dimanche 7 avril 2019

7 avril 2019 - Cathédrale de Besançon - Conférence de Carême II - Père, donne-nous d'imiter la charité du Christ





PÈRE, DONNE-NOUS D’IMITER LA CHARITE DU CHRIST


Chers frères et sœurs,

La semaine dernière, j’avais développé ma méditation à partir de cette prière : « Père, augmente en nous la foi ». Considérant que la liturgie eucharistique était l’expression et la nourriture de cette foi, nous avions scrutée celle-ci dans ses profondeurs.

Mais lorsque Jésus a laissé ses recommandations aux Apôtres, il ne leur a pas seulement dit « vous ferez cela en mémoire de moi » (Lc 22,19), il leur a aussi demandé d’aller de toutes les nations, de faire des disciples et de les baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28,19). L’activité chrétienne se porte à l’amour de Dieu mais aussi à l’amour du prochain, selon le grand commandement donné par Jésus à ses disciples. L’oraison de ce dimanche nous invite d’ailleurs à tourner notre regard vers nos frères humains puisqu’elle exprime notre vœu d’imiter la charité du Christ, qui a donné sa vie par amour pour le monde.
Je vous propose donc de rechercher aujourd’hui, à la lumière de la foi, quelle peut être notre attitude à l’égard de notre prochain.

Mais, avant d’entrer dans cette réflexion, je voudrais m’arrêter sur un choix opéré par le traducteur de l’oraison. En introduisant la notion d’imitation de la charité du Christ, celui-ci nous pousse à considérer notre activité à l’égard du monde essentiellement dans une perspective morale. Or, ce n’est pas dans cette seule perspective que l’oraison a été rédigée primitivement.
D’une part, la perspective morale ne constitue pas à elle seule la position que nous avons à tenir à l’égard de Dieu et à l’égard du monde. Il est une autre perspective, qui est de type sacramentel, que je vais tâcher de nous faire redécouvrir.
D’autre part la perspective morale nous conduit, en suivant une pente assez naturelle, à considérer les choses surtout d’un point de vue individuel, tandis qu’une perspective sacramentelle nous permet de considérer aussi le corps de l’Église dans son ensemble, dont chaque baptisé est membre.

Pour illustrer ce propos et pour mieux en appréhender l’enjeu, nous allons dans un premier temps nous pencher sur la notion de sainteté. Ce choix, très volontaire, est justifié par le fait que la sainteté est la perfection de la charité. Ensuite, dans un second temps, nous reviendrons à notre réflexion sur l’attitude chrétienne à l’égard du prochain.


1)    La sainteté, perfection de la charité

Quand nous évoquons la sainteté, nous devons être attentifs au fait que cette notion se partage au moins en trois sens différents.
Le premier sens est que Dieu lui-même est la sainteté même : il est « le Saint ». Isaïe, bénéficiaire d’une vision de Dieu dans le Temple, entendait chanter les anges : « Saint ! Saint ! Saint ! le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de ta gloire » ! « Saint est son nom » disait fort justement la Bienheureuse Vierge Marie dans son Magnificat. Le second sens de la sainteté nous est peut-être plus commun : nous considérons qu’il est une qualité ou une propriété de Dieu : il est le « Dieu saint » ; on parle de la « sainteté de Dieu ». Nous sommes alors tentés de concevoir cette sainteté comme une vertu morale, et ce d’autant plus que, troisième sens, nous les humains, nous sommes aussi appelés à adopter cette sainteté pour devenir des saints. Nous sommes tous appelés à la sainteté.

