c’est Dieu lui-même qui autorise le sacrifice de son fils, son unique, un premier-né, comme véritable Agneau pascal, une fois pour toutes et pour un pardon véritable de tous les hommes – pour que quiconque croit en lui ait la vie éternelle et que par lui le monde soit sauvé.
 
Nicodème, et nous-mêmes avec lui, qui sommes versés dans les Écritures et la foi d’Israël, sommes placés au cœur de la mission de Jésus : donner sa vie pour la multitude, pour que tout homme qui a foi en lui – y compris ceux qui dorment au fond des enfers, comme dit saint Paul – puisse recevoir le don de Dieu, la vie éternelle, et voir le Royaume des cieux. La croix est donc comme une porte entre le monde présent et le royaume des cieux. Vu d’en bas, d’un point de vue matérialiste, c’est un instrument de supplice, un obstacle. Mais vu d’en haut, avec la foi, c’est un passage, le passage : la porte étroite – la seule porte – qui conduit à la vraie liberté et à la vraie vie. Il n’y en a pas d’autres. Et c’est Jésus qui l’a ouverte pour nous. C’est pourquoi, pour un chrétien, la croix est une croix glorieuse. Parce que, par elle, la lumière du ciel illumine les ténèbres de toute la terre et même des enfers.
Il reste un dernier point important pour finir. La traduction est ambiguë : on a l’impression qu’il y a pour l’homme un délai entre sa confession de foi en Jésus et l’obtention de la vie éternelle. Dans l’araméen ou l’hébreu, le verbe avoir n’existe pas. Cela signifie que pour l’homme qui croit en Jésus, la vie éternelle est à lui. C’est immédiat, il n’y a pas de délai. L’homme qui a foi en Jésus mort et ressuscité vit déjà maintenant du Don de Dieu, de la vie éternelle, et il voit le Royaume des cieux. Cela paraît étonnant ? Mais non, il faut comprendre que la réalité du Royaume n’est pas contrainte par notre espace-temps. On peut distinguer dans le temps des étapes : le sacrifice d’Isaac, le serpent de bronze, la Pâque en Égypte, les sacrifices du Temple, la crucifixion de Jésus, mon baptême, ma mort, avant mon entrée dans la vie éternelle, avec la grâce de Dieu ! Mais dans la réalité du Royaume éternel, c’est un seul instant, un flash, où par la foi en Jésus qui s’est donné pour nous, enfin libérés du péché et de la mort, nous entrons à jamais dans la communion d’amour de Dieu, avec tous les saints. Comprenez, frères et Sœurs : par la foi en Jésus mort pour nous et ressuscité, la vie éternelle nous est donnée, maintenant. Tel est le sens de la fête de la croix glorieuse.

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