dimanche 13 juillet 2025

12-13 JUILLET 2025 - CITEY - CHARENTENAY - 15ème dimanche TO - Année C

Dt 30, 10-14 ; Ps 18 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous avons l’impression que le docteur de la Loi fait passer deux examens à Jésus. Mais en réalité, c’est l’inverse : au premier examen, le docteur de la Loi obtient son bac, et au second il obtient sa licence. Et c’est Jésus qui examine.

Comprenons, en effet, que le système scolaire en Israël est composé de trois niveaux : au primaire, on apprend à lire et écrire l’hébreu, à connaître les bases de la Torah et de l’histoire d’Israël. Au secondaire,  le malpanâ, le maître, fait apprendre par cœur la Torah et les psaumes, avec quelques commentaires et explications. Notons ici que le docteur de la Loi appelle Jésus « maître » : il le prend donc au mieux pour un prof de lycée, c’est-à-dire pour lui un collègue, puisqu’un docteur de la Loi se situe à ce niveau. Son métier en effet est de connaître par cœur la Torah pour assister des rabbis quand ils enseignent. C’est pourquoi Jésus lui dit : « Dans la Loi, qu’y-a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » ; il lui demande tout simplement de faire son métier. Et d’ailleurs, le docteur de la Loi lui répond parfaitement – ce que Jésus va souligner en lui donnant les félicitations : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Ainsi, la première partie de l’évangile correspond à un examen de niveau bac.
Fort de cette réussite, le docteur de la Loi s’enhardit et interroge Jésus : « Et qui est mon prochain ? » On passe alors au troisième niveau du système scolaire : celui des rabbis. Il s’agit ici d’approfondir et d’éclairer les enseignements du maître, notamment par le moyen du midrash, c’est-à-dire par un raisonnement fondé sur des citations tirées de la Torah, des psaumes, et des prophètes. On est à la fac. Et justement, la parabole du Bon samaritain est exactement un midrash : le récit est tissé de références aux Écritures pour exposer un profond enseignement spirituel. Ici, Jésus ne répond plus en malpanâ, en prof de lycée ; il répond en rabbi, en prof de fac. Il faut donc que le docteur de la Loi fasse appel à toutes ses connaissances pour pouvoir le suivre ! Essayons nous aussi de comprendre.
 
L’homme descend de Jérusalem à Jéricho : il part de la ville sainte, la ville de Dieu, pour descendre à la ville la plus basse du monde, sous le niveau de la mer. C’est un homme qui, comme Adam, chute du Paradis à l’enfer : c’est tout homme pécheur.
C’est la raison pour laquelle il est attaqué par les bandits, les démons, qui le laissent mourant sur le chemin. Telle est la condition humaine. Il demeure en nous toujours notre dignité car nous avons été créés à l’image de Dieu, mais nous avons été défigurés, blessés, par le péché : nous avons perdu la ressemblance d’avec Dieu. Il y a en nous une part de vie et une part de mort, et comme l’homme abandonné sur le chemin, nous attendons un secours, ce qu’on appelle « le salut ».

Arrivent alors successivement un prêtre et un lévite. Mais ils évitent l’homme. Jésus n’a pas besoin d’expliquer au docteur de la Loi pourquoi ils se comportent ainsi : il le sait très bien, comme tous les autres auditeurs de Jésus. C’est que le prêtre et le lévite obéissent à un précepte de la Loi, donné dans le Lévitique : « Le Seigneur dit à Moïse : « Parle aux prêtres, fils d’Aaron. Tu leur diras : Aucun de vous ne se rendra impur pour un mort de sa parenté » » - sauf si c’est quelqu’un de sa très proche parenté. En effet, prêtres et lévites sont consacrés au culte de Dieu, et ils doivent absolument se garder purs pour éviter de pervertir ce culte. N’oublions pas ici que le culte de Dieu, ce sont concrètement les sacrifices au Temple de Jérusalem. Si jamais un prêtre ou un lévite contracte une impureté, c’est-à-dire est contaminé par une bactérie, alors les sacrifices c’est-à-dire les viandes qui sont consommées par ceux qui les offrent, et tous les objets du Temple, et le Temple lui-même, deviennent eux-aussi contaminés. On comprend naturellement l’intransigeance de la Loi en cette matière. Par extension, on comprend que, selon la Loi, ce n’est pas la vocation des prêtres et des lévites qui sont spécialement consacrés à Dieu, de se consacrer aux hommes.

En attendant, notre homme blessé est toujours sur le chemin. Passe alors le Samaritain. En hébreu, la racine du mot « samaritain » signifie « gardien », comme un « ange gardien ». Mais en fait, et toutes les Écritures le disent : le « gardien d’Israël », le protecteur d’Israël, c’est Dieu lui-même. Le docteur de la Loi le sait. Et d’ailleurs le samaritain est « saisi de compassion ». Dans les Écritures, seul Dieu – ou Jésus – sont « saisis de compassion ». En deux mots, Jésus dit que c’est Dieu lui-même qui arrive sur le chemin, auprès de l’homme perdu.
Dieu n’a pas à observer les lois de pureté : il est lui-même pureté infinie. Il s’approche et panse les blessures de l’homme, y verse de l’huile et du vin. Il le lave, le cautérise avec le vin, il l’habille, il l’oint avec de l’huile : il le baptise pour le guérir de son mal et le rendre à la vie. Puis, il le charge sur son âne et le conduit à l’auberge où il prend « soin de lui » – c’est-à-dire qu’il le nourrit. Glorifié comme un roi assis sur son âne, en procession le baptisé est conduit au Temple, à l’Église, pour y recevoir l’Eucharistie, la communion. Cela est évident pour un chrétien, mais pour le docteur de la Loi, c’est une révélation, qu’il peut aussi comprendre car toutes les références sont bibliques.
Plus encore, « le lendemain », à l’aube, jour nouveau, jour de résurrection, le Gardien s’absente et demande à l’aubergiste de prendre soin de l’homme convalescent, « jusqu’à ce qu’il revienne ». Là aussi un chrétien comprend : à l’évêque, Jésus monté au Ciel a confié l’humanité sauvée par le baptême : il doit la nourrir et la fortifier dans son Église, jusqu’à ce qu’il revienne. Le Gardien-Jésus dit encore : « Tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai. » En araméen, il ne s’agit pas simplement d’un remboursement, mais d’une récompense : d’un remboursement au centuple. La part des justes.

Alors Jésus conclut son midrash par une question-piège : « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Or le docteur de la Loi avait demandé : « Qui est mon prochain ? » Jésus a inversé la question : il ne s’agit pas de juger les hommes pour savoir qui est celui dont je dois prendre soin ; mais il s’agit de se faire proche de tous les hommes pour devenir soi-même leur prochain. Alors le docteur de la Loi répond à Jésus en confessant que le Samaritain, c’est Dieu. Il dit :  « Celui – on ne prononce pas le Nom de Dieu – qui a fait preuve de pitié envers lui ». Il sait que Dieu seul peut faire miséricorde, peut pardonner les péchés. Alors Jésus donne au docteur de la Loi sa licence en théologie et sa vocation chrétienne : « Va, et toi aussi, fais de même. »

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