Aussi, quand on entend « Soyez saints car je suis Saint » (Lv 20,26), nous comprenons qu’il s’agit d’une invitation, ou plutôt d’un ordre, d’acquérir ou d’imiter la sainteté de Dieu, pour tâcher de l’égaler.
Si nous sommes pélagiens, nous considérerons qu’il nous appartient en propre de faire des efforts, des sacrifices personnels, pour imiter cette sainteté. Certainement devons-nous y mettre du nôtre pour vivre en bons chrétiens, mais, quant à vouloir atteindre par nous-mêmes la sainteté de Dieu…  Nous savons bien que c’est humainement impossible !
Inversement, nous serions radicalement augustiniens si nous considérions que, de nous-mêmes, nous ne pouvons rien faire, et que seule la grâce de Dieu peut nous permettre de vivre un tant soit peu chrétiennement. Certains ont poussé cette position jusqu’à dire que nous serions donc prédestinés, les uns à devenir saints, les autres à se consumer en enfer.
Nous voyons bien que ces deux positions poussées à l’extrême, la pélagienne et l’augustinienne, sont des impasses.
En réalité, c’est bien Dieu qui le premier nous donne sa grâce, en nous poussant intérieurement vers le bien et en nous appelant à y répondre librement par notre volonté, en la mettant en œuvre par des pensées et des actions bonnes, c’est-à-dire en nous convertissant. Le Seigneur nous aide alors, aussi par sa grâce, à accomplir ces bonnes œuvres avec persévérance.
Prêcher la morale sans évoquer la grâce préalable de Dieu est une perversion de l’Évangile qu’il faut dénoncer. Mais cette grâce est un appel à notre liberté, et cela aussi, il ne faut jamais l’oublier.
Nous comprenons donc qu’imiter la charité de Jésus ou devenir saint sont des activités qui sont de notre responsabilité, mais qui ne dépendent jamais d’elle seule.

Cette dernière remarque nous permet de retrouver la première définition de la sainteté. Elle est d’abord et toujours celle de Dieu lui-même. Grâce prévenante avant toute action libre de l’homme, grâce sanctifiante qui lui permet de se convertir, grâce qui lui permet de persévérer, la grâce de Dieu sous toutes ses formes, imprègne ou éclaire tout le cheminement de l’homme. Elle est comme la lumière qui éclaire son chemin. Aussi, la sainteté ne dépend absolument pas de nous : elle est donnée comme le soleil éclaire la terre, qu’il y ait des nuages ou pas. Et elle est de nature complètement différente de la nôtre : elle est divine alors que nous sommes des créatures, et, pour nous, devenir saint c’est devenir divin. Nous comprenons bien que cela n’est pas de notre ressort.
À ce propos, il est une autre formulation de l’appel à la sainteté que j’ai mentionné tout à l’heure : « Vous serez saints car je suis Saint ». Ici il n’est pas question d’abord d’une obligation morale mais d’une promesse de sanctification qui sera accordée par Dieu. Dieu veut nous communiquer sa sainteté et il désire simplement que nous nous préparions à l’accueillir. Dans ce cas, l’appel à la sainteté n’est pas d’abord une obligation morale mais une question de capacité d’accueil de la grâce de Dieu : c’est se tourner vers Dieu pour se mettre à l’écoute de sa Parole et tâcher de mettre celle-ci en pratique autant que nous en sommes capables. La sainteté de Dieu nous déborde, nous éblouit entièrement, mais en mettant nos faibles capacités à son service, nous pouvons en refléter, en transmettre, quelques rayons.

Justement, il est important de bien comprendre que la sainteté n’est pas un bloc monolithique tel que nous serions saints ou pas du tout, de manière binaire. Entrer dans la sainteté de Dieu, en être revêtu, est une question de gradation, par des conversions et des consécrations successives. Les auteurs spirituels classiques se sont plus à décrire celles-ci comme des étapes : les commençants, les progressants et les parfaits, lesquels passent d’abord par la voie purgative, puis la voie illuminative et enfin la voie unitive. La théologie mystique du pseudo-Denys est à cet égard très stimulante. D’autres auteurs parlent, en faisant référence à la vision de Jacob, d’une échelle qui permet de monter au ciel. Sainte Thérèse d’Avila a proposé de se représenter le cheminement de la vie spirituelle comme un parcours dans un château, dans lequel il y a plusieurs chambres. Il est toujours intéressant de fréquenter ces auteurs, mais en prenant garde de ne pas mélanger trop rapidement leurs repères. Pour certains, par ailleurs, les degrés de la vie spirituelle correspondent théoriquement avec ceux du sacrement de l’Ordre, l’évêque ayant en lui la plénitude du Saint-Esprit. Nous retrouvons cela chez Bérulle, et dans l’école française de spiritualité. Notre époque, marquée par de nombreux échecs et scandales pourrait nous faire douter de la validité de telles constructions, mais les auteurs ont toujours affirmé que des chutes retentissantes étaient possibles et que les péchés commis étaient d’autant plus monstrueux que l’homme spirituel était avancé.

