Jos
5,9a.10-12 ; Ps 33 ; 2Co 5,17-21 ; Lc 15,1-3.11-32
Chers
frères et sœurs,
Les pharisiens et les scribes ont du mal à
comprendre ce que Jésus est venu faire sur la terre. Pour eux, le Messie,
l’envoyé du Seigneur, doit être un libérateur politique et religieux, qui doit
se mettre à leur tête pour la libération d’Israël, du peuple de Dieu. Mais
voilà que Jésus était entouré de publicains et de pécheurs. Du coup, les
scribes et les pharisiens ne comprennent plus rien. Jésus doit donc s’expliquer
sur le sens de sa mission, et c’est ce qu’il fait dans sa parabole du fils
prodigue.
Au début, nous avons une famille heureuse, avec
un père et ses deux fils, et des ouvriers qui mangent à leur faim. C’est le Paradis.
Mais voilà qu’un des deux fils demande à son
père son héritage, quitte la maison et brûle sa vie dans des plaisirs insensés.
C’est la chute d’Adam et Eve. Le fils a cru qu’il serait le plus fort tout seul ;
en réalité, il se retrouve le dernier de tous. Et c’est notre situation à nous,
les humains, qui avons perdu le Paradis, et qui vivons en godillant entre nos
heures de gloire et nos péchés cachés, avec la nostalgie intérieure de la paix
et de la liberté d’autrefois.
Pour Jésus, ce fils prodigue qui commence à
réfléchir et à se souvenir de la maison de son Père, c’est l’image de toute
l’humanité qui a mesuré l’étendue de son échec et pris conscience de ses
limites, et qui se dit qu’avec le Bon Dieu, finalement, c’était quand même
mieux. Alors, cet homme décide de revenir à la maison.
À partir de là, Jésus nous raconte presque le
parcours d’un catéchumène qui se prépare au baptême. Et en même temps, il nous annonce
sa Passion et sa résurrection.
Pour commencer, le fils prodigue revient à la
maison, comme Jésus va monter à Jérusalem pour la Pâque. Ce n’est pas une
partie de plaisir : il faut revenir avec la honte de son échec, la reconnaissance
et la confession de la vérité de sa situation, et l’espérance – peut-être pas
exaucée – de pouvoir être pardonné. Cela fait quand même beaucoup pour un seul
homme, pour son orgueil.
C’est pourquoi Jésus – bien qu’il n’était pas
pécheur lui-même – a emprunté ce chemin le premier. Il a été humilié pendant sa
Passion ; comme Dieu, il a confessé la vérité au tribunal des grands
prêtres et de Ponce Pilate ; comme homme, il a crié sur la croix son
désarroi : « Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». De son côté, le fils
prodigue a crié à son père : « Père,
j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé
ton fils ! ». Mais nous savons que leur cri a été entendu.
Car Dieu a ressuscité Jésus et le père s’est
précipité vers son fils et l’a couvert de baisers. C’est le message le plus
important de Jésus : Dieu nous attend tout le temps, et dès que nous
revenons vers lui, il se précipite vers nous pour nous prendre dans ses bras et
pour nous relever, pour nous faire rentrer à la maison.
Ainsi, lorsqu’un catéchumène se présente au
baptême, il commence par suivre le chemin difficile du fils prodigue, qui doit
se battre avec son histoire, son orgueil, son péché, le regard des autres, avec
parfois des humiliations et des incompréhensions. Et ce qui est vrai du
catéchumène l’est aussi du chrétien qui va se confesser. C’est pareil, n’est-ce
pas ? Mais au bout, il y a le baptême : mort et résurrection dans
l’eau, réconciliation avec Dieu, qui annonce la résurrection future dans le
Royaume, le retour à la maison, au Paradis.
Là, il y a des cadeaux : le vêtement, qui
est blanc pour un baptisé, représente notre corps de ressuscité, corps glorieux
et lumineux. La bague indique que l’on est redevenu enfant de Dieu, supérieur
aux ouvriers qui sont les anges. On peut dire que c’est la lumière du cierge du
baptisé allumée à celle du Cierge pascal. Et les sandales... Pouvoir porter des
sandales dans la maison de Dieu, c’est avoir la même dignité que lui. Au
baptême, on reçoit une onction qui fait de nous des prêtres, des prophètes et
des rois.
Finalement, être réconcilié, être baptisé,
c’est être revenu au Paradis, et même mieux, parce qu’on sait qu’on est aimé de
Dieu et qu’il nous donne sa propre gloire. C’est cela la vraie libération du
peuple de Dieu, réalisée par Jésus.