Sg 18, 6-9 ; Ps
32 ; He 11, 1-2.8-19 ; Lc 12, 32-48
Chers
frères et sœurs,
Nous
poursuivons notre lecture de l’évangile de Luc, où Jésus donne un enseignement
sur la bonne manière de vivre en ce monde, dans l’attente de la vie future. Il
préconise en premier lieu de se faire « un trésor inépuisable dans les
cieux », en étant généreux en aumônes ici-bas. Non pas tant par le
geste que par l’intention du cœur qui produit le geste. Cette intention
manifeste autant un détachement des biens terrestres transitoires, qu’une
générosité qui ne compte pas, comme Dieu donne toujours largement quand il fait
grâce. Ainsi doit être l’homme généreux : bon comme Dieu est bon.
Cependant
Jésus précise ensuite qu’un jour viendra à l’improviste, qui sera aussi un jour
de jugement. Il invite pour cela son auditoire à veiller, à rester en tenue de
service, la ceinture autour des reins, à garder sa lampe allumée, comme des
serviteurs qui attendent leur maître à la fin des noces. Le jour où le Seigneur
viendra, nous serons comme « flashés » dans l’état d’esprit et la
disponibilité à servir où nous serons à ce moment-là. Autrement dit, il s’agit
que l’état de veille et de service soit pour nous un état permanent, un mode de
vie habituel, qu’on ne remet pas à demain, ou qu’on ne pratique pas seulement
de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00. L’homme que le Seigneur s’attend à trouver
à son retour est un cœur qui l’attend dans une espérance vivante, en pratiquant
humblement son service, à toute heure.
La
surprise pour cet homme n’est pas tant qu’il aura à se mettre au service du
Seigneur qui vient, mais plutôt que c’est le Seigneur lui-même qui le servira.
Le maître de maison se fera lui-même le serviteur et il servira l’homme à sa
table, pour un bon repas. Jésus veut dire ici que la récompense du juste
dépasse toute attente ; elle est inimaginable pour un homme ; et sa
part sera une communion de dignité avec son maître, une forme de
divinisation : une participation au repas de Dieu. Pensons ici au moment
où, dans l’Évangile de Jean, Jésus s’est lui-même ceint d’un linge pour laver
les pieds de ses disciples : c’était lors du repas pascal, où pour la
première fois il leur a partagé en communion son Corps et son Sang, la Vie
divine.
Pierre
s’interroge : si donc l’eucharistie, la communion des saints, est ouverte
à tout homme juste tel qu’on vient de le décrire, qu’en sera-t-il pour un
disciple ou un apôtre comme lui ? Aura-t-il une part supérieure, plus
riche, plus importante ?
Peut-être
que Jésus est surpris par la question ; il la reformule donc ainsi :
« Que dire de l’intendant fidèle et sensé, à qui le maître confiera la
charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de
nourriture ? »
Nous
avons déjà ici une définition de ce qu’est un apôtre tel que Pierre, un
évêque : il est un intendant, à qui le personnel – c’est-à-dire tous les
baptisés – est confié, pour lui distribuer la « ration de nourriture »,
c’est-à-dire la Parole de Dieu et les sacrements. Un évêque est un
intendant : il n’est pas le Maître, mais il est au service du Maître en
étant au service de ses serviteurs. Et tel est son service particulier, dans
lequel Jésus s’attend à le trouver au moment de sa venue.
Cependant
Jésus identifie la tentation terrible des serviteurs des serviteurs de
Dieu : le découragement et l’abandon de l’espérance pour s’abîmer dans le
relâchement et la dépravation. L’apôtre, ou l’évêque, a un devoir d’exemplarité
d’autant plus qu’il connaît la Parole de Dieu : il sait quelle est la
volonté du Maître. Sa responsabilité personnelle est donc d’autant plus
importante en cas de faillite. « À qui l’on a beaucoup donné, on
demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage »
dit Jésus. On peut prier ici pour nos évêques.
Remarquons
ici que Jésus ne répond pas positivement à la question de Pierre. Il y répond
négativement. A la question de savoir si l’apôtre où l’évêque recevra davantage
dans le Royaume des cieux que le simple fidèle, Jésus répond à Pierre que ceux
qui sont riches de la Parole de Dieu et des sacrements courent un bien plus
grand risque d’être condamnés si ils perdent la foi, que celui qui mène une
humble vie chrétienne en attendant la venue du Seigneur. Le critère du jugement
n’est pas le degré d’ordination ou de la science de Dieu, mais la foi,
l’espérance et la charité qui doivent habiter le cœur de tout homme aimé de
Dieu.
On
peut comprendre qu’il n’y a rien à gagner au ciel à être apôtre ou évêque sur
la terre, sinon à prendre davantage de risques de ne pas pouvoir y entrer à
cause de ses nombreux péchés ! Mais on sait aussi que les Apôtres sont
appelés à siéger avec Jésus, sur Douze trônes pour y juger avec lui toutes les
nations, c’est-à-dire à participer à sa royauté. Jésus y fait allusion, quand il dit, à propos de l'intendant: « Il l’établira sur tous ses biens. » Il y aura donc une récompense
particulière, une place particulière, mais qui ne dépend que de la fidélité de
l’Apôtre d’une part, et de la grâce de Dieu d’autre part, car à la droite et à
la gauche du Christ, les places sont réservées à ceux que le Père seul en aura
jugé dignes. Et ce peut être n’importe qui ; même un larron !