De ces considérations sur la sainteté, retenons donc, premièrement, que la sainteté de Dieu à laquelle nous sommes personnellement appelés – sainteté qui nous est sans cesse donnée et proposée par Dieu – attend de nous un accueil, une réception libre, une conversion efficace en actes, pour vivre de manière sainte dans ce monde. À travers luttes et tentations, nous avons vu que cette sainteté peut grandir d’étapes en étapes jusqu’à nous unir à celle de Dieu lui-même, pour que nous devenions véritablement saints.
Mais, deuxièmement, la sainteté de Dieu ne peut pas être réduite à une exigence morale, qui concernerait d’abord les personnes individuelles : il est une autre perspective qui est première. Le Dieu saint, par l’incarnation de son Fils Jésus et par le don de son Esprit, nous manifeste sa sainteté et nous y fait participer. Il s’agit d’un don de Dieu, d’une illumination autant que d’une sanctification-consécration qui revêt un caractère sacramentel, et ce don concerne d’abord le peuple choisi par Dieu, l’Église, avant de s’appliquer de manière individuelle à chaque personne. L’Église n’est donc pas une assemblée profane, mais une assemblée sainte, dont la structure très particulière, hiérarchique et charismatique, reflète la sainteté de Dieu même, quel que soit le degré de sainteté de ses membres.

En nous rappelant que la sainteté est la perfection de la charité, nous pouvons donc affirmer que l’Église est l’expression sacramentelle, hiérarchique et charismatique, de la charité de Dieu, qui se construit et se donne à comprendre au monde de cette manière particulière. Nous pouvons affirmer également que, recevant et vivant de ce don de Dieu, nous sommes tous appelés collectivement et individuellement à répondre à cette divine charité, en nous en imprégnant, en l’imitant, pour devenir nous aussi, par grâce, une communauté et des personnes charitables, jusqu’à être tous unis dans la charité même.


2)    La charité chrétienne à l’égard du prochain

Maintenant nous pouvons revenir à notre propos initial, relatif à notre attitude chrétienne à l’égard de notre prochain, en nous remémorant l’oraison de ce dimanche et en n’oubliant pas que l’imitation de la charité du christ n’est pas seulement morale mais d’abord sacramentelle : « Que ta grâce nous obtienne Seigneur, d’imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde ».
Je vous propose donc simplement deux brèves méditations avant d’arriver à la conclusion. La première méditation me permettra d’illustrer concrètement ce que j’entends quand j’emploie le mot « sacramentel ». La seconde, en guise d’application, me permettra ensuite de mettre en perspective la charité concrète comme expression des mystères du salut.

Un sacrement, chers frères et sœurs, est un signe par lequel nous est communiquée la vie divine. Ce signe, institué par Jésus et confié à son Église, est sensible et efficace. L’Église elle-même est un sacrement de l’action de Dieu dans le monde. Par l’Église, Dieu communique son amour au monde, sa charité. Elle le fait de manière excellente quand elle célèbre l’Eucharistie et permet à chacun de ses membres d’accéder à la communion des saints. La posture qui permet donc à l’Église de communiquer la charité de Dieu au monde, c’est d’offrir à Dieu le sacrifice d’action de grâce. Cette dernière observation appelle trois commentaires.

