Is
66, 10-14c ; Ps 65 ; Ga 6, 14-18 ; Lc 10, 1-12.17-20
Chers
frères et sœurs,
Jésus
nous enseigne aujourd’hui ce qu’est l’évangélisation : la proclamation de
la bonne nouvelle de sa résurrection et de l’ouverture du ciel à ceux qui sont baptisés
en son nom. Il y a plusieurs choses à noter.
Tout
d’abord, Jésus désigne 72 disciples, en plus des Douze apôtres, déjà appelés
auparavant. Pour saint Luc, le nombre 72 n’est pas choisi au hasard. Il
signifie que les disciples sont envoyés à toutes les générations – la
généalogie de Jésus dans saint Luc compte 72 générations – de telle sorte que
l’évangile soit annoncé à tous les âges jusqu’à la fin des temps, jusqu’au
dernier jour, Jésus étant au centre de l’histoire du salut. C’est ainsi que
saint Irénée de Lyon le comprend. Il note également que ce nombre représente
aussi l’universalité des nations et des langues – toute l’humanité en somme.
Ensuite,
Jésus enseigne que les disciples sont envoyés par lui, là où lui-même Jésus doit
se rendre. Les disciples sont des ambassadeurs qui annoncent sa venue, la venue
de son règne. Ils sont précurseurs pour les nations, comme saint Jean-Baptiste
était lui-aussi précurseur pour Israël.
Cependant
Jésus n’agit jamais seul, mais toujours avec le Père et l’Esprit Saint. Ainsi, lorsque
les disciples annoncent la paix à une famille, à un pays, soit ceux-ci sont
déjà amis de la paix – c’est-à-dire que le Père a déjà préparé leur cœur à
recevoir la bonne nouvelle – et c’est l’illumination ; soit ce n’est pas
le cas et la mission aboutit à l’échec.
Ainsi
notre Père devance déjà les missionnaires dans le cœur des gens ; les
missionnaires n’ont qu’à leur annoncer la paix au nom de Jésus : il suffit,
par grâce, qu’ils l’accueillent et s’en réjouissent, pour que cette paix –
c’est-à-dire l’Esprit Saint – vienne reposer sur eux, et qu’avec elle, Jésus
lui-même vienne habiter dans leur cœur.
Relevons
que, pour Jésus, nombreux sont ceux qui sont en attente de la bonne
nouvelle : « la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu
nombreux. »
D’un
point de vue pratique, Jésus envoie ses disciples « comme des agneaux
au milieu des loups », c’est-à-dire sans aucune agressivité, et ne
répondant par la réciproque à aucune agressivité. Au contraire, il s’agit de
faire preuve d’innocence et d’humilité. Jésus précise ensuite : « ne
portez ni bourse, ni sac, ni sandales ». On peut comprendre que les
disciples ne doivent pas s’embarrasser de biens inutiles pour se confier plutôt
à la Providence.
Cependant,
le vocabulaire employé par saint Luc désigne des objets assez précis. La bourse
dont il est question renvoie aux notions d’idolâtrie et de vol, au mauvais
usage de l’argent. Le sac correspond plus à une sorte de carquois qu’à une
besace : c’est dans ce type de sac que David avait placé les cinq pierres
dont il allait frapper Goliath. Probablement Jésus veut-il dire ici que
l’annonce de l’Évangile ne peut pas se faire sous forme de menace, de
coercition. Il s’agit plutôt d’une libre bénédiction, ce pourquoi Jésus invite
ensuite ses disciples à prendre soin des malades. La référence aux sandales est
plus difficile à comprendre. Il s’agit de sandales de rechange. Certainement
Jésus demande-t-il à ses disciples de se présenter en ayant renoncé à toutes
les dignités mondaines, jusqu’à risquer de se retrouver un jour publiquement
pieds nus, c’est-à-dire en totale humilité, dans la position d’esclave.
Tout
cela nous donne un bon portrait-robot du chrétien, ambassadeur du Christ :
innocent comme un agneau, il est humble et pauvre, doux et chaleureux, abandonné
à la Providence. On pense aux Béatitudes ; on pense aussi à Jésus
lui-même.
Pour
terminer, attardons-nous à l’observation joyeuse des disciples : « Même
les démons nous sont soumis en ton nom ! », ce dont Jésus se
réjouit également. En effet, il se passe sur terre avec les missionnaires de
l’Évangile, ce qui se passe au ciel avec Michel et ses anges, combattant Satan
et ses démons. Comme si c’était le même combat sur la terre et dans le ciel,
comme si l’armée des disciples correspondait à celle des anges. Mais c’est bien
le cas ! Et si Jésus voit que ses disciples sont vainqueurs des démons,
c’est qu’il en est de même au ciel pour Michel et ses anges. Alors c’est que, d’une
part, le Jour de Dieu est proche, et d’autre part, que les noms des disciples
sont déjà inscrits dans les tables des armées du ciel, dans le grand livre de la
communion des saints.
Voilà,
chers frères et sœurs, l’enseignement de Jésus sur l’évangélisation. Soyons
conscients de notre dignité à ses yeux, tout en étant les plus humbles parmi
les hommes. Combattons fermement les puissances du mal, mais soignons avec
douceur ceux qui en souffrent. Ne nous reposons pas sur les biens terrestres,
mais sur l’aide généreuse des personnes que le Seigneur a prédisposées à
recevoir de nous la bonne nouvelle : ils sont en attente, et ils sont plus
nombreux que nous l’imaginons. Et cela, jusqu’au Jour de la venue de Jésus.