Ex
12,1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1Co 11,23-26 ; Jn 13,1-15
Chers frères et sœurs,
Nous avons tous été émus par l’incendie de
Notre-Dame de Paris. Un incendie, c’est toujours impressionnant et même cela
fait peur. Car, attisé par le souffle du vent, la destruction que le feu
entraîne semble inexorable. On ne peut que saluer ici le courage et le
professionnalisme des sapeurs-pompiers, dont nous pouvons être fiers. En
définitive, l’apparence extérieure de la cathédrale est atteinte, la flèche est
tombée, mais les structures, les biens les plus précieux et la croix qui
présidait dans le cœur – comme la statue de Notre-Dame – n’ont pas été
détruits.
Nous pouvons y lire une parabole de l’état de notre
Église catholique aujourd’hui. Car une église de pierre est à l’Église de chair
– celle que nous formons – ce que la croûte d’un pain est à sa mie. Vous le
savez bien, ça brûle dans notre Église aujourd’hui et l’apparence extérieure,
sur laquelle soufflent les médias, est en feu. Comme la flèche de Notre-Dame,
un des plus hauts hiérarques de l’Église de France est tombé, entraînant dans
sa chute beaucoup de dégâts, peut-être irréparables. Et on se demande quand ce
cataclysme va s’arrêter. Justement, nous devons faire confiance à tous ceux – soldats
du feu, les anges et les saints dont nous pouvons faire partie – qui s’occupent
d’éteindre l’incendie. Et il nous faut espérer que leur combat – car c’en est
un – permettra de montrer que la structure de l’Église, son cœur en laquelle se
trouve la croix de Jésus, est indestructible.
Car il faut bien comprendre, chers frères et
sœurs, ce qu’est l’Église : elle est le corps de Jésus ressuscité. Elle
est donc indestructible et éternelle, parce qu’elle vit et se nourrit sans
cesse de lui. L’Église, ce sont les chrétiens qui, en communion avec leur
évêque, célèbrent l’eucharistie et communient au Corps et au Sang de Jésus. Le
cœur de l’Église c’est la messe. Et justement, c’est à cause d’elle et pour
elle que les chrétiens construisent des églises. Aussi bien peut-on détruire
des églises de pierre, tant que des chrétiens iront à la messe, ils les
reconstruiront pour témoigner de leur foi en la résurrection de Jésus. C’est
aussi évident et naturel qu’un boulanger, ça fait du pain, et qu’un vigneron, ça
fait du vin.
Maintenant venons-en à ce qu’il se passe avec
Jésus, ce soir, au cours de la toute première messe de l’histoire. Il s’agit de
la préparation des Apôtres à sa célébration et à la communion : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part
avec moi », explique Jésus à saint Pierre. Pourquoi donc fallait-il
que Jésus lave leurs pieds alors qu’ils venaient de se laver dans des bains de
purification, comme font tous les juifs pour pouvoir participer à la
Pâque ? Parce que Jésus n’a pas besoin de spectateurs pour la messe, il
veut des prêtres pour la célébrer avec lui.
La Pâque n’est pas un spectacle où assistent
des curieux, c’est une œuvre de tout le peuple, avec les prêtres, tous
ensemble, au service de Dieu. Et c’est ce que demande Jésus à ses
disciples : en achevant de les laver entièrement, jusqu’aux pieds, il les
prépare à faire ce que font les prêtres : servir Dieu en lui offrant le
sacrifice d’action de grâce, avec lui. La messe est un service de Dieu que nous
accomplissons tous ensemble, chacun selon sa vocation, avec Jésus.
Souvenez-vous chers frères et sœurs, quand vous
avez été baptisés, vous avez été oints avec le saint-Chrême qui a fait de vous
des prêtres, des prophètes et des rois. Par le geste du lavement des pieds,
Jésus, à travers le prêtre qui accomplit ce geste de purification, permet au
prêtre spirituel que nous sommes tous, en vertu de notre baptême, de pouvoir
célébrer avec lui l’eucharistie et de communier à lui en toute sainteté.
Mais ne nous trompons pas, il ne s’agit pas
d’un rite magique. Si Jésus s’abaisse en retirant son vêtement, et en passant
un linge autour des reins ; si saint Pierre est profondément gêné par ce
geste où Jésus s’humilie ainsi devant lui, c’est parce que cette purification
est une déclaration d’amour de Dieu à ses Apôtres. Dieu s’humilie et donne sa
vie, pour que nous soyons associés à lui dans sa gloire, pour avoir part à sa
sainteté. Le lavement des pieds est un geste d’amour que fait Dieu à notre
égard, et il nous demande – pour être vraiment ses prêtres – de refaire
nous-même ce geste d’amour – ou tout autre similaire – à l’égard de nos frères.
En conclusions, chers frères et sœurs, nous
pouvons voir les choses ainsi. Dieu nous a aimé et a donné sa vie pour nous,
pour que nous vivions de son amour et que nous partagions cet amour avec les
autres. Cette vie et ce partage, c’est exactement la communion : le corps
et le sang de Jésus auquel nous communions. Et c’est à cause de cela et pour
cela que nous nous réunissons et que nous formons l’Église de Dieu, l’Église
catholique, la même dans tous les pays du monde. Et parce que cette communion
d’amour et de vie est si puissante, nous bâtissons des chapelles, des églises,
des cathédrales. Et tant que l’amour de Dieu sera la source de notre vie, rien,
pas même les rires du démon, ne nous empêchera de les reconstruire si
nécessaire. Chers frères et sœurs, tant que nous communions à la messe, nous
sommes des vivants.