Premièrement la plus grande charité de Dieu pour le monde – la communion au Corps et au Sang de Jésus – lui est communiquée par une œuvre non pas d’abord individuelle mais collective, hiérarchisée certes, mais commune. Ainsi donc, lorsque nous voulons apporter l’amour au monde, la charité, la justice et la paix, dans leur plus grande intensité, il faut considérer que c’est une activité de toute l’Église, dans laquelle nous avons tous notre responsabilité, chacun à notre mesure, par participation. Et la qualité de cette participation a à voir avec notre propre sanctification personnelle, l’accomplissement de notre propre vocation dans l’Église.
Comment voulez-vous qu’un orchestre joue magnifiquement s’il manque les violons ? Ou bien si les violons ne sont pas accordés ? Mais, la prééminence du collectif n’empêche pas, nous le verrons, que l’action charitable soit aussi individuelle, dans une moindre mesure. Après-tout, on peut aussi jouer un concerto avec un seul violon !

Deuxième commentaire : ce n’est pas une charité propre à elle-même que l’Église communique au monde, mais la charité de Dieu lui-même, qui est Dieu lui-même. Ainsi donc, la vraie charité que nous avons à porter à notre prochain n’est pas une charité qui provient de nous-même, de notre propre jugement, mais elle doit être le fruit de l’amour que nous portons à Dieu : elle est une charité qui vient de Dieu, que nous lui demandons et qui est donnée à d’autres à travers nous. C’est exactement ce qu’il se passe quand nous disons : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ».  Il n’en demeure pas moins que la qualité de l’amour que nous portons à Dieu est justement vérifiée par l’intensité de la charité que nous avons aussi pour notre prochain.
C’est comme si nous étions des panneaux solaires. Si nous voulons produire de l’électricité ou de la charité avec une intensité maximale, il faut que nous soyons tournés le plus possible vers le soleil, c’est-à-dire vers Dieu. Faute de quoi nous serions bien peu performants. Et on peut toujours diriger notre panneau avec un peu d’électricité pour qu’il suive la course du soleil : la charité que nous avons pour notre prochain nous aide aussi à nous tourner droit vers notre Père.

Troisième commentaire enfin, il ne faut pas oublier que si le Seigneur nous demande de célébrer la liturgie eucharistique, ce n’est pas pour sa gloire, mais c’est pour que nous puissions recevoir celle-ci. Si nous voulons avoir la charité pour l’exercer au bénéfice de notre prochain, il nous faut accomplir un acte liturgique dont le ressort principal est l’amour de Dieu comme action de grâce pour ses bienfaits.
Or, ne nous trompons pas, l’acte liturgique dont je parle est signifié sacramentellement de manière parfaite dans la liturgie eucharistique, mais il est de même nature quand il est aumône, jeûne et prière, pratiqués de manière cachée. De manière cachée, exactement comme le Grand Prêtre est caché quand il pénètre dans le Saint des Saints pour la liturgie du Grand Pardon. Ainsi, dans des actes de charité très concrets et très simples, quand ceux-ci sont pratiqués de manière cachée, se trouve aussi le secret de l’amour de Dieu et du prochain.

Au bout du compte, être chrétien, c’est être comme un vitrail : avec notre personnalité propre qui lui donne des couleurs particulières, notre vocation est de nous laisser illuminer et de laisser passer à travers nous une lumière divine qui vient d’ailleurs. Il s’agit que notre prochain soit éclairé d’une lumière, d’une charité qui ne peut pas provenir de nous, mais qui provient de Dieu. Et c’est pourquoi nous devons agir de manière cachée et nous faire transparents : « Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue » disait saint Jean-Baptiste (Jn 3,30). « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi », s’exclamait saint Paul (Ga 2,20). Et Jésus lui-même affirmait : « Celui qui m’a vu, a vu le Père ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres » (Jn 14,10).
N’y-a-t-il donc pas de meilleure manière d’imiter le Christ que de vouloir faire comme lui la volonté de son Père, par amour ? Et cette volonté n’est-elle pas que tous les hommes vivent dans sa sainteté, c’est-à-dire dans sa charité ? (1Th 4,3). Telle est la vocation de l’Église-sacrement.

Il est possible, chers frères et sœurs, que vous ayez l’impression que mes propos, malgré quelques touches concrètes, soient quelques peu éloignés de la vie réelle. Et pourtant je voudrais vous montrer – et c’est ma seconde brève méditation – que des gestes très simples, sont profondément enracinés dans l’évangile, non pas parce qu’il s’agirait d’obligations morales, d’une loi de charité obligatoire promulguée par Jésus, mais parce que c’est toujours la gloire de Dieu, sa sainteté, sa divine charité qui est en jeu.

