dimanche 20 juillet 2025

19-20 juillet 2025 - VEREUX - VALAY - 16ème dimanche TO - Année C

 Gn 18, 1-10a ; Ps 14 ; Col 1, 24-28 ; Lc 10, 38-42
 
Chers frères et sœurs,
 
Comme d’habitude chez saint Luc, il y a au moins deux clés pour comprendre l’Évangile. D’abord, il s'agit de faire attention à ce qu’il se passe, aux lieux, aux gestes, autant qu’aux paroles. Dans ce sens, il faut observer que Jésus se rend dans la maison de Marthe. Mentionner une maison, dans l’Évangile, est une manière d’évoquer le Temple. Marthe est chez elle dans le Temple : elle figure le peuple d’Israël, le peuple fidèle qui sert Dieu – ici Jésus – dans son Temple, dans lequel Il vient demeurer. Retenons cela.
Ensuite – même si la traduction ne nous aide pas beaucoup – il faut remarquer que, la première, Marie vient près de Jésus ; elle s’assoit sans rien dire, et elle écoute Jésus parler. Elle écoute la Parole : elle écoute la Parole de Dieu. Ensuite Marthe vient à son tour près de Jésus ; elle reste debout et elle s’adresse à Jésus : elle lui coupe la parole ; elle empêche la Parole de Dieu de s’exprimer. Son attitude orgueilleuse ne lui permet pas d’écouter la Parole de Dieu.
On retrouve ici entre Marthe et Marie l’opposition que Jésus a déjà relevée entre le pharisien qui fait sa propre louange dans le Temple, et le publicain qui, écrasé par son péché, demande à Dieu son pardon. Jésus dit : « Quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » On se souviendra, que pour saint Jean, Marie de Béthanie est celle qui a répandu du parfum sur les pieds de Jésus et les a essuyés de ses cheveux, parce qu’elle était une grande pécheresse.
Aujourd’hui nous avons un conflit entre deux sœurs, dont Jésus est l’arbitre. Mais on l’a aussi déjà vu arbitrer entre deux frères : le fils prodigue et son frère aîné, qui se plaint à son père qu’on reçoive à grands frais son frère pécheur : « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres ! » Et souvenez-vous de la réponse : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Le père dirait donc aujourd’hui à Marthe : « Pourquoi t’inquiètes-tu ? Je sais bien que tu me sers, que tu me sers bien, du mieux que tu peux ; et je suis toujours dans ta maison, avec toi, et toi avec moi, parce que c’est aussi ma maison. »
 
On voit apparaître ici un décalage entre ce que dit Marthe et ce que lui répond Jésus. La première, qui est dite accaparée, se plaint que Marie ne l’aide pas dans son service. Et Jésus lui répond qu’elle se disperse, tandis que Marie a choisi la meilleure part. Ils ne parlent pas de la même chose, ou plutôt, pas au même niveau. Pour comprendre, il faut employer la seconde clé qu’utilise habituellement saint Luc : les mots-clés, semés comme des petits cailloux dans le texte.
Le premier est le verbe traduit ici par « accaparé » qui, en araméen, n’a qu’une seule occurrence parallèle dans toute la Bible, dans le livre de Qohélet (l’Ecclésiaste), pour dire la vanité, en raison de son impossibilité, d’une recherche en vue de la connaissance totale de l’univers : « J’ai pris à cœur de rechercher et d’explorer, grâce à la sagesse, tout ce qui se fait sous le ciel ; c’est là une rude besogne que Dieu donne aux fils d’Adam pour les tenir en haleine. J’ai vu tout ce qui se fait et se refait sous le soleil. Eh bien ! Tout cela n’est que vanité et poursuite de vent ! » La quête de Marthe et sa dispersion la perdent dans du sable. Et le second mot-clé est mal traduit : Marie n’a pas choisi la « meilleure part », mais la « bonne part », c’est-à-dire la « part de Dieu » : Dieu lui-même ; la part des lévites.
Nous comprenons donc que la question réelle de cette histoire est celle de la manière dont il faut se comporter avec Dieu dans le temple de son cœur : soit on veut se justifier soi-même en faisant un mauvais usage de sa raison, de la sagesse, pour constater avec colère qu’on se perd dans des recherches sans fin, suscitant jalousie vis-à-vis de ses frères et sœurs, et orgueil vis-à-vis de Dieu ; soit on se présente simplement à lui, tel qu’on est, petit ou grand pécheur, avec grande humilité, pour le prier d’accorder sa Parole, son pardon, un peu de vie nouvelle. Et c’est là le culte véritable, le service véritable, attendu par Dieu dans le cœur de l’homme.
 
En définitive et pour conclure, dans une situation humaine concrète, Jésus – et saint Luc – discernent le véritable enjeu spirituel qui concerne l’amour de Dieu et celui de nos frères, et sœurs en l’occurrence : il n’y a pas de petits et grands moments dans notre relation à Dieu. Même des événements de vie courante ont de la valeur à ses yeux. Pour Marthe, qui a reçu une leçon, Jésus n’oublie pas qu’il est reçu chez elle pour y trouver le meilleur service possible – le grand souci de Marthe – et cela ne lui est pas retiré, cela ne lui est pas reproché. Jésus crée simplement dans sa maison une place nouvelle et particulière pour Marie, et à travers elle pour toutes les nations : une place pour les pécheurs qui aiment Dieu et son aimés de lui. Ainsi dit-il à leur propos : « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion », et : « Si vous aviez compris ce que signifie : “Je veux la miséricorde, non le sacrifice”, vous n’auriez pas condamné ceux qui n’ont pas commis de faute. »

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