Is 52,13
à 53,12 ; Ps 30 ; Hb 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1 à 19,42
Chers
frères et sœurs,
Après ce grand déferlement de violence, voilà
qu’il se fait un grand silence. Jésus repose dans le tombeau après avoir reçu
les soins de Joseph d’Arimathie et de Nicodème. Des soins de roi. Une page se
tourne sur le grand mystère de Jésus.
Pour Joseph et Nicodème, comme pour tous les
disciples, c’est la consternation. Ce Jésus, fils de la lignée royale de David,
maître de sagesse en Israël, consacré par Dieu comme Messie sauveur, dont
l’autorité en a imposé jusqu’au préfet de Judée, voilà qu’il est mort, réduit
au silence, anéanti. Et avec lui toutes les espérances de ses disciples, qui de
surcroît, l’ont assez lâchement abandonné durant sa Passion. C’est le vide, c’est
le doute, c’est l’échec : c’est le Vendredi Saint.
Jésus avait prévu ce moment douloureux. Il
avait prévenu ses disciples : « Veillez
et priez pour ne pas entrer en tentation ». C’était au Jardin des
Oliviers, alors qu’il priait son Père : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi !
Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux ». Car
en effet, l’Heure de Jésus était venue, cette Heure qu’il attendait autant
qu’il la redoutait. N’avait-il pas déclaré dans un bref moment d’angoisse :
« Maintenant mon âme est
bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non !
C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom !
». Voyez-vous chers frères et sœurs, Jésus savait que son Heure serait
difficile, insoutenable même, et il avait donné le remède à ses
disciples : « Veillez et priez
pour ne pas entrer en tentation ».
Mais au fait, qui a été tenté le plus durant la
Passion ? Les disciples ou bien Jésus lui-même ?
Souvenez-vous, lorsque Jésus avait été quarante
jours au désert, après son baptême, le diable l’avait tenté par trois fois, et
par trois fois Jésus l’avait repoussé. Or, avait rapporté saint Luc, « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de
tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé ». Le
« moment fixé », c’est justement son Heure.
C’est donc bien en sa Passion que le diable est
revenu pour faire échouer Jésus, au moment le plus important de sa mission, et
le faire tomber pour de bon. Tentation de répondre à la violence par la
violence… Jésus se laisse mener à l’abattoir comme un agneau. Tentation de
maudire ceux qui le crucifient… « Père,
pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Tentation d’arrêter
le supplice : « N’es-tu pas le
Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » lui a crié le mauvais larron...
Tentation jusqu’au doute de l’amour de son Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu
abandonné ? », tentation ultime qu’il rejette victorieusement
: « Père, entre tes mains, je
remets mon esprit ». Voyez donc, chers frères et sœurs, combien Jésus
a été tenté en sa Passion.
Quand l’Heure vient, avec son lot de
tentations, le seul remède qui soit à la hauteur, c’est donc la veille et la prière.
Le disciple, qui n’est pas plus grand que son maître, passe par le même chemin
que lui. C’est ainsi que, pour les disciples de Jésus, en ce soir du vendredi
saint, l’heure de veiller et de prier est venue.
Dans nos vies aussi, il peut arriver des
moments de découragement, de dégoût, d’angoisse, des moments où l’on perd le
sens de ce qu’on fait, de ce qu’on est, des moments de doute, désagréables, où
tout semble être remis en cause. Nous avons alors part au Vendredi saint des
disciples, et à l’Heure de Jésus.
Que le Seigneur nous fasse alors la grâce de
nous souvenir que c’est au moment même où nous pensons qu’il s’est éloigné,
qu’en réalité il nous appelle : il nous appelle à veiller et à prier, à
combattre. Et plus les tentations sont fortes, plus l’enjeu est important. Pour
Jésus, il s’agissait du pardon des péchés de tous les hommes et de leur
résurrection, pour les disciples, de la foi en Jésus ressuscité. Car à des
tentations importantes correspondent des grâces importantes, pas seulement pour
soi, mais aussi et surtout pour les autres.
Chers frères et sœurs, le cardinal Robert
Sarah, a déclaré récemment que le temps que nous vivons actuellement dans
l’Église est semblable au Vendredi Saint. Certains ont trahi ; l’Église semble
s’effondrer en occident ; on se prend à douter ; on se demande où est
Jésus ? Mais la réponse, Jésus nous l’a déjà donnée ; elle est
toujours la même : « Veillez et
priez pour ne pas entrer en tentation ».
Pour répondre aux défis de notre temps, chers
frères et sœurs, cet appel à la veille et à la prière ne doit pas rester à
l’état de slogan : il doit orienter toute notre vie, jusqu’à ce que se
lève dans notre cœur et dans notre monde, la lumière de la résurrection.