Vous vous souvenez certainement de ces paroles de Jésus : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi ».
Bien sûr, Jésus parle ici de lui-même : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » et il nous montre ainsi que d’aimer son prochain est une manière concrète d’aimer Dieu. Le pauvre est aussi, malgré lui, un vitrail qui fonctionne dans l’autre sens.

Mais pensez-vous que la parabole de Jésus se limite à cette lecture immédiate ? Je ne crois pas, parce que Dieu ne nous demande pas de pratiquer des choses qu’il n’aurait jamais pratiquées auparavant pour nous. Je veux dire que lui-même a pris soin du plus petit de ses frères. Et celui-ci a un nom : c’est Adam.
N’est-ce pas que Jésus, en se faisant chair, en acceptant de mourir et de descendre aux enfers, est venu jusqu’à lui qui habite la prison par excellence, celle de la mort ? N’est-ce pas que Jésus, en se faisant condamner comme un pécheur et en donnant sa vie sur une croix pour le pardon des péchés, est venu guérir la plaie toujours ouverte de son péché, pour lui permettre de revivre dans la lumière de l’amour de Dieu ? N’est-ce pas que Jésus, en ressuscitant Adam avec lui, l’a couvert, lui qui était nu, du vêtement somptueux de la gloire de Dieu, de sa sainteté, le vêtement lumineux des corps ressuscités ? N’est-ce pas que Jésus lui a accordé aussi, à lui qui était devenu étranger du Paradis, d’y être maintenant accueilli comme fils de Dieu, supérieur aux anges ? Il est comme le fils prodigue, qui après avoir été vêtu, se voit passer au doigt l’anneau d’une alliance éternelle, avec Dieu son Père. N’est-ce pas enfin, que Jésus a conduit le vieil Adam, jusqu’au festin des noces de l’Agneau, pour y trouver à manger et à boire en abondance, dans la joie et les danses ?

En effet, chers frères et sœurs, comme vous le voyez, ce que Jésus nous demande de faire, par imitation, c’est d’offrir, à notre mesure à notre prochain, le même salut que Jésus lui-même nous a gagné par son incarnation, sa mort et sa résurrection et son ascension.
Mais plus encore, le modèle-même de ces actes charitables – vous le savez depuis que j’ai relié la parabole du fils prodigue avec eux – se trouve dans les sacrements de l’initiation chrétienne. Il n’y a jamais séparation entre la liturgie et les activités caritatives, mais compénétration selon le sens et l’orientation donnés par l’histoire du salut. Et il n’y a qu’une seule charité en Dieu, qui se diffracte selon des modes différents.


Pour terminer, chers frères et sœurs, je ne voudrais pas vous laisser sur un non-dit et manquer à votre égard de charité, de vérité. Il me reste à vous dire une dernière chose, qui concerne la condition de possibilité de toutes mes paroles, de leur rapport avec la réalité.
Si Jésus n’est pas vraiment homme et vraiment Dieu ; s’il ne s’est pas fait chair, n’est pas réellement mort et réellement ressuscité ; s’il n’est pas réellement apparu vivant d’une vie nouvelle à ses disciples avant son ascension ; et si ceux-ci n’ont pas été remplis de l’Esprit Saint, alors – comme dirait Saint Paul – mes propos sont vides et notre foi est vaine (1Co 15,17).
Si, au contraire, ces affirmations de notre foi – telles que nous les avons reçues dans le Credo – expriment la réalité, alors nous ne sommes pas seulement dépositaires de l’histoire extraordinaire de Jésus sauveur, mais coopérateurs de sa charité toujours à l’œuvre, qui sauve, qui guérit, qui élève et qui fait vivre, non pas seulement pour la vie présente, mais aussi et déjà pour la vie éternelle, dans l’amour de notre Dieu. Alors seulement, chers frères et sœurs, nous sommes le Corps du Christ offert pour le monde.

Articles les plus consultés